Futurs de la ville aux étoiles. Matisse, Miro, Calder… Musée de la Vieille Charité – Marseille
Par Myriam Trefi
Visite de l’exposition « Futurs » à la Vieille Charité, avec Guillaume Theulière, commissaire de l’exposition.
C’est votre âme d’enfant qui est convoquée à la vieille Charité pour l’exposition « Futurs » ; celle qui s’emballe pour les découvertes et le progrès, celle qui craint d’en être le jouet et celle qui inlassablement rêve de mondes meilleurs.
Dans le cadre superbement rénové de la Vieille charité, perchée dans le quartier du Panier à Marseille, se tient l’exposition « Futurs », une promenade du début du 20ème siècle jusqu’à aujourd’hui. Mise en scène par Christine Poulain, son commissaire d’exposition, et Guillaume Theulière, conservateur à la vieille Charité, autour de trois titres devenus des classiques de l’imagerie de la science-Fiction « Métropolis », « la Guerre des Mondes » et « l’Odyssée de l’espace », « Futurs » déploie ses trésors en trois volets. A travers 115 œuvres d’importance, de 88 artistes, venues des quatre coins du monde, nous retrouvons tous les mouvements majeurs de l’histoire de l’art moderne et contemporaine. Certaines œuvres peu exposées sont mises lumière et d’autres ont pu quitter leurs musées d’origine ou des collections particulières pour nous offrir cette découverte.
La Vieille Charité à Marseille, un lieu a priori peu prédestiné à une telle flânerie car initialement commandé par Louis XIV à Pierre Puget, l’architecte prodigue, comme « maison des gueux ». Aujourd’hui, jusque dans la Chapelle, des œuvres sont exposées pour leur plus grand bénéfice car magnifiquement mises en valeur.
On entre sur un air d’exaltation de la modernité à travers l’urbanisation et la construction des grandes villes, les futuristes italiens notamment Giovani Balla (dynasmisme d’une automobile 1913), exaltent le mouvement, la vitesse, la verticalité des lignes qui partent vers le ciel pour bâtir les villes du futur. Malevitch est présent aussi à travers un plâtre qui reconstitue son architectone, l’architecture d’Henri Sauvage, pyramide monumentale avec une photo de l’immeuble Métropolis quai de Passy à Paris, Fernand Léger et son échafaudage qui célèbre la beauté et la vitalité urbaine. Bernard Boutet de Monvel, artiste moins connu peint minutieusement les vues industrielles tel « New York » où l’on voit un pont, et « l’usine ». Précisionnisme américain avec Charles Demuth (After all), ou Frantisek Kupka qui nous montre des détails de mécanismes aucune expression artistique n’est laissée de côté. L’inquiétante étrangeté de Machinensaal de Carl Grossbergdans une imprimerie où se côtoient une vierge, un singe, avec une vue sur un site industriel. Un magnifique et surprenant gratte-ciel éclairé d’Amédée Ozenfant qui a théorisé avec le Corbusier le manifeste du purisme, me surprend. Le rayonnisme présent à travers un pont de Natalia Gontcharova. Un photomontage de Pol Bury redessine le Pan Am building en le déformant comme à travers un kaléidoscope. Une œuvre cinétique rarement montrée de Laszlo Moholy-Nagy nous interpelle également.
La science-fiction n’est jamais loin, une sculpture de Rudolf Belling de 1953 ressemble étrangement à C3PO de Star Wars. Victor Brauner et son « prestige de l’air » nous lance en plein fantastique plutôt terrifiant tandis que Martial Raysse consumérise la conquête spatiale et que « la fiancée de l’espace » de Rancillac tient du monstre sous-marin coloré et tentaculaire. Trois toiles d’Erro, quand à elles, mélangent les genres : classicisme et conquête spatiale. Le message politique, interroge sur le combat contre l’Occident comme étendard de la technologie. La période post 11 septembre est omniprésente dans la série de photos de Dulce Pinzon « la véritable histoire des super héros » qui photographie des héros du quotidien (laveur de vitres mexicain en spider-man) mais aussi dans les sublimes Twin towers de Ivan Navarro, des néons qui descendent dans un puits sans fond grâce à un jeu de miroirs et qui ressemblent à s’y méprendre au monument érigé aujourd’hui en lieu et place des twin towers, deux puits-fontaines sans fond.
On atteint un plaisir rare en trouvant réunis de sublimes grands formats de Miro, des Matisse, un Klein peint sur une carte IGN, des Calder, un étonnant Max Ernst autant de monuments de l’histoire de l’art moderne réunis autour de la force de leurs visions des mondes. Mais ce qui pousse au silence et au recueillement c’est dans la chapelle la magnifique œuvre de Bruno Peinado de 1970, « silence is sexy »…une sphère vivante et respirante d’aluminium, sorte de planète immaculée et investie uniquement de nos reflets, juste beau ! « Futurs » réussit la pari d’un thème si fort qu’il nous présente des artistes sur un siècle rassemblés par l’imaginaire du futur de chacun des artistes et du surtout du nôtre.
Myriam Perche
Du 22 mai au 27 septembre 2015
Centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, 13002 Marseille
Commissariat :
Christine Poullain, conservateur en chef, directrice des musées de Marseille.
Guillaume Theulière, conservateur, adjoint à la directrice des musées de Marseille.
http://vieille-charite-marseille.com/index/actuellement/futurs-matisse-miro-calder
Un commentaire
Xiang
Quel endroit magnifique et belle exposition, j’adore la construction spatiale de Rodtchenko dans la chapelle !