Rencontre avec Eric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française

Eric Ruf dans sa loge à la Comédie Française
Eric Ruf dans sa loge à la Comédie Française

Rencontre avec Eric Ruf , administrateur général de la Comédie-Française– comédien aux talents multiples,  qui nous a reçu dans cette grande maison et nous a très librement parlé de sa passion du théâtre et de ses nouvelles fonctions à la tête de cette institution.

Pour arriver jusqu’à lui nous traversons les coulisses de la Comédie Française; au fil des pas, nous ressentons toute la majesté de ce lieu habité par 300 ans d’histoire. Nous arpentons les couloirs,  les portraits de Talma , Sarah Bernhardt, Rachel défilent sous nos yeux, nous découvrons la glace sans tain devant son bureau qui permet d’apercevoir les spectateurs montant les marches du grand escalier.  Le nouvel Administrateur général apparaît. Tout en lui respire l’homme de Théâtre, la grâce de ses gestes, son regard vif , ses mots choisis. Si à prime abord sa prestance et sa présence frappent, c’est son esprit, son enthousiasme et son énergie que nous découvrons au fil de l’entretien.

Maquette de la Comédie Française construite par Eric Ruf.
Maquette de la Comédie Française construite par Eric Ruf.

TGP : Vous êtes le 498ème sociétaire, de l’extérieur, le Français est une institution mythique assez mystérieuse, racontez nous comment vous avez fait  pour y entrer ?

Eric Ruf : Je suis entré en fin de première année de conservatoire en 1993, je ne connaissais pas du tout cette institution. Je faisais du théâtre depuis trois ans à l’école Florent où je travaillais beaucoup parce que cela me passionnait;  je mettais en scène,  je faisais déjà des décors, je vivais une bohème gaie et laborieuse dans cette maison. Donc finalement j’allais assez peu au théâtre et en tous les cas pas à la Comédie Française.

J’ai passé le concours au moment où c’était la dernière année où je pouvais le passer. Jacques Lassalle, administrateur de la Comédie Française, m’a fait venir dans son bureau,  il m’a  dit qu’il me trouvait très bien, qu’il avait vu mon concours d’entrée au conservatoire, que Catherine Hiegel et Pierre Vial lui avaient parlé de moi, qu’il me laissait dans les « langes » du conservatoire le temps de voir plus loin.
Jacques devait aller à Avignon pour le Dom Juan qu’il montait à la Cour d’Honneur et avait besoin d’un jeune premier . Il m’a donc rappelé quinze jours après. Fort heureusement je n’avais aucun a priori sur la Comédie Française, je ne faisais pas partie de ces gens qui disaient jamais, jamais ! Je suis venu, je faisais une jolie confusion entre comédies italiennes et françaises et j’ai vu deux spectacles de Jacques qui m’ont impressionné : “La Serva Amorosa” et “La Fausse Suivante”. Si c’était pour faire partie de ce tableau, je voulais bien en être.

Comédie Française
Comédie Française

TGP : Quelle était le rôle pour lequel vous avez été engagé ?

E.R. : J’étais rentré au conservatoire avec Jeanne Balibar, J’étais en cours avec Jeanne Balibar, je sortais du cours Florent avec Jeanne Balibar et nous sommes entrés ensemble  à la Comédie Française, elle faisait Elvire et j’étais son frère Dom Carlos.

TGP : Vous avez un passé familial protestant très rigide que vous évoquez dans l’article du Télérama, pourriez-vous nous dire en quelques mots le lien établi entre cette filiation et le théâtre ? 

E.R.  : Le lien que j’ai fait est sur la représentation, la codification, le rapport au sacré car j’ai vu mes deux grands-pères du haut de leur chaire au Temple et j’ai été très impressionné par cela. Je les voyais s’adresser à une assemblée, lire des textes sacrés et faire des homélies. Je me souviens que la veille, ils travaillaient à leur bureau pour interpréter, moderniser peut-être, le sens de l’Evangile. Je trouvais cela assez incroyable que mes grands-pères puissent se permettre d’interpréter quelque chose qui était gravé dans le marbre. Et puis le costume, et  le rituel des gens : se lever, s’assoir. Le fait que des gens suivent à la lettre , sans se poser de questions,  une codification,  je trouvais cela très impressionnant.

Eric Ruf - Carnet de croquis
Eric Ruf – Carnet de croquis

TGP : Ce n’est pas très éloigné du métier d’acteur ?

E.R. : Effectivement curés, pasteur, il y a quelque chose de cet ordre là, ils sont sur scène comme au théâtre , puis la scène- la scène, la chaire- la chaire, avec la religion, la procession, la codification, il y a maille à partager

TGP : Retirez vous une certaine fragilité de votre enfance, un père sévère  ? Et pensez-vous que la fragilité convienne au métier d’acteur ? 

