MAMCO Genève: Mounir Fatmi « Permanent Exiles »

 

Une exposition  intéressante et émouvante au MAMCO: celle de Mounir Fatmi « Permanent Exiles ». Ce que j’aime chez lui c’est sa réflexion, et l’ intelligence avec laquelle il formalise ses messages, ses doutes. M. Fatmi joue avec des métaphores visuelles,  une approche parfois surréaliste, qui loin d’affaiblir l’idée la rend accessible , touchante , intéressante…. On ne peut qu’être interpellé et essayer d’imaginer les significations cachées.  Son inventivité fait sourire. Il joue avec les autorités, les règles . Il les dénonce avec esprit.

 Cet Artiste contemporain  né à Tanger en 1970 propose une œuvre engagée, remplie de sens . Ses principaux thèmes tournent autour du poids de l’identité, du corps, de la séparation, de l’altérité. il désacralise et condamne tout diktat qu’il soit religieux ou ethnique.

Mounir Fatmi The paradox courtesy @ Mamco
Mounir Fatmi
The paradox,2013
courtesy @ Mamco

Dans « The paradox », une redoutable roue à aiguiser tranche le mur. Sur la lame, un texte est écrit en Arabe, on devine une ligne reprise du Coran. Dès que la roue tourne, le texte disparait, perd tout son sens, se libère du message religieux… 

Plus loin, dans le couloir, 2 interphones d’aspect  assez standards sont fixés au mur .

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Mais en m’ approchant , j’y lis les noms de grands penseurs et d’artistes: Claude Levi-Strauss, Salman Rushdie, Georges Perec, Malevitch, Hannah Arendt, Bela Bartok, Albert Camus…Comme si nous pouvions les contacter et converser avec eux au grès de nos envies via ces interphones.

 

 

 

 Dans une autre salle, des livres sous verre  saignent de leur encre… l’encre coule sur les parois du verre, rendant difficile l’identification et la lecture des ouvrages qui par ailleurs sont tâchés par cette même encre noire. On y devine un exemplaire du Coran ainsi que des livres biblique chrétiens. La rencontre des différentes religions est -elle vraiment possible sans larmes ou sang?  Pour l’Artiste les taches d’encre sur les livre symbolisent aussi  le test de Rorschach… une invitation à méditer  sur l’intreprétation des textes religieux.

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Mounir Fatmi « La divine Illusion »

 

Jouant sur les mots et les images, M. Fatmi présente une oeuvre- sculpture faite en cables d’antennes , où est représenté « the Théorist ».. en train d’aiguiser son couteau sur la même roue que celle de « The Paradoxe »…Cette oeuvre fait directement allusion à « l’aiguiseur de couteau  » de Malevitch (1913 ) que Fatmi  traite avec une nouvelle approche matérielle. En utilisant le blanc sur blanc, l’image de l’Artiste se découvre lorsqu’on la regarde avec attention.

« The Theorist »… n’y aurait-il pas comme une faute de frappe , une pirouette nous ramenant à la triste actualité.

"The Théorist"- 2013 cables d'antennes  200 X 140 cm
« The Théorist »- 2013
cables d’antennes
200 X 140 cm
Malevitch l'aiguiseur de couteau , 1913
Malevitch
l’aiguiseur de couteau , 1913

 

Plus loin, mon coup de coeur: une installation réunit plusieurs écrans de video. L’un d’entre eux, est un court-métrage « History is not mine »(video en début d’article), qui pourrait être issu des temps Modernes de Charlie Chaplin. Une machine à écrire ancienne, au ruban rouge sang… un homme assis devant tape sur les touche pour écrire l’histoire, mais utilise des marteaux plutot que ses doigt. le texte qui est ressort est illisible et sans sens. Ces marteaux et l’encre rouge illustre une violence.  Avec cette video, L’artiste répond à la censure dont l’une de ses oeuvres « Techonoligia » a été l’objet . Celle -ci ,mélant versets coraniques à des éléments des Rotoreliefs de Marcel Duchamps, a été retirée du festival Le Printemps de septembre de Toulouse en 2012 pour cause de blasphème. Pour Fatmi, cette censure est grave, elle porte l’interdit fait aux artistes de s’exprimer sur l’histoire.

History is not mine Mounir Fatmi courtesy @ Mounir Fatmi
image tirée de la video « History is not mine »
Mounir Fatmi
courtesy @ Mounir Fatmi

Faisant partie de la même installation, « Sleep al Naim » est une autre  oeuvre video qui a subit également le couperet de la  censure à l’Institut du monde Arabe en 2012. On y voit Salman Rushdie étendu semblant dormir… par moment on pourrait le croire mort, si ce n’étaient ses mouvements subtils et réguliers de respiration. Représenter Salman Rushdie dans un sommeil, le rend très vulnérable compte tenu des menaces de mort qui pèsent sur lui depuis la Fatwa de 1988. Pourtant il a l’air serein dans son sommeil, comme s’il bravait le danger en s’octroyant la pause du « sommeil des justes ». Cette video représente une évocation directe au film minimaliste « Sleep » d’Andy Warhol , dans lequel ce dernier montre le  poète John Giorno en train de dormir 6 heures durant . N’ayant pas pu rencontrer Salman Rushdie avant l’achèvement de son oeuvre, M. Fatmi a réalisé cette video en images 3D reconstituées à partir de grand nombre de photos de Salman Rushdie… très impressionnant!

Mounir Fatmi Sleep al Naim image de la video
Mounir Fatmi
Sleep al Naim 2005-2012
image tirée de la video, courtesy de L’Artiste et Galerie Hussenot Paris

 

D’autres oeuvres de Mounir Fatmi  sont présentées au Mamco… Allez -y vite , c’est jusqu’au 10 Mai seulement! et surtout demandez des explications aux personnes présentes dans les salles, c’est indispensable pour retirer toute la richesse de ces oeuvres !

 Caroline d’Esneval

Pour en savoir plus sur Mounir Fatmi : http://www.mounirfatmi.com/

Mamco: http://www.mamco.ch/expositions/encours/Mounir_Fatmi.html

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