Roberto Matta (1911-2002)

Des petites notes de musique…

Un après-midi à Drouot, des notes de musique sur une toile blanche et deux petites esquisses au crayon de Roberto Matta, cela suffit à aiguiser ma curiosité, très envie de connaître la destination de ces oeuvres provenant de la collection d’un metteur en scène, directeur de l’Opéra de Paris et dramaturge : Jean-Louis Martinoty. De quel projet s’agissait-il ?  que voulaient faire ces deux protagonistes l’artiste et le metteur en scène, à quoi rêvaient ils tous les deux ? une seule indication au crayon « Opéra de Massy ».

Esquisses Roberto Matta – Coll. J.L. Martinoty

 

En même temps j’avais appris la sortie d’un livre retraçant la correspondance entre Roberto Matta et Alain Jouffroy de 1952 à 1960, occasion d’une exposition à la Galerie Diane de Polignac.

Très envie d’en savoir plus,  j’appelle son fils Ramuntcho Matta, qui très gentiment accepte de me rencontrer.

J’apprends alors que l’artiste avait comme projet de peindre le plafond d’un opéra, et inspiré par son fils musicien qui écrivait ses partitions en cercle, Roberto Matta avait décidé également de reproduire des notes de musique de la même façon.

Roberto Matta La question 1958 – Technique mixte sur toile de jute. 202 X 287 cm

Entretien avec le fils de Roberto Matta : Ramuntcho Matta

 

Moi : Parlons de ce livre sur la correspondance entre  Roberto Matta et Alain Jouffroy?

Ramuntcho Matta : En premier, on peut parler de ce qui s’appelle le principe de responsabilité, de quoi s’agit-il ?  pour un Matta,  c’est une tradition, cela vient peut-être plus de ma mère que de mon père, les Matta sont élevés sur l’idée qu’on a une responsabilité vis à vis du Monde et que la culture est là pour aider le Monde à grandir.

Fin de la guerre en Italie, désastre économique, reconstruction 

A partir de la fin de la guerre en Italie, les Italiens, les premiers se sont dits que pour reconstruire un pays il faut le reconstruire économiquement, mais surtout culturellement. Les institutions italiennes étaient ruinées par la guerre et la reconstruction économique était la priorité.  Mais la reconstruction ne peut se limiter à l’économie : elle doit être aussi sociale et culturelle. Il était nécessaire de faire appel à des artistes car il ne saurait y avoir de bien-être pour la population, sans culture et sans que les artistes contemporains puissent permettre à la population de percevoir la réalité de multiples façons.

Diane de Polignac

L’art sert à regarder le monde

L’idée était que l’art sert à regarder le Monde autrement,  et ce principe de responsabilité dans notre économie financière, culturelle, sociale et relationnelle, ferait avancer l’esprit.

La galerie Diane de Polignac souhaitait présenter les oeuvres de mon père. Je lui ai proposé une thématique avec quelques petites choses qui sont différentes de ce qu’on a l’habitude de voir depuis quelques années, même du vivant de mon père. J’ai fait un film avec lui, pendant 17 ans, je l’ai filmé et on a collaboré sur de nombreux travaux liés au numérique, à l’interactivité et aussi des films.

Making-of d’une exposition Les Terres – Galerie Diane de Polignac

En 2013, le musée Cantini de Marseille m’avait demandé de réfléchir à une exposition et je leur ai proposé  « Matta et la politique » et ils ont  traduit « Matta du surréalisme à l’histoire ».  Mon travail est maintenant de faire des expositions sur des thématiques très précises.  Pour l’exposition chez Diane de Polignac, j’ai décidé de montrer un travail qu’il a fait juste après la guerre, commencé en 1948 -1949 sur le thème « Les terres ». Il avait décidé de ne plus utiliser le matériel industriel de la peinture, mais celui de tous les jours, des matières du quotidien : de la terre, du ciment, du plâtre, du fer, des clous.

Conversation entre Ramuntcho Matta et Dominique Gagneux, conservateur en chef du patrimoine.

Moi : J’aime cette phrase de Matta  sur la sensation

« Vous peignez sur un chevalet, vous êtes encore en train de peindre ce que vous voyez. Il faut mettre la toile par terre et peindre ce que vous ressentez. » – Roberto Matta.

R. M. :  C’est ce qu’il voulait exprimer, ce qui est curieux, c’est que par exemple dans les musées en Allemagne, il n’y a que tableaux de cette série. En France, ce travail a été totalement occulté et c’est l’occasion de le montrer.

Et au lieu de faire un catalogue, je trouvais intéressant de faire un livre, car le catalogue, c’est ce qui reste d’une exposition, mais on peut aussi montrer aux éditeurs qu’il faut produire des choses différentes, mettre en place des dispositifs, car il faut continuer à expérimenter.

