Bâle: Gauguin (1848-1903) – A la recherche du Paradis perdu…

Plus qu’une exposition, c’est un événement culturel spectaculaire que nous offre la fondation Beyeler. Il aura fallu six ans pour réunir, pour la première fois, ces 5O grands chefs-d’oeuvre de Gauguin, artiste fascinant qui a ouvert la voie de la peinture moderne . Six ans de travail et un investissement colossal, mais le jeu en vaut la chandelle puisqu’au bout du chemin il y a … le Paradis!

 

Les tableaux de Gauguin sont si séduisants qu’ils m’emmènent ailleurs, bien loin de nos villes et de notre temps … là où la liberté, la vie nue de toute civilisation, la rapport pur à la nature permettrait le Vrai Bonheur.  Gauguin est Le Peintre inégalé du Rêve Exotique. J’embarque avec lui vers ces iles Polynésiennes où le temps semble s’être arrêté, et où ce grand admirateur de femmes, se repait du spectacle de leurs corps volupteux.  Il a su rendre vivante , presque palpable, la sensualité alanguie de ces femmes Tahitiennes,  de ces paysages solaires gorgés de chaleur , de ces couleurs prodigieuses, franches et caressantes.

Paul Gauguin   Quelles nouvelles?1892  67 x 91 cm  Galerie Neue Meister, Dresde  Photo: Jürgen Karpinski
Paul Gauguin
Quelles nouvelles?1892, 67 x 91 cm
Galerie Neue Meister, Dresde
Photo: Jürgen Karpinski

 

En effet en 1891, à l’âge de 43 ans, sa quête obsessionnelle d’un paradis terrestre et sa passion de la liberté, conduisent le peintre à quitter définitivement femme, enfants et patrie pour se lancer dans la grande Aventure de sa vie:  départ vers Tahiti!

Paul Gauguin Eh quoi tu es jalouse?, 1892, 66X89 cm
Paul Gauguin
Eh quoi tu es jalouse?, 1892, 66X89 cm

Déçu par la réalité de la Polynésie, trop civilisée à son gout et qui ne satisfait pas « ce malgré moi de sauvage » comme il l’écrit à sa femme, c’est sur ses toiles qu’il couche ses rêves, sublimant le réel.  Dans « Eh quoi tu es jalouse », la nature totallement abstraite se pose  comme un ornement autour des corps charnels lascifs. Une oeuvre Sublime, d’une frappante modernité !

Pourtant, au milieu de ces images idylliques, perce  une sombre mélancolie . Dans « Quelles nouvelles ?« , le paysage est joyeux,et les postures des 2 femmes évoquent la détente, mais les visages paraissent fermés et inquiets. Un autre tableau me plonge  dans une image lumineuse de couleurs, calme et douce;  un Eden où la musique s’associe à des rites spirituels Maori, mais comme l’indique son titre c’était « Autrefois »...

Paul Gauguin Autrefois,1892   91 x 69 cm  Photo: © Colección Carmen Thyssen-Bornemisza en depósito en el Museo Thyssen-Bornemisza
Paul Gauguin
Autrefois,1892
91 x 69 cm
Photo: © Colección Carmen Thyssen-Bornemisza en depósito en el Museo Thyssen-Bornemisza

Plus tard, Gauguin recherchant toujours un monde plus primitif et  sauvage, s’en va dans les iles Marquises où il continue de célébrer la beauté de la Polynésie .  Je suis émerveillée par les « Contes Barbares », son décors enchanteur et mystérieux sublime la chevelure Rousse de la jeune femme , Tohotaua, qui lui a servi de modèle dans de nombreux tableaux. A gauche, un personnage bizarre au pied griffu – il s’agit en fait du peintre Jacob Meyer de Haan, ami de Gauguin –  ajoute au mystère de ce tableau énigmatique.

Paul Gauguin  Contes Barbares, 1902   131,5 x 90,5 cm Photo: © Museum Folkwang, Essen
Paul Gauguin
Contes Barbares, 1902
131,5 x 90,5 cm
Photo: © Museum Folkwang, Essen
Paul Gauguin Cavaliers sur la plage (II), 1902  73,8 x 92,4 cm
Paul Gauguin
Cavaliers sur la plage (II), 1902
73,8 x 92,4 cm

Une oeuvre monumentale synthétise toute la réflexion et l’oeuvre de Gauguin « D’où venons-nous? Que sommes- nous? où allons-nous?« . Un véritable tableau – testament qu’il a peint avant une tentative de suicide, comme une conclusion à sa vie d’artiste. Il y traite des sujets existentiels fondamentaux de l’origine de la vie à sa fin, de la relation de l’homme à la nature et au sacré. Viennent s’insérer naturellement des éléments de l’iconographie religieuse des peuples Océaniens, si chère au peintre.