E.R. : C’est drôle que vous me disiez cela, il y a d’autres personnes qui m’ont fait cette remarque. Peut-être parce que dans ma famille on ne s’épanche pas et que cette franchise est naturelle. Mais c’est exact: lorsqu’on  me demande dans les articles ce qui m’a constitué, je réponds ma famille, sa violence, ou alors je dis que je ne veux pas en parler.  Et puis, on grandit en âge, on s’aperçoit que toutes les familles sont les mêmes; ce qu’on trouvait exceptionnel dans la nôtre est quelque chose de tellement communément partagé. Et sinon la fragilité pour être acteur, oui bien sûr.

TGP : Et si vous étiez un personnage de théâtre qui seriez vous ?

Escalier de la Comédie Française
Escalier de la Comédie Française

E.R. :  J’aurais tendance à dire : « Le partage de Midi »  le rôle de Mesa, ça fait partie des personnages qui m’ont séduit quand j’étais jeune comédien. J’ai beaucoup travaillé Claudel, il est pourtant catholique, je ne le suis pas, mais il a quelque chose de protestant. Il a une espèce de rapport direct à Dieu. L’orgueil de ce personnage qui dit « je suis appelé », « je rentre dans les ordres », « c’est quoi mon ordre de mission », « il n’y a rien alors je m’en vais! », je trouve cela totalement humain . Et pour moi qui suis « pourri » de rites, mais pas superstitieux,  le rapport au sacré, c’est toute mon enfance.

TGP : Vous avez mis en scène et fait les décors récemment de « Pré aux Clercs » à l’Opéra Comique, souhaiteriez-vous poursuivre dans la mise en scène Lyrique ? 

E.R. : J’étais très heureux de ce critique sur Classica qui a dit que je fais oeuvre de discrétion et qu’on ne voit tellement pas la mise en scène, et il termine  son article en ajoutant que je ne dois pas le prendre mal car c’est un compliment à ces yeux !

A la lecture, à l’écoute du « Pré aux clercs », j’ai pensé :  c’est un spectacle populaire avec un parler, un chanter, des grandes cavalcades, des cadavres sur scène, c’est cela qu’il faut essayer de rendre avec un sentiment un peu plus moderne, j’ai juste ôté du décorum. Etant , scénographe je sais que, de temps en temps, quand l’image est trop forte, on n’écoute plus,  et tout est donné, il n’y a même plus à jouer de la scène.

Comédie Française
Comédie Française

TGP :  Voulez vous continuer dans cette direction ?

E.R. : Oui je suis censé monter Pélléas et Mélisande au Théâtre des Champs Elysées pour la saison 2017-2018.

Pour les décors, je vois ce que je veux faire, mais c’est très compliqué, dans cette oeuvre il parle d’humidité  tout le temps, on a l’impression que c’est un pays mouillé,  tout est froid,  tout est ombre, on dirait le bayou en Louisiane, tout est pourrissant.

Paul Claudel parle de l’odeur douce amère des eaux stagnantes. On sent cette chose là en continu, comme un royaume arrêté dans le temps. Pour cela, j’aimerais travailler avec de l’eau.

Dans Pélléas et Mélisande c’est quelque chose de cet ordre là, j’aimerais que tout soit un reflet.

Eric Ruf dans sa loge à la Comédie Française
Eric Ruf dans sa loge à la Comédie Française

TGP :  Les traces  les empreintes que la mer laisse…

E.R. : C’est ce que j’ai essayé de faire sur Lucrèce Borgia, ce pan noir avec cette gondole échouée  j’y ai mis de la marée, c’est mon côté breton, on ne sait pas où est le ciel et où la mer.

TGP : Eric Ruf, vous êtes depuis Aout 2014 l’Administrateur Général (i.e directeur général) de la Comédie Française. Quelle est votre ambition pour cette maison et quels sont vos projets majeurs pour l’amener là où vous le souhaitez ?

E.R : Mon ambition la plus modeste et la plus réaliste pour cette maison, qui existe depuis 1680, est que le miracle continue. Que le public continue à venir, que l’Etat continue à donner des subventions Que cette exception française, cette troupe la plus ancienne au monde perdure. C’est déjà bien !

Maintenant, cette Institution est aimantée naturellement vers son passé. Cela correspond d’ailleurs à une attente des spectateurs qui ont, en France, un vrai goût de l’histoire et du répertoire classique. A la Comédie Française, tout concourt à aller dans ce sens: le lieu historique, l’architecture du théâtre à l’italienne faite  pour impressionner un public large. Cette Maison est une incroyable « fabrique de spectateurs ». Où emmenez vous votre enfant de 7 ans… par quoi commencer ? Par la Comédie Française! On suppose que l’enfant a besoin d’images, de costumes qui les impressionnent, de décors, d’une lecture éclairée, de textes intéressants que l’enfant va comprendre. Quand je jouais ici,  je signais des autographes en même temps à un enfant, à son père et à son grand père !