Galerie Diane de Polignac – Affiche de l’exposition « Les Terres » Roberto Matta

Synergie entre les différents acteurs du monde culturel

Ce que vous disiez tout à l’heure quand l’opéra et le théâtre font appel à des plasticiens, ce n’est pas seulement pour avoir un gadget en plus, c’est parce que cela va rajouter de la densité et des points d’appui à la production pour l’auteur, si il est vivant, pour le metteur en scène, le chef d’orchestre. Une synergie se met en place avec le plasticien à partir du moment où il travaille avec une création. De mon côté j’ai créé pas des musiques pour des pièces de théâtre, des ballets, et je me suis rendu compte que l’émulation allait créer une tierce personne, si on est deux, une 4ème si on est trois…Cette idée de collaboration est très forte dans la création en général et aussi pour créer une relation.

 

Moi : Lors d’une discussion avec un metteur en scène, ce dernier m’a raconté  le rôle qu’il a donné au rideau de la Comédie Française créé par Olivier Debré qui participait à la création.

Quel est le propos de cette exposition dans la galerie de Diane de Polignac ?

Roberto Matta – Alain Jouffroy correspondance 1952-1960 Préface de Bernard Blistène Edition bilingue chez Arteos 

L’amitié de toute une vie entre l’artiste Roberto Matta et l’écrivain/critique d’art Alain Jouffroy

R. M . Ma proposition pour cette exposition est de souligner ce qui est à mon avis  essentiel, voire crucial en art, l’amitié. Nous avons donc fait un livre qui utilise comme base de travail la correspondance entre Roberto Matta et Alain Jouffroy. Ils se sont connus en Italie après la guerre  et sont restés amis jusqu’à la fin. Ce livre est un récit sur la complicité artistique, sur ce qui la nourrit, l’amitié, les évènements politiques et historiques du moment. L’analyse critique a été faite par une historienne, Marine Nédélec, qui remet dans le contexte des turbulences artistiques des années 1952 à 1960 la relation esthétique et critique entre Roberto Matta et Alain Jouffroy. Bernard Blistène, directeur du Musée d’Art Moderne de Pompidou, a écrit la préface.

Moi : Que représentait la musique pour votre père  ?

La musique

R. M. La musique c’est une vibration pour l’oreille, la peinture c’est une vibration pour l’oeil et pour Roberto Matta la question de la musique est cruciale, essentielle, c’est quelque chose qui donne une forme à quelque chose qu’on ne voit pas mais qui est là.

Moi : Ecoutait-il de la musique en peignant ?

La dynamique musicale du regard

R.M. Il y a quelques années, en 1992-1993, je travaillais beaucoup avec l’IRCAM sur des logiciels innovants avant que je me rende compte que cela allait créer une société singulière, que finalement aujourd’hui l’écran fait écran, plutôt que d’être un écran qui permet de s’ouvrir au Monde. J’ai rencontré à cette époque un compositeur qui s’appelle Marc Battier et nous avons décidé de créer un logiciel  qui pouvait transformer des images en son. L’idée de Marc Battier était que ce ne soit pas une machine avec un fonctionnement linéaire mais qu’on utilise la dynamique du regard, c’est à dire lorsqu’on voit une oeuvre, on est attiré par des points sans objectivité, il y a une dynamique qui va vers une perspective mais qui n’est pas une perspective temporelle.

Jean-Louis Martinoty « l’Opéra imaginaire »
pages 132-133 texte d’Honoré de Balzac « Gambara » illustré par Roberto Matta « L’oeil du chant » 1991 – Edition Messidor

« c’est ce que j’entends, quand je peints ! »

Ce serait une sensation d’un tout

On rentre dans une toile par l’oreille et pour des raisons pratiques de droits, j’ai demandé à mon père de prendre ses tableaux pour des essais, il a dit oui, avec Picasso cela aurait été plus compliqué ! Je suis allé lui faire écouter le résultat, et mon père en l’écoutant a sauté au plafond, d’ailleurs on le voit dans le film que j’ai fait « c’est ce que j’entends, quand je peints ! ».  Il n’écoutait jamais de musique en peignant mais il pensait  que ce qui est important dans la vie c’est soi, comment on fait de soi quelqu’un qui est à l’écoute des autres. Il travaillait sur ses toiles , une heure par jour, jamais plus. Le reste du temps il vivait et sa théorie était que quand on vit des choses importantes, quand on va à l’opéra, on écoute et on entend l’opéra, cela va nourrir son geste . Il m’a transmis cette façon de travailler qui est vraie, on ne peut passer son temps dans son atelier,  il faut écouter les amis, nos angoisses, nos tempêtes intérieures et cela va générer des oeuvres.

Moi : il semblait très optimiste, heureux, enthousiaste l’était-il ?

R.M. : Il était enthousiaste et ce qu’il voulait faire c’était de faire le plafond d’un opéra, il a fait plusieurs propositions.