  » Je crois que non seulement cette toile dépasse en valeur toutes les précédentes, mais encore que  je n’en ferai jamais une meilleure. J’y ai mis avant de mourir toute mon énérgie, une telle passion douloureuse, et une vision tellement nette sans corrections, que la hâtif disparait , et que la vit en surgit »   Paul Gauguin

Paul Gauguin D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?, 1897/98 139,1 x 374,6 cm Photo : © 2015 Museum of Fine Arts, Boston
Paul Gauguin
D’où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?, 1897/98
139,1 x 374,6 cm
Photo : © 2015 Museum of Fine Arts, Boston

La fondation Beyeler a fait le choix judicieux de ne  présenter que les oeuvres postérieures à la période où Gauguin s’est séparé du mouvement impressionniste. C’est à ce moment qu’il développe son style personnel, très novateur, qui va au delà de la représentation du réel pour se concentrer sur la vision née de l’imagination de l’artiste .

« Copier la nature, qu’est-ce que cela veut dire? (…). Suivre les maîtres! Mais pourquoi donc les suivre? Ils ne sont des maîtres que parce qu’ils n’ont suivi personne.  » Gauguin

Les formes sont épurées et planes, les couleurs puissantes, lumineuses et contrastées.  L’exposition à Beyeler commence  donc par  des oeuvres de son  second séjour en Bretagne (1888), durant lequel  Gauguin s’affirme comme le Chef de fil d’un nouveau courant: l’école de Pont-Aven (le tableau « la vision du sermont » en est très représentatif ) . Elle se poursuit en faisant la part belle à ses merveilleuses créations des Iles des mers du Sud .  Très avant-gardiste, il a influencé de nombreux grands artistes des décennies suivantes dont Bonnard, Picasso (« Hommage à Gauguin), Matisse   (« La joie de vivre »), les Fauves etc..mais aussi de grandes figures de la peinture contemporaine comme Peter Doig, dont l’exposition dans ce même lieu vient juste de se terminer.

Sa vie, comme son oeuvre , est  fascinante et hors du commun. Aventurier, épris de liberté, Gauguin est allé au bout de sa quête personnelle et artistique au prix d’une vie de misère, de déceptions et de maladie.  Pour notre plus grand bonheur, il a inventé dans ses créations magistrales le Paradis de ses rêves qu’il n’a jamais trouvé sur terre.

Caroline d’Esneval

News!: Ironie du destin, ou revanche de la postérité: Gauguin s’est éteint seul et dans le dénuement absolu, alors qu’aujourd’hui la vente de ses chefs-d’oeuvre atteignent des sommets exceptionnels. Dernière vente en date, le Qatar vient de se porter acquéreur de la peinture « Quand te maries tu? » auprès du collectionneur Rudolf Staechelin, pour la somme de 300 M$, ce qui en fait ainsi le tableau le plus cher du monde!  Courez à la fondation Beyeler où vous pourrez encore l’admirer  jusqu’à la fin de l’exposition (28 Juin) avant son départ pour le Qatar.

Paul Gauguin Quand te maries-tu?, 1892, 105X78 cm
Paul Gauguin
Quand te maries-tu?, 1892, 105X78 cm

Emotion: La palette de l’Artiste !

Palette de Paul Gauguin, Musée d'Orsay, Paris
Palette de Paul Gauguin,
Musée d’Orsay, Paris

 PAUL GAUGUIN   – FONDATION BEYELER- 8 FÉVRIER au 28 JUIN 2015 –BASEL

http://www.fondationbeyeler.ch/fr/expositions/paul-gauguin/introduction 

Littérature : Gauguin était un artiste complet qui a également écrit des textes poétiques sur sa vie et son oeuvre. Son livre , « NoaNoa » raconte la Polynésie. L’acteur Keanu Reeves, aux origines tahitiennes, fait une lecture de  » Noa Noa » a l’occasion de l’exposition Gauguin à la fondation Beyeler. Video!

 http://www.youtube.com/watch?v=cj1YVgxm8bU

 

2 commentaires

Laisser un commentaire

En savoir plus sur THE GAZE OF A PARISIENNE

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading