Liu Bolin, Le théâtre des apparences

Lui Bolin
avec Liu Bolin devant son oeuvre , « le mur des neuf dragons », 2010 ©thegazeofaparisienne

« J’ai décidé de me fondre dans l’environnement . Certains disent que je disparais dans le paysage. Pour moi, je dirais que c’est l’environnement qui s’empare de moi » Liu Bolin

On le surnomme « l’Homme Invisible ». A la manière d’un caméleon, Liu Bolin, se dissimule dans ses photos. Silhouette droite, yeux fermés, on le devine à peine. Invisible et si présent pourtant. Devant chacune de ses photos, on ne peut s’empêcher de scruter les détails de l’image pour tenter de le repérer, au milieu d’une réalité qu’il dénonce et nous révèle.

Lui Bolin
Liu Bolin The Great wall, 2010 ©thegazeofaparisienne

Ce qui est devenu sa signature artistique, est né d’une révolte personnelle. En 2005, pour préparer les jeux Olympiques, le gouvernement Chinois fait raser tout un quartier de Pékin, dans lequel se trouvait son atelier. Liu Bolin crée alors une première photo, où son corps se fond dans les ruines de son studio. Il symbolise ainsi sa « disparition » en tant qu’Artiste, happé par un environnement qui ne lui laisse plus de place. Cette première photo marque le début de sa carrière de photographe et inaugure la série « Hiding in the City « , reconnue aujourd’hui dans la monde entier.

Lui Bolin
Liu Bolin Policeman and Civilian n°2, 2006 ©thegazeofaparisienne

A chaque fois, le principe de construction de l’image est le même: Liu Bolin pose de longues heures dans la même posture, alors que ses assistants peignent une reproduction du décor, sur son habit au col Mao, son visage, ses cheveux. L’image est ensuite photographiée, sans aucun trucage, ni retouches postérieures. 

Lui Bolin
Liu Bolin In the woods, 2010

Le Musée de l’Elysée de Lausanne consacre, à l’artiste, une très belle rétrospective d’une cinquantaine d’oeuvres grand format, créées entre 2005 et 2017. Je suis impatiente de les découvrir, d’autant plus que, ce soir, Liu Bolin sera là !  Je l’aperçois dès l’entrée de l’exposition. Il m’apparait immense, très souriant, charmant.

Lui Bolin
Liu Bolin Water Crisis, 2013

L’Artiste Chinois commente la sélection d’images de cette monographie. Y sont réunis les principaux thèmes de son travail de « résistance »-comme il le qualifie- contre les périls d’un monde qui affaiblit l’individu au profit de la société toute puissante. Pression du pouvoir politique Chinois, hyperconsommation, urbanisation à outrance, dérives écologiques, perte d’identité, enjeux sociaux etc… sont autant de sujets que l’on retrouve, dans ses magnifiques photos.

L’exposition débute par la saisissante image de son atelier détruit puis, au fil des oeuvres, met en lumière des lieux et symboles emblématiques de la société Chinoise. La silhouette imperceptible de Liu Bolin se promène sur la Muraille de Chine, au sein drapeau national communiste, devant le grand « Temple of Heaven », à côté d’un arrêt de bus, etc… on la retrouve même incrustée dans le visage en gros plan de Mao! Lorsque viennent les oeuvres consacrées à la surconsommation, je reconnais des clichés célèbres de l’artiste, haut en couleurs et en signification.

Liu Bolin
Forest, serie Target,2013

Plus loin j’admire sa série sur l’écologie. L’une de mes préférées, car elle frappe au coeur de la fusion instinctive et essentielle entre l’homme et la nature . Ici l’humain se perd, disparait, dans une nature polluée par l’industrie. Les images, tout aussi dramatiques qu’esthétiques, révèlent le dépérissement de notre environnement et de l’homme, face à une industralisation aveugle aux conséquences qu’elle entraine.

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Liu Bolin The Yellow river, 2011

Plus loin, je m’arrête devant un oeil immense fait de sacs de riz, « Your World« . Est ce un cllin d’oeil à son ami JR, avec qui il a collaboré sur plusieurs projets? 

Lui Bolin,, Your world, 2014

Enfin, j’ai un grand coup de coeur pour d’étonnants éventails. Ils rappellent, dans leur composition, les peintures de la Renaissance occidentale, tandis que la représentation de la nature peinte sur les corps, suit l’expression esthétique des paysages Shanshui… une magnifique et poétique rencontre entre ces deux cultures si éloignées.

Au delà de l’aspect ludique et esthétique de leur mise en scène, les oeuvres de Liu Bolin impriment dans nos esprits, un choc de conscience.  Où va notre monde? Quelles sont les conséquences désastreuses d’une Société qui tente d’imposer ses diktats jusqu’à pénétrer le champ de la pensée individuelle? Un questionnement extrêmement légitime dans le contexte Chinois, mais qui reste une réflexion cruciale dans toutes les sociétés humaines.

A voir absolument!

Caroline d’Esneval

Liu Bolin, Le Théatre des Apparences

Musée de l’Elysée , Lausanne

Jusqu’au 27 Janvier 2019

Commissariat: Marc Donnadieu, conservateur en chef du Musée de l’Elysée & Emile Delcambre-Hirsch

Information:

En savoir + sur l’exposition de  Liu Bolin au Musée de l’Elysée de Lausanne

En savoir + sur l’Artiste: Liu Bolin vit et travaille à Pékin. Il est exposé dans le monde entier et est représenté, en Europe, Suisse et Asie, par la Galerie Paris-Beijing 

Un commentaire

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