Moi : Peut-être pour Massy ?

R.M. : Ce que vous m’avez montré c’était sans doute pour Massy. La partition circulaire, à l’époque, j’avais travaillé avec lui.

Une vie à la campagne Père et Fils

Il faut savoir que tout petit, j’ai grandi à la campagne seul avec lui, ma soeur qui avait cinq ans de plus était à Paris. Ma petite enfance, je l’ai passée seul avec mon père qui avait l’âge d’être mon grand-père dans son atelier. Il peignait, il allait faire la sieste, je m’ennuyais, parfois nous allions nous promener. Ma mère et ma soeur venaient le week-end. J’ai un frère qui s’est suicidé à 16 ans, et mon père était inquiet pour moi et m’a toujours beaucoup soutenu dans mes démarches.

Roberto Matta

Un projet théâtre et musique

A un moment donné il m’a demandé de faire de la musique pour un projet qu’il avait avec une troupe de théâtre à Barcelone, le théâtre de La Claca qui faisait des spectacles avec des marionnettes et justement là on peut vivre l’émulation qui s’est passée avec cette époque. Mon père avait envie de faire des personnages , la troupe de théâtre voulait faire une pièce de théâtre et moi je voulais mettre le public dans l’espace musical. A l’époque j’étais très intéressé par les systèmes de musique indienne, qui est une musique modale utilisant des systèmes de choix de notes en fonction des heures et des émotions de la journée. C’est très subtil : entre le do et le do dièse en Inde il y a 174 variations !  le solfège passe par le vécu. J’avais dit au metteur en scène et à mon père ce qui serait formidable  c’est de pouvoir faire un spectacle où, en une heure, les gens ont vécu musicalement 24 h. Toutes les sensations d’une journée en 1 heure. Et de là jaillit une idée : plutôt que le public regarde la scène, il fallait qu’il soit à l’intérieur.

Un chapiteau devant le Centre Pompidou

Finalement l’idée fut d’installer au pied du Centre Pompidou un chapiteau et de construire un labyrinthe. Les gens allaient s’y promener, rencontrer des comédiens, des personnages avec des masques  et des costumes créés par mon père. On ne savait plus qui était comédien, qui était le spectateur et le son allait bouleverser le sens du temps des gens, parce qu’ils allaient vivre 24h de musique en 1h et cela a fonctionné. Cette idée a marché et ce fut une expérience magnifique. Le Centre Pompidou avait donné son autorisation pour installer ce chapiteau, pendant un mois.

Transformer les plafonds ennuyeux des opéras…

J’avais fait cette partition en boucle, en cercle et de là, mon père, Roberto Matta, voulait faire des plafonds à l’opéra, aussi parce que souvent quand il y était, il les voyait parfaitement ennuyeux, alors que ce qui serait fabuleux serait d’aller plus loin que le ciel pour rentrer à l’intérieur de l’instant. C »était l’idée.

Moi : Votre père était passionné par la musique

R.M. Il aimait beaucoup la musique, celles non occidentales aussi, il était curieux de savoir ce que l’espèce humaine était capable de produire, il s’était nourri de ce qu’on appelle l’art primitif, il sentait dans cet art une nécessité qui avait souvent disparu chez les artistes contemporains, c’est à dire donner en partage notre singularité et tout un univers. 

L’art primitif : un partage 

Moi : Et alors quand il peint à la fois la bouche, l’oeil, les notes  c’est pour inclure toutes les sensations ?

R. M. : il pense que la bouche est un oeil, de la même façon que l’oreille est un oeil et que la bouche est une oreille, que tous les sens sont particuliers mais sont totalement complémentaires et participent au même élan, c’est à dire enrichir notre palette perceptive. Si on écoute toujours le même opéra ou si on écoute toujours Michel Sardou, ou si on ne regarde que Walt Disney, on va avoir un esprit Disney, Sardou… l’idée est que plus on écoute et on se met dans la position où si on était une bouche, comment je mangerai ce que je regarde ?

Roberto Matta – Collection Jean-Louis Martinoty

Moi : La bouche est très érotique ?

R. M. : Je pense qu’il a fait des propositions plus érotiques qui ne sont pas passées !

Moi : Les ateliers existent-ils toujours ?

R.M. : Non il n’y a plus rien, c’est fini. Au moment du décès, j’aurais voulu créer un musée, il y avait une collection, un lieu. Mon père voulait faire cette fondation. Il faut dire aussi que Matta c’est de la poésie, de l’érotisme, mais aussi de la politique.

Politique : Parti Communiste et culture …

Moi : Il a d’ailleurs décoré le siège du parti communiste place du colonel Fabien ?

