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Lâart contemporain arabe est aujourdâhui quelque peu moins « trendy » pour reprendre lâexpression tendance que lâart africain. On ne compte plus aujourdâhui sur la place de Paris le nombre dâexpositions consacrĂ©es Ă lâAfrique nouveau continent de lâart, qui emporte les promesses, artistiques et Ă©conomiques, dâun nouvel Eldorado, autour des deux locomotives que sont le musĂ©e Jacques-Chirac â musĂ©e du Quai Branly et la fondation Cartier. Câest pourtant oublier un peu vite que le monde arabe mord largement sur lâAfrique (le Maghreb) et que lâislam est la premiĂšre religion en Afrique. Ces changements dâhumeurs â qui doivent ĂȘtre nuancĂ©s sur le long terme â sont aussi le reflet des soubressauts du monde arabe contemporain : Ă lâeuphorie â un peu naĂźve â du monde occidental lors des Printemps arabaes a succĂ©dĂ© lâobscuritĂ© de lâĂtat islamique et sa politique de terreur, notamment Ă lâĂ©gard de la culture.
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Câest la raison pour laquelle il faut aller voir la foire dâart contemporain de Beyrouth. OrganisĂ©e depuis 8 ans avec perspicacitĂ© et pugnacitĂ© par Laure dâHauteville, avec le concours de soutiens libanais, la BAF (« Beirut Art Fair ») est devenue la rĂ©fĂ©rence et le point de passage obligĂ© de lâart contemporain et du desin. Le Liban â et Beyrouth en particulier â ne peuvent ĂȘtre mieux choisis pour incarner le dialogue entre les cultures et constituer la vitirne des talents artistiques du monde arabe, dans sa variĂ©tĂ©. Comment ne pas saluer la performance politique, Ă©conomique et artistique dâun pays qui a su prĂ©server la diversitĂ© et lâĂ©quilibre entre les diffĂ©rentes communautĂ©s (chrĂ©tiennes, sunnite, chiite et druze), vaccinĂ©e aprĂšs 25 ans de guerre civile ? Il faut Ă©galement saluer la prĂ©sence des institutions culturelles françaises, publiques (lâInstitut français) ou privĂ©es (galeries) dans leur implication dans cette manifestation
Un pavillon spĂ©cialement consacrĂ© aux artistes arabes, « lâOurouba », qui signifie lâarabitĂ©, permet de mettre en valeur lâexpression artistique de jeunes peintres. Lâespace « Ourouba » en hommage aux artistes arabes Ă©tait particuliĂšrement rĂ©ussi le quadrilatĂšre « lâoeil du Liban » dresse un panorama de la crĂ©ation arabe depuis les 15 derniĂšres annĂ©es. Sous la direction de Rose Issa, avec une mise en perspective du spĂ©cialiste de la gĂ©oâpolitique du monde arabe, Georges Corm, Ourouba reflĂšte le convulsions du monde arabe et la vitalitĂ© de la crĂ©ation libanaise contemporaine. Le point de dĂ©part est le visage enchĂąssĂ© par des chaussures de George W. Bush Jr, un portrait de Mahoud Obaidi, avec un sous-titre ironique, « Farewell Kiss ». Ayman Baalbaki est trĂšs impressionnant avec ses grands formats de ruines, marquĂ©es par la guerre civile, quâil sâagisse dâun avion de ligne brisĂ© par les roquettes sur un aĂ©roport international ou une façade dâimmeuble de Beyrouth, ouvert Ă tous les vents, une forme dâimmeuble Yacoubian Ă lui seul comme un Ăźle dĂ©serte. Ses compositions sont exreĂȘment colorĂ©es, comme pixĂ©lisĂ©es, avec une rĂ©surgence nĂ©o-impressionniste. Le rapprochement entre la couleur, vive et gaie, et le thĂšme de la guerre ne peuvent manquer de surprendre.
Lâartiste palestinien Abdul Rahman Katanani (soutenu, entre autres par la galerie Magda Danysz) est un artiste charismatique et rayonnant qui Ă©blouit par ses ondulations, mi â sculptures mi â tableaux, en fil de fer barbelĂ© et en tĂŽle obulĂ©. LaurĂ©at du prix Sursock, rĂ©vĂ©lation de la FIAC 2012 Ă Paris, lâartisite est un condensĂ© de lâhistoire du monde palestinien. Il vit dans le camp de rĂ©fugiĂ©s de Sabra et Chatila, le camp oĂč sâest dĂ©roulĂ© le massacre au cours de la guerre de 1982, sous administration de lâUNRWA, lâoffice des Nations â Unies en charge des rĂ©fugiĂ©s palestiniens. Ses thĂšmes sont baignĂ©s par la douceur et lâinnocence de lâenfance, la jeune fille qui saute Ă la corde ou lâĂ©cume de la vague qui attend son surfeur. Mais ces sujets sont rĂ©alisĂ©s avec des matĂ©riaux pauvres, ceux du camp oĂč il vit, fil de fer barbelĂ©, tĂŽle ondulĂ©, et sont comme une claque de rappel adressĂ© au spectateur et en mĂȘme temps exprime lâespoir, lâallĂ©gresse et la rĂ©silience.
