Exposition « Zao Wou-ki: La lumière et le Souffle »

« Je voulais peindre ce qui ne se voit pas, le souffle, la vie, le vent, le mouvement, la vie des formes, l’éclosion des couleurs et leur Fusion » ZaoWou-Ki

Zao Wou-ki est certainement l’un des plus grands peintres de la deuxième moitié du XX ème siècle. Célébré, exposé, collectionné à prix d’or dans le monde entier, il captive et fascine par ses oeuvres à la force fulgurante, aux couleurs puissantes mais aussi par l’harmonie infinie qui s’en dégagent. Démiurge habité, il exhalte les forces vives et les tourments de sa vie intérieure dans des créations de tempêtes, de lumières et d’obscurité, de vide et de matière, de chaos et de jaillissements. Sous son pinceau, sous son geste et ses couleurs, éclate un univers de sensations et de vie inconnu.

Hommage à mon ami Henri Michaux 1999-2000 Huile sur toile 200X 750 cm
Hommage à mon ami Henri Michaux, 2000
Huile sur toile 200X 750 cm

Zao Wou-Ki, c’est aussi l’homme des ouvertures, des voyages et des rencontres qui ont jalonné sa vie et participé à l’évolution de son Art. En quête d’une expression artistique la plus pure et la plus libre, il s’est confronté aux limites de son héritage culturel Chinois et a cherché le chemin de son expression personnelle en quittant son pays à 28 ans. Arrivé à Paris en 1948, il s’entoure de peintres talentueux tels Soulages, Vieira da Silva, Hartung.

Zao Wou-ki devant son tableau Hommage à Françoise, 2003 copyrights AFP photo/ Francois Guillot
Zao Wou-ki
devant son tableau Hommage à Françoise, 2003
copyrights AFP photo/ Francois Guillot

Il se lie également à de nombreux poètes et écrivains dont les mots résonnent avec sa sensibilité. Un riche travail de lithographies, gravures, bibliophilie et aquarelles va naitre de ces échanges.

« Dans la tradition Chinoise, peinture et poésie sont intimement liées, au point qu’il n’est pas rare qu’un poème soit écrit dans une partie vide du tableau« . Zao Wou-ki

L’Exposition au Musée d’Art de Pully « La Lumière et le Souffle » est un merveilleux hommage à l’attachement de Zao Wou-ki aux poètes, à l’origine de toute cette partie de son oeuvre. Elle nous permet, au travers de leur travail conjoint, de suivre l’évolution de l’Art du peintre, depuis son arrivée en France  jusqu’à ses dernières années au bord du lac Léman. 

Claude Roy et Zao Wou-ki à la Galerie de France 1972 Photograhie: André Morain
Claude Roy et Zao Wou-ki
à la Galerie de France 1972
Prise de vue: André Morain

Suite à la visite de cette très belle exposition, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Françoise Marquet, l’épouse de Zao Wou-Ki, qui a partagé sa vie durant près de 40 ans jusqu’à ses dernier jours . Cette femme passionnante, qui a été Conservateur du Musée d’Art Moderne de Paris, m’a commenté l’Exposition  » Zao Wou-ki: la Lumière et le Souffle » apportant son éclairage de témoin privilégiée de sa création .

Dès son arrivée à Paris, l’Artiste se passionne, en effet,  pour les techniques occidentales de gravures, qu’il apprend auprès de Johnny Friedlaender, peintre de l’école de Paris et graveur. Pourquoi cette passion pour la gravure?  Cette technique, contairement à la peinture à l’huile, lui permet de multiplier les essais et les variantes de couleurs, ouvrant à Zao Wou-ki des possibilités nombreuses. Elle l accompagne dans son travail exploratoire de nouvelles formes d’expressions picturales.

« L’approche technique de la gravure m’a tout de suite captivé. Je suis très curieux. dès qu’une technique nouvelle m’apparait, je la mets à l’essai. Si elle convient à mon mode de création, je la prends« . Zao wou-ki.

La rencontre avec Henri Michaux va être décisive et inaugure ses collaborations artistiques avec les poètes. Robert Godet, Editeur, montre à Michaux huit lithographies réalisées par Zao Wou-ki. L’écrivain est littéralement subjugué par ce qu’il voit et « met en poème » les gravures du Peintre dans un livre commun « Lecture » en 1950.  Une profonde amitié  unira les deux hommes jusqu’à la disparition d’Henri Michaux en 1984.