R.M. : Il faut savoir, que chose étonnante, le parti communiste était le seul parti qui avait mis en place de la formation culturelle pour les élus, c’est à dire que tous les mois les élus du parti communiste avait obligation de suivre des stages et d’aller voir des expositions, d’aller à l’opéra et au théâtre pour savoir de quoi il s’agissait. C’est pour cela qu’il y a eu la maison de la culture, une dynamique incroyable dans les villes communistes, puisque les élus se sont rendus compte que la culture était essentielle, si on voulait que le peuple soit éclairé. C’est l’idée fondamentale de l’émancipation par la culture. Et il n’y avait pas d’autres alternatives, mon père est arrivé en Europe en 1936, en Espagne et d’un côté il y avait Franco et de l’autre les communistes, il n’y avait pas le choix !

Moi : Et vous pensiez le faire où le musée Matta ?

R.M. : Mais il n’y en aura pas, je suis le musée Matta !

Un musée Matta ? 

Moi : Mais à l’époque de ce projet de fondation, quel était le lieu ?

R.M. : Il y avait un hôtel particulier rue de Lille qui était parfait, disponible. Il fallait décider à ce moment-là

Moi : Pourquoi si peu d’expositions sur votre père ? j’ai pourtant l’impression que tout le monde le connaît ?

R.M. : Mais personne !

Expositions supermarchés !

Justement l’exposition à la galerie de Diane de Polignac est une occasion de montrer un aspect précis et je pense qu’aujourd’hui les expositions c’est un peu comme des supermarchés : on vous met 300 oeuvres au mur et on est pris par un vertige car au bout de 5 mn on ne sait plus ce qu’on vient chercher comme dans une grande surface ! Et là l’idée de cette exposition c’est d’avoir très peu d’oeuvres et de prendre le temps de réfléchir avec elles.  Lorsque vous allez voir une rétrospective, vous avez un mur tapissé d’oeuvres. Non seulement on ne comprend plus rien mais, ce qui est pire, on ne ressent plus rien. On est dans le domaine du sensible , si on est intéressé par des artistes différents, c’est parce qu’on est intéressé par plusieurs sensibilités, si vous allez voir des mises en scène différentes d’opéras, c’est merveilleux.

J’ai aussi un projet d’exposition à Saint Petersbourg où je suis commissaire, avec une réflexion sur la 4ème dimension.

Roberto Matta Sans titre 1954 Technique mixte sur toile de jute. 139,5 X 184 cm Signé en bas à droite

Au contraire, le pouvoir illimité du Peintre d’imaginer les images (richesse polysémique de l’antanaclase !) lui rend l’art de la Suggestion, théâtrale, littéraire ou autre, légitime ou naturel : jusqu’à la suggestion musicale, dans le silence de la toile.  (…) 

On pourrait même avancer que le sentiment de silence dans la peinture est un indice prémonitoire du sentiment de théâtre musical qu’elle suggère : regarder c’est parfois découvrir l’écoute. Alain Jouffroy l’écrit superbement dans un essai sur la peinture métaphysique de De Chirico, par lequel s’ouvre ce livre, de l’autre côté de cette page, et l’on conclut ici, « quid dicam amplius » 

Jean-Louis Martinoty – extrait de L’Opéra imaginaire.

Propos recueillis le 1er octobre 2018

Florence Briat Soulié

Exposition Les Terres

Jusqu’au 21 décembre 2018

Galerie Diane de Polignac

2 bis, rue de Gribeauval – 75007 – Paris – France
Du lundi au vendredi  de 10h à 18h – Le samedi de 15h à 18h

Tél. : + 33 (0) 1 83 06 79 90

Ramuntcho Matta : artiste, plasticien et musicien

Ramuntcho Matta – Notre pain quotidien – Les desseins du jour – Galerie Anne Barrault

Exposition Notre pain quotidien jusqu’au 8 décembre 2018

Galerie Anne Barrault – 51 rue des Archives – 75003 Paris  du mardi au samedi de 11h à 19h

Tel :+ 33 (0) 9 51 70 02 43

Ramuntcho Matta L’usage du temps Manuella Editions

Bibliographie :

Roberto Matta – Alain Jouffroy – Correspondance 1952-1960 Editeur ARTEOS

Roberto Matta – Alain Jouffroy correspondance 1952-1960 Editeur ARTEOS

Jean-Louis Martinoty  – L’Opéra imaginaire – Edition Messidor

Jean-Louis Martinoty « l’Opéra imaginaire » Edition Messidor

Jean-Louis Martinoty, metteur en scène a été également Administrateur général de l’Opéra de Paris de 1986 à 1989. Il a inauguré en 1992 l’opéra-théâtre de Massy ouvert à la création contemporaine y compris aux arts plastiques.

Expositions : 

Matta Centre Pompidou 3 octobre – 16 décembre 1985

Matta du surréalisme à l’histoire Musée Cantini, Marseille 15 février – 19 mai 2013

 

 

 

 

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