Nantes 1886 – Nantes 2018 Le scandale impressionniste

Alfred Stevens FrèreetsœurdevantlameràHonfleur. 1891, Musée d’Orsay

Nantes 1886 – Nantes 2018, c’est l’histoire d’un petit carnet retrouvé par Cyrille Sciama, conservateur du Musée de Nantes, au hasard d »une bibliothèque.  En ouvrant ce carnet, il tombe sur une page avec une indication qui attise sa curiosité

« Renoir né à Limoges, élève de Gleyre, à Paris rue St Georges -893  » La Loge » et 894 « La fin du déjeuner » appartenant à Flornoy ».

Ces deux chefs-d’oeuvre avaient fait partie de cette fameuse exposition de 1886.

le fameux carnet du salon de nantes 1886

Et là tout s’enchaîne !

Nantes avait été le théâtre d’une grande manifestation impressionniste du 10 octobre 1886 au 15 janvier 1887.

Un maire audacieux, Edouard Normand, qui maitrisait à merveille la communication a l’idée de convoquer la presse nationale  pour une inauguration en fanfare. Et pour attirer encore plus le public il imagine une tombola qui finance l’exposition.

Nantes 1886 – Le scandale impressionniste – Musée d’arts de Nantes

Dans ce Salon tout est à vendre, le maire fait venir un comité prestigieux à la fois parisien et nantais et  s’engage à donner une médaille d’honneur, dotée de 2000 francs. C’est Luc Olivier Merson avec son Saint François d’Assise prêche aux poissons, hommage à Franz Liszt  qui vient juste de mourrir, qui gagne. La toile est achetée par la ville pour la somme de 8000 francs.

Emmanuel Benner (1836-1896) « Marie-Madeleine au désert » 1886
Salon de Nantes N°62 – Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg

Plus d’un siècle se passe et c’est à nouveau l’exposition :  Nantes 1886 mais version 2018 avec aussi la possibilité pour le visiteur de participer à une tombola mais qui cette fois-ci ne finance pas l’exposition.

Un travail de fourmi, des recherches minutieuses, retrouver les peintures, persuader les collectionneurs, les musées de les prêter.  Et aujourd’hui nous sommes à nouveau dans ce salon et la possibilité de revivre cet évènement,  s’offre à nous. Mais pas de scandale cette fois-ci, juste de l’admiration devant ces merveilles réunies par Cyrille Sciama qui nous raconte pour chaque oeuvre son histoire.

Edouard Debat Ponsan (1847-1913) coin de vigne; Languedoc 1886 n°328 salon de Nantes. Nantes musée d’arts.

À l’exposition de 1886, la salle la plus prestigieuse demeure le « salon carré » : Delaunay, Merson, Benjamin-Constant sont vus comme les meilleurs artistes de l’époque, Renoir a sa place également dans cette salle.

Cyrille Sciama devant Paul Cézanne « portrait de Gustave Geffroy. » 1895-1896 Musée d’Orsay

Nous nous arrêtons devant Paul Cézanne qui a peint ce très beau portrait de Gustave Geffroy le journaliste critique d’art. Si avec Cézanne, cela ne fonctionne pas, les blagues graveleuses du critique pendant les séances interminables de pose insupportent  l’artiste. les deux hommes, très opposés en matière de religion finiront par ne plus se voir. Au contraire, la rencontre à  Belle-Île-en-Mer de Gustave Geffroy et Claude Monet sera le fruit d’une grande amitié.

Jules-Elie Delaunay (1828-1891) Portrait de Madame Marie Toulmouche » 1884 Salon de Nantes N°1718. Nantes, Musée d’arts.

Sur les murs sont accrochées les peintures de Pierre-Emile Cornilllier « Allégorie à Nantes », celle d’Eugène Lambert qui a décoré Nohant, la maison de George Sand, plus loin on retrouve Debat Ponsan brouillé avec sa famille à cause de l’affaire Dreyfus, son petit-fils n’est autre que Olivier Debré.

Alfred Roll « après le bal ». 1886 (détail), musée d_arts de nantes. Remarquez la technique du noir de la robe.

