Une parisienne à l’heure italienne du Liberty à la Mostra de Venise…

Elizabeth Royer L'auteur de" Venise comme je l'aime" France Thierard Alessandro Tusset ©Aurore de La Morinerie
Elizabeth Royer
L’auteur de » Venise comme je l’aime » France Thierard
Alessandro Tusset, édition Elzeviro
©Aurore de La Morinerie

Une semaine  très italienne, pour moi qui débute par une visite au musée d’Orsay pour admirer l’exposition en cours : Dolce vita ? Du Liberty au design italien (1900-1940)un documentaire Arte sur l’italien idéal Marcello Mastroianni pour finir à Venise grâce au guide de France Thierard Venise comme je l’aime.

Des années Liberty, l’Art Nouveau italien, avec un créateur génial comme Carlo Bugatti ( 1856-1940),  sa chaise en forme d’escargot géant certains y voyaient un cobra, recouverte entièrement de parchemin et décorée de gracieuses libellules. (provenance : vente aux enchères Alain Lesieutre 1989, n°303) Cette chaise fait partie d’un ensemble « Le salon de jeu et de conversation » appelé aussi « Le Salon escargot ». Alain Lesieutre, un des premiers grands collectionneurs d’Art Déco, avait réuni un ensemble impressionnant de mobilier de Carlo Bugatti, qui fût dispersé aux enchères en décembre 1989 et en juillet 1991. Je pense que nous retrouvons certains de ces objets aujourd’hui dans les salles du Musée d’Orsay. Une famille Bugatti sacrément célèbre, les deux fils Rembrandt Bugatti, le sculpteur animalier,   et Ettore Bugatti, le constructeur automobile ont été d’exceptionnels artistes, chacun dans leur domaine !

Les futuristes font rentrer l’automobile dans le monde artistique. La voiture devient chef d’œuvre. Ainsi, c’est sans doute un véritable idéal artistique qui va conduire Ettore Bugatti à investir, sans destinataire précis, dans la composition somptueuse et ruineuse de la « Royale ».

En effet,  Filippo Tommaso Marinetti, écrivain italien, qui fut l’initiateur du mouvement futuriste au début du XXᵉ siècle a pu déclarer de façon péremptoire : « Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive … une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace. »

Plus loin les Mille et une nuits de Vittorio Zecchin,  pour l’Hôtel Terminus, considérées comme le chef-d’oeuvre du Liberty vénitien.

Alberto Gerardi (1889-1965) Porte-fleurs vers 1920

Cette exposition montre le lien étroit entre les arts décoratifs et les peintures ou sculptures, entraînant trois mouvements Liberty, Futurisme et Novecento qui se sont développés sous l’Italie fasciste de Mussolini.

Inspiratrice et maîtresse du Duce Margherita Sarfati, née dans une famille juive vénitienne, journaliste qui  soutient les artistes et donnera une grande impulsion au développement artistique en Italie. Victime des lois anti-sémites italiennes, elle sera alors mise à l’écart et partira en exil en Uruguay. Egérie sur le plan artistique de Mussolini, conseillère culturelle officieuse, elle rassemblera les artistes autour d’un nouveau mouvement qu’elle créera : le Novecento  qui donnera naissance au « design » moderne. Un mouvement qui réunit des artistes comme Gio Ponti, nous pouvons admirer sa coupe en verre « laguna » soutenue par des mains, en même temps le peintre poète Giorgio de Chirico nous dessine son « Rêve déguisé à l’Antique »  , définition de Fritz Neugass sur ce courant Métaphysique.