Zao Wou Ki, Lecture III (Henri Michaux), 1950 © Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich. Photo courtoisie Christie's 2013
Zao Wou Ki,
Lecture III (Henri Michaux), 1950
© Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich. Photo courtoisie Christie’s 2013


En 1951, Les gravures de Zao wou-ki sont exposées à Berne et à Genève. A l’occasion de son voyage en Suisse, il découvre l’oeuvre de  Paul Klee. C’est, pour lui, une révélation et une première étape dans sa libération de la figuration vers l’abstraction par le biais du signe. Les oeuvres de Zao Wou-ki sont imprégnées de cette influence jusqu’au milieu des années 50, tant dans ses huiles que dans ses gravures.

Montagnes et Soleils, 1951 Donation Nane Cailler Collection Musée d'art de Pully
Montagnes et Soleils, 1951
Lithographie  Donation Nane Cailler 
© Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich. Collection Musée d’art de Pully

Dès lors , Zao Wou-ki renouvellera, dès que l’occasion se présentera, ses collaborations avec les poètes qui l’inspirent. D’ailleurs peu de temps après, il illustre les textes de L’Américain Harry Roskolenko « Paris Poems »: deux étrangers se servant de leur Art pour célébrer, ensemble, Paris!

A cette époque, Zao Wou-ki réalise une dizaine de lithographies pour les grands éditeurs Suisses Pierre Caillers et Nesto Jacommetti à l’occasion de la « Guilde Internationale de la gravure »; celles ci seront données au Musée de Pully par Nane Cailler en 2011.

Une deuxième grande étape dans son oeuvre survient à la fin des années 50, à son retour d’un voyage, où avec Pierre et Colette Soulages, il parcourt durant plus d’un an les Etats Unis, Le Japon et Hong Kong. Son cheminement artistique depuis la figuration traditionnelle Chinoise vers le symbolisme des signes le conduit enfin à l’Abstraction. Zao Wou-ki s’affirme alors comme un acteur majeur de l’Abstraction lyrique et de l’Art informel. Il ne recherche plus le modèle du monde extérieur mais jette sur ses toiles ses émotions, sa vie intérieure. 

Les illuminations Arthur Rimbaud Eaux fortes et Aquatinte Zao Wouki, 1967
Les illuminations
Arthur Rimbaud
Eaux fortes et Aquatinte Zao Wou-ki, 1967 © Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich.

Légèreté de l’espace, fusion des couleurs, qui se disputent la place du vide, masses qui s’affrontent comme mes angoisses et mes peurs, silence du blanc, sérénité du bleu, désespoir du violet et du orange » Zoa Wou-Ki

Dans son oeuvre gravée, bibliophile ou d’aquarelle, le geste remplace la forme, les couleurs explosent . Zao Wou-ki rencontre André Malraux dans l’aventure de « la Tentation de l’Occident ». Le texte de Malraux datant de 1926 imagine un dialogue entre un Chinois et un Français qui visitent chacun le pays de l’autre. C’était écrit! Une merveilleuse rencontre pour Zao wou-ki qui se lie avec ce grand homme des Lettres et de la Politique . 

La Tentation de l'Occident André Malraux, Lithographies originales Zao Wou ki, 1962
La Tentation de l’Occident
André Malraux,
Lithographies originales
Zao Wou ki, 1962

Ses collaborations l’attachent à d’autres grands poètes vivants ou disparus, dont il « enlumine » les écrits de ses oeuvres colorées: Arthur Rimbaud (Les illuminations), Ezra Pound (Canto Pisan LXXVI),  René Caillois (Randonnées, A la gloire de l’image..), Jean Lescure (L’Etang) et bien sur René Char ( Effilage du sac de jute …) et Claude Roy .