Un portrait par Jules-Elie Delaunay de Marie Toulmouche,  qui tenait un salon littéraire, cousine par alliance de Monet, elle l’incite à rencontrer Charles Gleyre. Monet ira prendre des cours dans son atelier, il retrouvera Sisley, Renoir, Bazille, Monet y sèmera un vent de révolte !  l’enseignement du Maître est trop académique, à l’opposé de ce que pense le jeune artiste qui veut peindre ce qu’il voit.

Saurez-vous reconnaître ces masques ?  moi je reconnais  Balzac !

Zacharie Astruc (1835-1907) masques du marchand de masques 1886 Musée d’Angers.

Et ainsi de suite jusqu’à cette fameuse Salle IX, celle qui fit scandale et où sont exposés les artistes impressionnistes et les néo-impressionnistes Gauguin, Pissarro, Seurat, Signac, Guillaumin, Sisley, mais aussi Rodin, Maxime Maufra, Henri Martin et Alfred Stevens. Seurat est le plus critiqué. Pour la petite histoire,  Monet avait refusé d’être placé à coté de lui,  venant de quitter son marchand Paul Durand Ruel pour Georges Petit.

Foutaises, fadaises, fumisteries »

Sisley déchaîne les critiques, sa toile « La lisière de la forêt au printemps » est achetée par Gustave Caillebotte qui la lèguera à l’Etat.

Seules les toiles  « La loge » et « La fin du déjeuner » de  Renoir sont épargnées.

Mais qui se trouve face à la célèbre actrice Ellen Andrée ? 

 

Auguste Renoir « la fin du déjeuner ». 1879 – Städel Museum, Francfort,

Le premier biographe de Renoir stipule qu’à  Montmartre,  le peintre traîne avec un  jeune vaurien nantais qui est un certain Tony Flornoy, étudiant en droit, fils du propriétaire du tableau, Louis Flornoy, armateur qui a épousé Ernestine Lefevre Utile (1886 : naissance du si fameux Petit Beurre Lu ! )

Les deux tableaux de Renoir occupent les meilleures places du Salon et ne sont pas à vendre car appartiennent déjà à Louis Flornoy. Les Flornoy sont de grands collectionneurs d’impressionnisme, en avril 1905, une vente aux enchères de la collection a lieu à Drouot, mais les deux Renoir ne s’y trouvent pas, Ils ont déjà été vendus, sans doute pour couvrir les dettes du fils. « La fin du déjeuner  » achetée quelques centaines de francs a été cédée pour 5000 frcs  à Paul Durand Ruel en 1897, lui-même en négociation avec le Stadel Museum le vend avec « La Madeleine » de Puvis de Chavannes  à 160000 francs, énorme plus-value !

Armand Guillaumin « Route à damiette ». 1885, musée Thyssen Bornemisza, Madrid

Quand on traverse l’expo de 1886 les couleurs saturées de Guillaumin, son soleil violet « Route à Damiette »  sont un choc face à la peinture académique. Un autre tableau de Guillaumin récupéré dans les réserves du Petit Palais qui avait appartenu à un riche  banquier allemand, le tableau  a été identifié grâce à une enquête minutieuse, nécessitant l’intervention d’un biologiste !

Et ainsi de suite,  les anecdotes tissent la toile de l’histoire de l’impressionnisme, on comprend grâce au talent du conservateur que tous ces artistes, marchands, collectionneurs, journalistes, qu’ils aient ou pas la même vision sont tous unis.

Georges Seurat l_hospice et le phare de honfleur, 1886

Je sais ce sont les derniers jours, mais si vous pouvez,  filez à Nantes voir cette scandaleuse exposition et profitez-en pour visiter ce musée qui possède des collections impressionnantes. Vous pourrez vous arrêter devant ce portrait sublime de Madame de Senonnes d’Ingres et voir la copie que James Tissot en a faite.

James Tissot (1836-1902) et Jean-Auguste Dominique Ingres (1780-1867 « Madame de Senonnes » 1899 & 1814)

Florence Briat Soulié

Nantes 1886, le scandale impressionniste

Musée d’arts de Nantes

Jusqu’au 13 janvier 2019

https://museedartsdenantes.nantesmetropole.fr/nantes-1886

Commissariat :

Commissariat général : Sophie Lévy, directrice-conservatrice du Musée d’arts de Nantes.
Commissaire scientifique : 
Cyrille Sciama, conservateur des collections 19e siècle du Musée d’arts de Nantes.
Scénographie : Atelier Maciej Fiszer.

4 commentaires

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