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Bernard Buffet (1928-1999) – Expo choc

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« Il ne faut pas confondre peinture et politesse » Bernard Buffet

« Horreur de la guerre, L’Ange de la guerre » 1954
coll. fonds de dotation Bernard Buffet
@EDTR-Photography

Une rétrospective Bernard Buffet, il fallait oser !

Un artiste tombĂ© dans les oubliettes de l’histoire de l’art
 et pourtant en entrant au MusĂ©e d’art Moderne de la ville de Paris aujourd’hui, son oeuvre m’apparait comme une Ă©vidence.

Bernard Buffet Ă©tait enfoui dans notre mĂ©moire culturelle, comme un secret de famille que l’on n’ose dĂ©couvrir


 

DĂšs l’entrĂ©e, c’est un plongeon dans un style, nous sommes accueillis par une immense peinture de tauromachie, oĂč le taureau est marquĂ© au fer rouge des initiales de Bernard Buffet, le ton est mis et je comprends la mĂ©taphore de l’artiste seul dans l’arĂšne face Ă  tous les autres qui le blessent Ă  mort, je suis face Ă  un spectacle des couleurs de la vie Ă  la mort.

Devant son oeuvre on ne peut rester indiffĂ©rent, comment  ne pas ĂȘtre dĂ©stabilisĂ©, c’est un choc ! Pour moi, Bernard Buffet c’était un portrait de clown aperçu derriĂšre les rideaux d’une galerie ou quelques affiches vues ci et lĂ .

ElĂšve au lycĂ©e Carnot, il s’ennuyait Ă  l’école, adorait les sciences naturelles et dessinait des libellules et papillons. A 15 ans il rentre aux Beaux-Arts avec une dĂ©rogation et deviendra alors pour un temps une star.

Chaque exposition provoquait une Ă©meute, des autographes Ă©taient signĂ©s sur des tickets de mĂ©tro. Dans le film « Comment Ă©pouser un millionnaire ? «  l’appartement de Lauren Bacall est dĂ©corĂ© d’un grand paysage  de Bernard Buffet.

Expo Bernard Buffet MAMVP

On le disait l’égal de Picasso. S’en suivent des expositions avec Kees Van Dongen, Utrillo, Rouault, Villon
 Jean Cocteau lui consacre un poĂšme, ill illustre « La voix humaine »  du poĂšte.

Bernard Buffet
©Thegazeofaparisienne

Je ne m’étais pas prĂ©parĂ©e Ă  une telle prĂ©sence. Le dĂ©but d’exposition est impressionnant de froideur, c’est  l’invention d’un style, je suis impressionnĂ©e par ce jeune homme de 19 ans qui peint la « Ravaudeuse de filets » ou encore un peu plus tard  « Horreur de la guerre » (1955). Je suis Ă  la fois dĂ©routĂ©e par le ton glacial, la duretĂ© de ses peintures et Ă  la fois enchantĂ©e par une nature morte.

Dominique Gagneux
Commissaire de l’exposition
©Thegazeofaparisienne

Lui qui est si jeune semble avoir dĂ©jĂ   acquis un style, il est omniprĂ©sent, son portrait nous suit, glaçant. Heureusement les portraits de ses proches plus doux tempĂšrent nos sentiments, celui de son marchand Maurice Garnier d’abord, ou celui de Pierre BergĂ© qu’il rencontre Ă  21 ans, de trĂšs beaux portraits jetĂ©s Ă  plat, les ombres inexistantes,  trĂšs bien vus.  Mais toujours un sentiment de solitude paradoxal chez ce mondain apparent  et je ne sais pas en tant que spectatrice,  si je suis acceptĂ©e 


« Autoportrait sur fond noir » 1956
collection Pierre Bergé

Je me pose la question que se sont posĂ©s les journalistes « Alors Ă  votre avis, horriblement beau ou magnifiquement affreux ? », une autre me vient aussitĂŽt Ă  l’esprit « abstraction ou rĂ©alisme « ?  et je pourrais en Ă©noncer de nombreuses autres.

Les grands formats, le style virtuose et les compositions trĂšs personnelles ont contribuĂ©, selon un critique d’art amĂ©ricain, Ă  l’engouement pour cette peinture d’«une somptueuse pauvreté» encore assimilable par le public.

Assez rapidement cependant, l’ambiguĂŻtĂ© s’est accentuĂ©e, entraĂźnant incomprĂ©hension, Ă©tonnement et parfois rejet – qui arrive inĂ©vitablement quand on ne se comprend plus –, Ă  l’exemple des visiteuses respectables en col de fourrure, dĂ©couvrant les scĂšnes suggestives des Oiseaux Ă  la galerie David et Garnier en fĂ©vrier 1960.
Il est donc tentant d’analyser ce que critiques et journalistes ont pu rĂ©sumer sous la forme interrogative : « Alors Ă  votre avis, horriblement beau ou magnifiquement affreux6 ? ». Dominique Gagneux – Extrait du catalogue