Renato Bertelli (1900-1974) « Profil continu Dux » 1933 Majolique à vernis noir

De cette époque fasciste, paradoxalement, les artistes ont été très productifs et très libres. Les artistes italiens ont dans l’ensemble adhéré au nouveau régime, qui était pluraliste sur le plan artistique et ouvert à la modernité

Cette adhésion, qui demeure jusqu’aux premiers revers du régime fasciste (à partir de l’éclatement de la seconde guerre mondiale), pouvait relever de l’opportunisme mais également de l’attraction exercée par un régime politique fort, le culte du« Duce», charismatique et autoritaire et affirmant, sur le plan intérieur et international, la grandeur d’une Italie qui retrouve sa fierté et le respect des grandes puissances européennes. «Mussolini a toléré, et même encouragé, un débat culturel étonnamment ouvert, que n’a jamais permis Hitler», faisait déjà observer Philip Cannistraro en liminaire d’une exposition à la Royal Academy de Londres, en 1985 (source : article de Vincent Noce, Libération, «L’art de plaire à Mussolini», 21 décembre 2012). Les futuristes adhérent au fascisme. On peut lire dans le Manifeste Futuriste de 1909 : « nous voulons glorifier la guerre, seule hygiène du monde, le militarisme, le patriotisme ».

C’est également la naissance du design. Très impressionnant, le buste du Duce de Bertelli (1933), exposé au Musée d’Orsay, est une vision en profil continu de Mussolini, à laquelle fait écho cette affiche martelée de «Si, S, Si, » sur la façade du siège du parti fasciste lors du plébiscite de 1934. Pour se replonger dans cette ambiance de tensions politiques et esthétiques, le film « Une journée particulière» (Ettore Scola, 1978)réunit Sophia Loren, mère de famille nombreuse, condamnée par son mari à son statut domestique, et Marcello Mastroianni, dans le rôle de l’intellectuel homosexuel persécuté par le régime, dans le contexte historique particulier de la visite de Hilter au Duce, qui traduit le durcissement intérieur du régime et de son alignement diplomatique sur l’Allemagne nazie, en 1938.

En conclusion de cette semaine, je file à la signature du livre de France Thierard  Venise comme je l’aime, un guide pour se perdre  illustré par Aurore de La Morinerie.

Quatre voyageuses, la réveuse, l’aventurière, l’érudite et l’élégante, toutes amoureuses de Venise nous prennent la main et nous guident, chacune selon sa personnalité, elles déambulent dans les rues étroites mais aussi sillonnent les canaux sur les gondoles.  Elles nous ouvrent les portes des palais et nous nous retrouvons sur une altana, puis dans ce cinéma « Paradiso » en plein air, nous rêvons dans un cloître, nous les suivons encore, et grâce à elles entrons dans un bar à cicheti…

Ces belles vénitiennes nous révèlent des secrets de cette ville,  enfouis dans les eaux du Grand Canal.

La collectionneuse imagine son salon d’hiver et nous livre ses adresses : « Dans un coin du salon une table ronde dressée pour le dîner, une nappe rose achetée chez Chiara Stella Cattana, des assiettes en porcelaine dessinées par Matteo Corvino à l’occasion de mon anniversaire, les verres à vin en cristal de roche sont d’Attilio Codognato… »

Aurore de La Morinerie, en trois coups de pinceau, me croque un très joli portrait de parisienne, je file à l’italienne et vous dit ciao !!!

Florence Briat Soulie

Dolce vita ? Du Liberty au design italien (1900-1940) au musée d’Orsay du 14 avril – 13 septembre 2015. 

Marcello Mastroianni : Un italien idéal – Arte

Bibliographie : 

France Thierard "Venise comme je l'aime"
France Thierard « Venise comme je l’aime »

France Thierard Venise comme je l’aime Elzeviro, mai 2015

version en italien : Venezia come piace a me di France Thierard  – Una guida per perdersi

– bijoux francethierard.blogspot.com/Librairie GalignaniAurore de La Morinerie  

Françoise Liffran : Margherita Sarfatti : L’égérie du Duce. 2009, édition Seuil

Philippe Dejean « Carlo, Rembrandt, Ettore, Jean Bugatti », Editions du Regard, Paris 1981

 

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