Dans le mĂȘm carrĂ© se trouvent exposĂ©s un tableau de Nadia Saffiedine, sombre et travaillĂ©, avec la matiĂšre et lâĂ©paisseur si caractĂ©ristiques de lâartiste. Pour terminer la visite, un dĂ©tour par le musĂ©e Sursock sâimpose : dans ce palais Ă©lĂ©gant, miraculeusement prĂ©servĂ© de la guerre civile, Ă©difiĂ© par Nicolas Ibrahim Sursock,nĂ©gociant et homme dâaffaires qui a lĂ©guĂ© son palais Ă la ville de Beyrouth en vue dây installer une fondation dĂ©diĂ©e aux arts du Liban, le spectaculaire plan en caoutchouc de Beyrouth est posĂ© Ă mĂȘme le sol. Beyrouth, capitale du Liban et thĂ©Ăątre de conflits sans cesse renouvelĂ©s, constitue Ă nâen pas douter, la pierre angulaire des derniĂšres Ćuvres de Marwan Rechmaoui. Au fil de ses Ćuvres il rĂ©vĂšle la gĂ©ographie sociale et politique extrĂȘmement complexe de sa ville. Beirut Caoutchouc, un plan gigantesque mĂ©ticuleusement sculptĂ© dans du caoutchouc noir montre avec force dĂ©tails les routes et les soixante quartiers de la ville, Marwan Rechmaoui met ici en exergue la distribution socio-gĂ©ographique de Beyrouth, rĂ©vĂšle son histoire et les schismes qui en ont rĂ©sultĂ©.
Le travail dâ
revisite les chefsâdâoeuvre du graphisme du monde araboâmusulman classique, les MĂąqamĂąts dâal-HarĂźrĂź (XIIIĂšme siĂšcle) conservĂ©s Ă la BibliothĂšque nationale. MĂȘme ceux qui ne connaissent pas lâorigine de lâoeuvre se remĂ©morent lâiconogrpahie qui a servi Ă illustrer les chapitres des manuels dâhistoire de collĂšge sur lâIslam, avec KalĂźla wa Dimna. Les MĂąqamĂąts (« sĂ©ances ») sont le rĂ©cit picaresque dâun vagabond, dont les aventures reflĂštent fidĂšlement la sociĂ©tĂ© abbasside de son temps. Lâartiste, Abed El Kadiri, sâest directement inspirĂ© des manuscrits conservĂ©s Ă la BNF. La richesse picturale et visuelle des illustrations en sont le reflet fidĂšle, sur de grands tableaux Ă lâhuile et au fusain. Mais lâactualitĂ© contemporaine exerce une fascination et une contagion morbide sur le tableau avec, en arriĂšreâplan, les profanations culturelles de Daech. Lâartiste revisite ainsi le concept de lâiconoclasme et dâanicionisme avec cette perspective de fuite sur les destructions de lâEtat Islamique, qui apparaissent au fusain, dans une couleur qui en souligne lâaspect rĂ©gressif et rĂ©pressif. Lâartiste vit et travaille Ă Beyrouth.
La BAF a lâoriginalitĂ©, de par la volontĂ© de ses crĂ©ateurs, de mĂȘler les aires gĂ©ographiques pour mieux en souligner lâouverture et la diversitĂ©. Il ne sâagit plus dâuniformitĂ© ou dâeuropĂ©oâcentrisme mais du dĂ©sir dâĂ©largir les questionnements et les points de vue. Ainsi la galerie Esther Woerdehoff propose le travail rare de RenĂ© Groebli, photographe suisse, qui a Ă©tĂ© dĂ©couvert et exposĂ© par Alfred Steichen, curateur de lâexposition du MOMA, « The Family of Man » (1955). Ses tirages rares subliment et cĂ©lĂšbrent le coprs de sa femme dans un voyage photographique amiureux et sensuels, « LâOeil de lâAmour », comme un clin dâeil lâoeil du photographe. Certaines photos ne peuvent laisser penser quâau travial fin et subtil de peintres comme Ingres, lâOdalisque, ou Degas. Ce photographe, Ă lâexpression presque bressonnienne, dĂ©voile dans les jeux de noir et blanc la sensualitĂ© et lâĂ©loge dâamour adressĂ© Ă son Ă©pouse. Ce poĂšme photographique constitue le plus bel hommage de lâartiste Ă lâamour et Ă sa femme.