Maintenant, je suis censé ne pas faire fuir le public actuel, mais mon rôle est aussi d’en faire venir un autre. C’est pourquoi mon ambition, comme celle de mes prédécesseurs, est d’orienter la Comédie Française vers l’avenir, d’ouvrir son répertoire à des pièces contemporaines. Cette maison a ceci d’extraordinaire qu’elle est un des rares lieux qui n’aient pas à choisir. Sa mission est large: présenter le répertoire Français et étranger, Classique et Contemporain. Je n’ai pas à décider entre faire venir un Castellucci en ne proposant que du théâtre post dramatique pointu, ou présenter des grands textes Classiques de Molière, Marivaux etc… La Comédie Française est taillée pour faire les deux, comme une grenouille météorologique qui monte et descend l’échelle. La richesse pour le public doit être celle là .

Cette année, par exemple, il va y avoir un texte d’ Edward Bond. Il est considéré comme un auteur difficile du fait de ses écrits violents sur notre époque. Mais la pièce que nous allons monter de lui est très différente.

TGP : Quelle pièce de Bond?

Comédie Française Plafond de la salle Richelieu
Comédie Française
Plafond de la salle Richelieu

E.R :« la mer ». C’est pour la saison 2015-16, donc ma programmation. Cette pièce est rentrée au répertoire il y a 3 ans. J’ai trouvé le texte extraordinaire. Très belle pièce… Je me suis dit   «  Etonnante pour du Bond ! ». 1900 sur la côte anglaise, jolis costumes, ambiance très anglaise. La scénographie sera très intéressante car l’histoire commence par un noyé sur une place et finit par des femmes insulaires qui font du théâtre sur une falaise. Les personnages sont magnifiques. Lorsqu’on a découvert la pièce, on avait envie de jouer tous les rôles. C’est exactement ce qu’il faut pour la Comédie Française: c’est contemporain, on retrouve tous les thèmes récurrents de Bond, les collectifs qui se resserrent dès qu’un intrus arrive.., mais raconté dans une accession très romanesque. Il y de la matière pour faire rêver.

TGP : Votre  priorité est également de faire venir de grands metteurs en scène étrangers, pouvez- vous nous en dire plus ?

E.R : C’est exact. Pour participer au grand concert des nations de Théâtre, il faut faire venir de grands metteurs en scène, comme Thomas Ostermeier, comme Katie Mitchell…et aussi des grands maîtres comme Stein, qui sont dans une maîtrise totale de leur technique. Des jeunes loups mais aussi des grands maîtres ! J’ai une troupe qui ne les connaît pas et qui en a besoin. Il faut qu’elle soit nourrie, abreuvée, il faut des metteurs en scène qui la bousculent, et qui repartent en nous ayant fait grandir… pour moi, ça a été le cas avec  Vassiliev. Lorsque j’ai un problème en répétition, je réfléchis à la manière dont Vassiliev aurait traité le sujet. Ce sont des expériences fondatrices qui nous suivent dans nos carrières

Comédie Française Salle du Comité de Lecture
Comédie Française
Salle du Comité de Lecture

TGP : Ces grand metteurs en scènes étrangers, les avez-vous approchés ?

ER : C’est en fait mon activité principale. Je m’aperçois que nombre de ces artistes sont étonnés d’être invités à la Comédie Française. En réalité, ils connaissent peu cette maison et pensent que l’on y fait surtout des reconstitutions historiques à la Molière. Ils sont étonnés que je n’ai pas une longue barbe blanche, un plastron. … Et puis ils se rendent compte que je n’ai pas l’approche d’un producteur mais que je suis un comédien- metteur en scène -scénographe, que nos sensibilités se rencontrent et que l’on peut échanger sur le travail. Mais cela prend du temps. Je vais voir leurs spectacles à l’étranger. J’essais de créer un lien. C’est un travail d’approche subtil. Par exemple, avec Ostermeier, j’en suis à mon 4 ème voyage et à notre 5 ème entrevue.

TGP : Dans vos projets, vous souhaitez réactiver des partenariats avec le théâtre vivant, avec des festivals- comme celui d’Avignon ou encore avec l’Opéra de Paris ?

ER :Avec Le festival d’Avignon, c’est déjà une réalité : la saison prochaine, nous serons de retour à la Cour d’Honneur …cela fera 23 ans que nous n’avons pas été là-bas. C’est symbolique et important. Du fait que je viens du sérail, je bénéficie de relations privilégiées avec certains grands partenaires comme justement Olivier (Py) qui est arrivé à la tête du festival d’Avignon ou Stéphane Braunschweig–  directeur du Théâtre de la Colline , ou encore Stéphane (Lissner) aujourd’hui Directeur de l’Opéra de Paris. J’adorerais, entre autre, monter des spectacles en commun avec l’Opéra de Paris pour que certains musiciens viennent jouer ici et que nos comédiens puissent s’exprimer à l’Opéra de Paris.

