Roux! de Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel

 Roux! Le titre de cette exposition au Musée Jean-Jacques Henner m’a captivée immédiatement. J’ai toujours été fascinée par la Rousseur et j’aurais volontiers troqué mes cheveux bruns pour de lumineuses boucles couleur de feu. Les Roux et Rousses fascinent ou font peur, on les aime ou on les fuit, mais ils ne laissent jamais indifférents. La flamboyance de leur chevelure confère un éclat particulier, une présence remarquable, un tempérament hors du commun. Moi, je rêve à ces héroïnes mythiques, à la beauté envoûtante de la Venus Botticcellienne, au mystère de Greta Garbot, à la sensualité incendiaire de Gilda (Rita Hayworth), à l’extravagance de Sarah Bernard, à la créativité débordante d’une Sonia Rykiel. Cette exposition est pour moi!

Jean-Jacques Henner: Le peintre qui aimait tant les Rousses!

L’exposition s’ouvre sur une explosion de sensualité rousse, à travers de sublimes tableaux de Jean-Jacques Henner (1829-1905). Qui est Jean-Jacques Henner? Je ne connaissais pas cet artiste, comme beaucoup de monde d’ailleurs. Pourtant, jusqu’au début du XXème, il était considéré comme l’un des plus grands peintres de son temps. Puis, à l’instar de nombreux artistes « académiques » de cette époque, il est entré dans l’ombre, chassé du souvenir par l’arrivée éclatante de la Modernité.

Henner m’éblouit immédiatement avec sa « Liseuse » dont la blancheur lumineuse de la peau contraste avec la vivacité de la chevelure. Son attitude nonchalante tranche avec celle du tableau suivant, où une « Hérodiade » charnelle et vengeresse, portant la tête de Jean-Baptiste, nous défie. Pour Henner, le Roux est une vraie signature. Les chevelures cuivrées marquent sa singularité artistique et traversent son oeuvre avec une répétition remarquable. Le peintre aime le chatoiement de cette couleur au fort pouvoir évocateur. Elle donne une personnalité captivante à ses portraits et vibrent puissamment avec les fonds sombres ou vert bleuté de ses tableaux.

L’Atelier: ses nymphes et son Christ Roux!

Au dernier étage, une mise en scène intime d’Atelier, nous fait prendre conscience de l’ampleur de sa fascination pour le Roux. Elle tourne à l’obsession ! Même son Christ, étendu sur un linceul, se voit coiffé de mèches oranges. Son thème fétiche reste, cependant, les nus de femmes. Corps laiteux, lascifs et érotiques, nymphes sorties de l’Antiquité et baigneuses sensuelles.

Pour l’anecdote, Jean-Jacques Henner faisait appel à des modèles aux teintes capillaires aussi bien brunes et blondes que rousses… il leur faisait parfois porter des perruques .

Emouvante, la palette du peintre ne ment pas: les couleurs fauves allant jusqu’au rouge y occupent une place importante et illuminent le reste des ses teintes.

Une histoire de Roux qui traverse le temps…

Henner n’est pas le seul à s’être laissé prendre à l’attrait du Roux. Après l’inégalable Venus de Botticelli que j’ai déjà évoquée ou la magnifique Ophélia de Millais, nous avons tous en tête la Danaé de Klimt parée d’or ou encore les danseuses des Folies Bergères de Toulouse – Lautrec, parmi tant d’autres… Dans cette exposition, la commissaire Claire Bessède présente des portraits de Renoir, Maurin, Carolus-Duran et Maxence, pour tenir compagnie aux belles Rousses de Henner.

De Henner à aujourd’hui: faire le tour de la question Rousse! 

L’exposition va au delà de la peinture. Elle réunit un ensemble éclectique de représentations et de symboles associés à la Rousseur dans notre culture quotidienne (Littérature, BD, Films, vidéos, publicités, jouets, affiches, photographies et Mode..).

Le Roux a été longtemps, dans le passé, victime des pires préjugés. Il était  « la couleur des démons, du renard, de la fausseté et de la trahison » comme le mentionne Michel Pastoureau. Par extension, les Femmes Rousses sont des sorcières ou des catins, dangereuses ou érotiques, elle sont la tentation et le pêché.

Aujourd’hui, indéniablement, la Rousseur continue d’attirer l’attention. Elle est souvent le signe d’un certain refus du conformisme. Ainsi dans les BD, retrouve-t-on de nombreux héros de notre enfance, tels Tintin et sa houpette, Spirou ou encore Peter pan, l’enfant Rebelle qui ne voulait pas grandir. La musique n’est pas en reste. Une célèbre photo témoigne de la transformation provocante de David Bowie en Ziggy Stardust.

Dialoguant avec les oeuvres de Henner, la Mode est mise à l’honneur à travers l’hommage, rendu par Gaultier, Margiela et Castelbajac, à la plus rousse des créatrices Françaises, Sonia Rykiel. Ma préférée: la « robe cheveux » de Martin Margiela (au centre), tellement Rykiel!

Une exposition pleine de fantaisie, de fraicheur et de beauté, dans ce charmant « musée boutique » du XVIIème arrondissement.

Si les hommes préfèrent les blondes, et si les brunes ne comptent pas pour des Prunes, les Rousses, elles, tiennent ici leur revanche: elles ont une exposition exclusivement consacrées à elles!  A voir absolument … jusqu’au 20 Mai!!

Caroline d’Esneval

Roux !

de Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel 

Musée national Jean-Jacques Henner

Commissaire de l’exposition: Claire Bessède

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