La Maison de la plage prĂ©sente Othmane Taleb. « DrĂŽle de nom » pour une galerie direz-vous ? Car cette galerie ne souhaite pas en ĂȘtre une, sans doute par le souci de sâaffranchir des canons classiques du marchĂ© de lâart, si prĂ©gnant quâil en devient un moule prĂ©fabriquĂ©. Son inspiratrice et initiatrice, Hajer Hazzouz, prĂ©sente Othmane Taleb, avec sa sĂ©rie de graphite, noir et blanc, dans le style des PiĂšta occidentales, avec le remploi de scĂšnes du mĂ©tro new-yorkais. « Misericordiam III » semble ironique, avec ses dos dâodalisques couchĂ©es et Ă©plorĂ©es oĂč Delacroix et la fin de Sardanapale transparaissent. Le dessin est trĂšs rĂ©ussi et apparaĂźt comme une parabole adressĂ©e au spectateur, Ă©berluĂ© et perdu dans la lecture de son plan, dans la perplexitĂ© dâun choix philosohique entre « Heaven » (le Paradis) ou « Exit ».
Il Ă©tait difficile de ne pas conclure par la belle calligraphie de Rachid KoraĂŻchi, artiste algĂ©rien, qui illustre « le ProphĂšte » de Khalil Gibran. Ses dessins sont une subtile alliance de Calligrammes Ă la maniĂšre de Guillaume Apollinaire et de la calligraphie traditionnelle arabe. Le chef-dâĆuvre de Khalil Gibran, Le ProphĂšte, serait aujourdâhui le livre le plus lu aprĂšs la Bible. Rien quâen France, pas moins de cinq traductions sont disponibles, et des dizaines de millions dâexemplaires ont Ă©tĂ© vendus Ă travers le monde. Sa philosophie est simple, intemporelle et universelle : ce que lâhomme a de plus divin en lui, câest « lâĂ©merveillement quâil a devant la vie ». Lâexposition, dont Pascal Odille est le commissaire, fait ainsi dialoguer les dessins de Khalil Gibran pour la 1Ăšre édition en langue anglaise du « ProphĂšte » (1923), avec les dessins de Roachid KoraĂŻchi, qui reprend sous la forme calligraphique, les questions et les rĂ©ponses de lâoeuvre.
La Beirut Art Fair illustre ainsi la libertĂ© politique et de crĂ©ation qui existe aujourdâhui au Liban, lâune des rares dĂ©mocraties du monde arabe, avec son kalĂ©idoscope de communautĂ©s et de confessions. La libertĂ© qui rĂšgne aujourdâhui dans les rues de Beyrouth est ce qui frappe le plus. Lâouverture politique dont jouit le Liban retentit ainsi sur la crĂ©ation artistique, oĂč la capitale libanaise attire comme un aimant les jeunes artistes de la rĂ©gion qui revendique la libertĂ© de pouvoir crĂ©er. Pour ceux qui ont manquĂ© la foire cette annĂ©e, une seconde chance se prĂ©sente Ă eux avec les 30 ans de lâInstitut du monde arabe. Car, Quâils en profitent donc, pour patienter pour lâĂ©dition 2018, pur admirer les moucharabiehs en fonctionnement de Jean Nouvel et savourer quelques mezze au pavillon Noura sur le toit de lâIMA aprĂšs avoir vu la nouvelle exposition ChrĂ©tiens dâOrient.
Bruno et Florence Soulie
A VISITER
- Musée Sursock rénové par Jean-Michel Wilmotte et Jacques Abou Khaled.  https://sursock.museum/
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- Palais de Beiteddine
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- Byblos, lâancienne citĂ© phĂ©nicienne. Visiter son chĂąteau bĂąti par les croisĂ©s au XIIe siĂšcle
SE LOGER
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Hotel Le Gray http://le-gray.hotels-beirut.com/fr/
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LâAlbergo â Relais et chĂąteau â http://www.albergobeirut.com/fr/hotel-beirut-site-officiel.php
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SORTIR
- Restaurant :
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Rue Abdel Wahab El-Inglizi, Achrafieh  Téléphone +9611200551 - Restaurant : Liza Beirut http://lizabeirut.com/
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- Radio Beirut bar â
Rue de lâArmĂ©nie, Mar Mikael â TĂ©lĂ©phone 01 570277