Expo Bernard Buffet MAMVP

Dominique Gagneux, commissaire des expositions marquantes du musĂ©e d’art Moderne – Baselitz, Poliakoff et aujourd’hui Bernard Buffet – me donne la leçon de peinture de l’artiste. Elle me montre les diverses inspirations du peintre, celles de Mondrian les formes gĂ©omĂ©triques, les natures mortes de Chardin (la raie)  et Courbet, Rembrandt, le baron Gros. Il se confronte Ă  la peinture d’histoire. Les peintures mĂ©diĂ©vales oĂč la mort est trĂšs prĂ©sente, je pense Ă  une petite Ă©glise grecque entiĂšrement dĂ©corĂ©e de peintures murales oĂč l’enfer est le sujet principal. Je pense Ă©galement Ă  la PiĂ©ta d’Avignon (Enguerrand Quarton) oĂč la Vierge Ă©plorĂ©e porte dans ses bras le Christ dĂ©charnĂ© et outragĂ© par les stigmates de la crucifixion.

« Nature morte à la sole » 1952
Coll. Pierre Bergé

Il ne faut pas oublier que Bernard Buffet a vĂ©cu sous l’occupation, de plus en 1945, sa mĂšre meurt en trois mois d’une tumeur foudroyante, il n’a que 17 ans. Ces Ă©vĂšnements vont marquer son oeuvre.

On a souvent dit qu’il avait une palette rĂ©duite, hier encore, une de mes amies me rapportait qu’un professeur de dessin lui avait dĂ©clarĂ© que Bernard Buffet n’avait jamais Ă©voluĂ©.. C’est faux : les couleurs, le dessin, les sujets, les formes, rien Ă  voir entre le dĂ©but et la fin. Il nous surprend, j’adore ses acrobates, je reste fascinĂ©e par le mouvement de ces deux voltigeurs.

Je suis ravie de voir accrochĂ© ce petit duc qui marqua profondĂ©ment « M »  – Matthieu Chedid au point de s’en inspirer pour sa coiffure, lors d’une Ă©mission « ThĂ© ou Café » du 25/10/2015 (19e minute environ), je l’avais entendu se confier Ă  Catherine Ceylac. Sa grand-mĂšre maternelle travaillait  à la galerie Maurice Garnier, et sa famille conservait une gravure de hibou, dans cette mĂȘme Ă©mission il parle d’un « Papillon »  appartenant Ă©galement Ă  sa famille et aussi source d’inspiration pour lui !

Mathieu Chedid
dans Ă©mission ThĂ© ou cafĂ© – France 2

Hibou

A ma naissance, ma grand-mĂšre maternelle, qui travaillait Ă  la galerie Maurice Garnier, m‘a offert une lithographie de Bernard Buffet reprĂ©sentant un hibou et un dessin oĂč deux petits papillons aux ailes ouvertes forment un M. Je me suis rendu compte trĂšs tard que je mâ€˜Ă©tais inspirĂ© de ce hibou pour ma coiffure
 Mon disque est truffĂ© de mystĂšres, de rĂ©bus, de jeux de piste autour du hibou. Et d’autres Ă©lĂ©ments
 

Mathieu Chedid M  » Le Monde Mathieu en dix mots qu’il aime – Interview de Gilles MĂ©dioni, publiĂ© le 05/09/2009

 

Bernard Buffet a Ă©tĂ© dĂ©criĂ© pour son ralliement aux institutions : au moment oĂč il est consacrĂ© par l’acadĂ©mie des Beaux-Arts en 1974 et accĂšde alors au statut d’un « artiste officiel », ce qu’il n’a jamais Ă©tĂ©, Pierre Cabanne, journaliste Ă  Combat Ă©crit « ObsĂšques nationales » et Ă©reinte dans son article, presque une nĂ©crologie Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre un panĂ©gyrique, le peintre pour s’ĂȘtre sclĂ©rosĂ©, « ossifié » en quelque sorte. Mais le critique, qui exĂ©cute ainsi dans un « J’Accuse » qui restera longtemps le rĂ©quisitoire dressĂ© contre Bernard Buffet, n’explicite pas en quoi sa peinture froide, au scalpel, s’est transformĂ©e en « guimauve, bouillie pour chat » Ă  l’orĂ©e des annĂ©es 70, « pompidoulo-duronienne » Ă©crit-il avec fĂ©rocitĂ© ?

Andy Warhol dans un entretien de 1985, définit Buffet comme « the last famous painter »,

Cette rĂ©trospective va permettre de tordre le cou aux idĂ©es prĂ©conçues sur Bernard Buffet, la curiositĂ© des gens vis-Ă -vis de l’artiste va ĂȘtre enfin assouvie.

Mais je voudrais dire que cette visite est un instant de fraicheur retrouvĂ©e, un artiste qui nous appartient et que nous sommes heureux de  « re-connaĂźtre » (ou « renaĂźtre ») par l’idĂ©e audacieuse  d’un directeur de musĂ©e orchestrĂ©e par le travail remarquable d’une commissaire d’exposition qui met en scĂšne Bernard Buffet et nous retrace une vie, une oeuvre, un jour, un destin de cette importance.

Florence Briat Soulié

Jean Cocteau – La voix humaine. Coll. Jean-Paul Beaujard

 

Bernard Buffet

RĂ©trospective

Commissaire d’exposition : Dominique Gagneux

 

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