Comédie Française
Comédie Française

TGP : Les acteurs de la CF ont une vraie aura, ils jouent merveilleusement bien, Qu’est ce qu’ils ont en plus ?

E.R : On apprend beaucoup de chose à la Comédie Française. Lorsque j’étais au conservatoire, j’étais de la génération Vigner, Nordey etc, qui s’érigeaient contre le théâtre classique et voulaient en créer un autre. « Pas le droit de mettre un point dans les textes », « il ne faut pas mettre un sens sur la littérature », « nous n’avons pas à interpréter, c’est au public de choisir… ». Et moi je trouvais ça génial ! Ils jouaient de la même façon Genet ou une traduction d’un poète polonais ! Puis je suis venu à la Comédie Française, j’ai regardé. Je voyais de grands ainés comme Yves Simon, Robert Hirsch qui faisaient de la lecture à vue, sans avoir rien préparé, comme les grands musiciens. C’était merveilleux… l’instinct des grands lecteurs, la manière de placer la voix, de rendre tout clair. Et je me disais :« ma mère va adorer », j’aimerai faire ça ! Etre mélodieux, être Classique. Il y a des textes qu’il faut aider, il faut les incarner, les réveiller. C’est ce que je voulais apprendre à faire dans cette maison.

 

23/05 au 25/07 2015 "La Maison de Bernarda Alba" Comédie Française http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=1414&id=517
23/05 au 25/07 2015
« La Maison de Bernarda Alba »
Comédie Française
http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=1414&id=517

TGP :Qu’est ce que c’est pour vous justement un grand comédien de théâtre ?

E.R : Un comédien c’est celui qui arrive à être lui même. Des grands acteurs -comme Robert Hirsch ou Michel Robin par exemple- ne travaillent plus, ils ne jouent pas, ils sont eux . C’est de la présence pure, la vérité qui sort de leur jeu.  Incarnée par le truchement de leur humanité; A force de travail, les acteurs de la CF atteignent cette connexion entre le jeu, le théâtre et eux même. Quand on est dans l’instinct, on joue comme un animal, avec les imprévus, une réplique décalée,un trou.. on joue avec les spectateurs.  Pour moi, la meilleure façon de jouer c’est d’arriver 5 minutes avant le lever de rideau. L’habilleuse est en panique totale, je ne regarde même pas le texte et je découvre le rôle que je vais jouer en voyant le costume prêt dans la loge. Si je vois le chapeau de cowboy c’est le rôle du cowboy et si ce sont les plumes, c’est l’indien. J’adore ! c’est une manière de se concentrer dans l’immédiateté. On connait le texte et on est capable de le réinventer.

Propos recueillis par Florence Briat Soulié et Caroline d’Esneval

Pour ceux qui le souhaitent possibilité de lire la  version intégrale de ces propos en suivant ce lien.

http://www.comedie-francaise.fr/index.php 

23/05 au 25/07 2015 "La Maison de Bernarda Alba" de Federico García Lorca.  Mise en scène de Lilo Baur Comédie Française http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=1414&id=517
23/05 au 25/07 2015
« La Maison de Bernarda Alba » de Federico García Lorca.
Mise en scène de Lilo Baur
Comédie Française
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Les sens- Le Portait « sensoriel » de The gaze of a parisienne

  • TGP :  Quel est le gout que vous préférez?

  • Eric Ruf : La pomme

  • TGP :  Quel le son qui vous touche le plus?

  • E.R. : Les drisses qui claquent contre les mats dans un port

  • TGP : Si vous fermez les yeux: quelle est la matière que vous aimez toucher avec vos mains?

  • E.R. : La douceur du balsa, bois tendre et doux pour faire des maquettes.

  • TGP : Si vous ouvrez les yeux: qu’elle vue vous apaise ou vous inspire?

  • E.R. : La mer 

  • TGP : Qu’elle est votre odeur préférée?

  • E.R. : L’odeur de la colle blanche quand on était petit à l’école.

Après "La Maison de Bernarda Alba"... que nous avons beaucoup aimé. Très belle mise en scène.
Après « La Maison de Bernarda Alba »… que nous avons beaucoup aimé. Très belle mise en scène.

Challenge théâtre  2015 chez  Eimelle https://i0.wp.com/thegazeofaparisienne.com/wp-content/uploads/2015/01/e58a5-theatrelogo.jpg?resize=108%2C88&ssl=1 

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