Zao Wou Ki L'Etang (de Jean Lescure)_1972 ©Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich_Photo_HD Sotheby's 2014
Zao Wou Ki
L’Etang (de Jean Lescure)_1972
©Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich_Photo_HD Sotheby’s 2014
Zao Wou Ki L'Etang (de Jean Lescure)_1972 ©Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich_Photo_HD Christie's 2014
L’Etang (de Jean Lescure)_1972
©Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich_Photo_HD Christie’s 2014

Dans les années 70, l’Encre de Chine, délaissée depuis son arrivée en France, réapparait dans son oeuvre. Très atteint par le décès de sa deuxième femme May en 72, l’Artiste a du mal à peindre. Il reprend la pratique de l’Encre de Chine sur les conseils de Michaux, mais en travaillant les jeux d’encre d’une manière très personnelle. En témoignent ses illustrations de « La Mémoire Amoureuse » de Martine Cadieu, et d’autres oeuvres poétiques (Jean Laude, Roger Laporte, Christian Gali etc..) de cette époque .

Eau forte et aquatinte pour La Mémoire amoureuse©Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich_Photo_HD Mercier
Eau forte et aquatinte noire pour La Mémoire amoureuse textes Martine Cadieu, 1975 ©Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich_Photo_HD Mercier

Après quelquesmois difficiles, Zao Wou Ki renoue avec la peinture, la couleur et les grands formats. Cependant, l’Encre de Chine ainsi que les Eaux fortes et Aquatintes en noir réapparaitront régulièrement dans ses créations communes avec les poètes. A l’instar de ses collaborations répétées avec Yves Bonnefoy, Henri Michaux, Claude Roy, François Cheng ainsi que son travail d’illustration du recueil de poèmes de Dominique de Villepin  « Là bas » en 2006.

Eloges des choses extrêmement légères -Claude Roy Eau-forte et Aquatinte en noir Zao wou-ki 1993
Eloges des choses extrêmement légères -Claude Roy
Eau-forte et Aquatinte en noir Zao wou-ki 1993 © Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich.

L’exposition  « Zao Wou-ki: Le souffle et la Lumière », admirablement bien conçue par son commissaire Yann Hendgen, nous fait découvrir toute une facette de l’oeuvre du Peintre. Elle nous fait ressentir cet attachement si profond de Zao wou-ki aux plus grands poètes. L’intensité du geste de l’un résonnant avec les mots des autres dans une même sensibilité , une même poésie.

 Lithographie pour A la gloire de l'image..._1976 ©ProLitteris Zurich_Photo_HD Sotheby's 2013
Lithographie pour A la gloire de l’image et art poétique..de Roger caillois, 1976
© Zao Wou-Ki ProLitteris Zurich._Photo_HD Sotheby’s 2013

Cette exposition a donné lieu à un très beau livre « Zao Wou-Ki et les Poètes » écrit par Dominique de Villepin et publié chez Albin Michel, qui révèle dans le détail cette part essentielle de la vie de l’Artiste.

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Françoise Marquet se consacre entièrement, avec la Fondation Zao Wou-ki, à faire vivre et rayonner l’Oeuvre de son mari dans le monde entier. En mémoire de l’attachement du peintre pour la Suisse, elle a notamment réalisé un certain nombre de donations et des dépôts aux institutions artistiques de ce pays (Musée d’Art de Pully, Musée Cantonal Beaux Arts  etc..) et met tout en oeuvre pour répondre aux demandes d’exposition des Fondations et Musées partout à travers le Monde.

Quelques événements à ne pas manquer:

« La lumière et le Souflle » Musée d’Art de Pully (près de lausanne) – Jusqu’au 27 Septembre

Rétrospective des peintures de Zao Wou-ki à La Fondation Pierre Gianadda –  du 4 Septembre 2015 au  12 Juin 2016

« Michaux et Zao Wou-ki, dans l’empire des Signes » – Fondation Bodmer (Genève) : du 5 Septembre 2015 au 10 Avril 2016

Nous serons bien sur au rendez vous!

Je vous quitte, les yeux remplis de « la lumière et du Souffle » de Zao wou-ki !

Caroline d’Esneval

 

Plus d’informations:

Zao Wou-ki : « La Lumière et le Souffle »- Musée d’Art de Pully :http://www.musees.vd.ch/fr/musee-de-pully/accueil/

Fondation Zao Wou-Ki: http://www.zaowouki.org

« Zao Wou-ki et les poètes »- Dominique de Villepin – Albin Michel :http://www.albin-michel.fr/multimedia/Documents/espace_journalistes/communiques_de_presse/201505/VILLEPIN.pdf 

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