Léonard au Louvre !

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Le peintre des peintres

Léonard de Vinci, reste incontestablement depuis 500 ans le peintre des peintres, il suscite les plus vives passions !

La seule évocation de son nom est synonyme de superlatifs, le génie, physiquement grand et fort, avait aussi un charisme inoubliable.

A la fois ingénieur et artiste, il fut un homme d’une grande modernité, associant Art et Science, esprit universel, il est également un véritable manager, sachant travailler avec les autres et pratique déjà l’hybridation dans le processus créatif !

Une exposition attendue ! La presse en parle déjà depuis quelques années, les prêts italiens sont l’objet de tractations, prêteront-ils oui ou non ?

Musée du Louvre / Léonard de Vinci du 24 octobre au 24 février 2020.

Une absence : le fameux Salvator Mundi, record des enchères de 450 millions $, fin 2017, finalement attribué à l’atelier du Maître, n’est pas présent à l’exposition. Ni le fameux dessin de Saint Sébastien, authentifié par l’expert Patrick de Bayser, dommage ! j’aurais aimé pouvoir le voir entouré des deux autres présentés ! Voir article précédent sur la découverte du dessin de Saint Sébastien classé Trésor National

L’ exposition est divisée en plusieurs thèmes : ombres et lumières, liberté, sciences, sa vie à Milan, à Florence et en France.

Exposition à la Une

Dix tableaux de Léonard de Vinci, sans compter la Joconde, sont réunis au Louvre jusqu’au 24 février 2020, c’est exceptionnel, autour de ces oeuvres sont présentés de nombreux dessins, extraits des codex provenant de prestigieuses collections comme celle de Windsor de sa Majesté Elizabeth II .

L’homme de Vitruve est bien là, quelle émotion de voir ce dessin symbole des proportions idéales du corps humain pour l’artiste et conservé à la Gallerie dell’Accademia à Venise.

Le miroir du Monde

Les deux commissaires pour cette exposition sont les deux conservateurs du Louvre Vincent Delieuvin et Louis Frank, ils présentent exclusivement le Léonard Peintre, celui pour qui la peinture est une science divine capable de recréer le Monde, « Le miroir du Monde » disait Léonard. L’expression est d’ailleurs à prendre dans son acception latine, Speculum Majus, le « Miroir du Monde », c’est-à-dire la somme des connaissances du moment. Léonard de Vinci est autant un homme du Moyen Âge finissant que de la modernité de la Renaissance.

Divine destinée

Ce fils illégitime d’un notaire a eu une vie exceptionnelle, il meurt dans les bras d’un Roi, François 1er, au Château du Clos Lucé où il s’était installé, acceptant l’invitation du roi. Il avait emporté avec lui trois tableaux qui sont son testament artistique et scientifique : La Sainte Anne, le Saint Jean Baptiste et La Joconde, sans oublier ses petits carnets. Peu de temps avant sa mort il rajoutait des coups de pinceau à la Sainte Anne.

C’est son parcours que nous pouvons suivre au Musée du Louvre pendant ces 4 mois.

Andrea del Verrocchio (1435-1488) « Le Christ et Saint Thomas ou l’incrédulité de saint Thomas » 1467-1483 bronze Florence, Chiesa e Museo di Orsanmichele

Apprentissage dans l’atelier du sculpteur Verrocchio

Très tôt on décèle chez lui des aptitudes artistiques, il se retrouve très vite dans le plus grand atelier de Florence chez le sculpteur Andrea del Verrocchio (1435-1488) où il fait son apprentissage. On peut voir dans la première salle, le groupe en bronze Le Christ et Saint Thomas ou l’incrédulité de saint Thomas  1467-1483   L’élève acquiert la maîtrise de la forme, le travail de l’ombre et de la lumière en dessinant les modèles en cire recouverts de draps. Le savant peintre apprend ainsi à maîtriser les effets de la lumière sur les formes, les visages, le corps.

Draperie Jabach IV, figure agenouillée Détrempe sur toile de lin. Musée du Louvre Vers 1473-1477

sfumato & componimento inculto

Après cette première période d’apprentissage, c’est la liberté qui l’emporte, d’abord obsédé par la forme, il se rend compte qu’une forme parfaite donne une oeuvre morte. Il peint l’Adoration des Mages, en dessinant à main levée les personnages, il appelait cette méthode “la composition inculte “ componimento inculto méthode sans limite, hachurée, du dessin qui autorise le sfumato et permet des contours vaporeux. Cette technique a fasciné un artiste dès son plus jeune âge, il s’agit du spécialiste Jacques Franck qui est le seul au Monde à savoir reproduire ce fameux sfumato. Il est aujourd’hui très souvent consulté sur la peinture de Léonard de Vinci que ce soit au sujet d’une restauration ou d’une authentification.

Star des années Renaissance

« les grands génies moins ils travaillent plus ils œuvrent » Giorgio Vasari (1511-1574)

De son vivant , l’artiste est déjà une star, ses tableaux sont mythiques, il sait entretenir un certain mystère autour de lui ! Son premier biographe, Vasari est né en 1510 et publie déjà le mythe de Léonard de Vinci en 1550, il parle de la Joconde, portrait d’Isabelle d’Este, qu’il n’a jamais vue, du fameux sourire énigmatique de Mona Lisa, L’illustre incomprise de André Chastel.

Le plus célèbre tableau du Monde

Ce chef-d’oeuvre a été l’objet d’un vol rocambolesque en 1911, Picasso et Apollinaire ont même été soupçonnés ! Disparu pendant 2 ans il est enfin retrouvé !

Il a été prêté une fois par la France aux Etats-Unis, à cette occasion, André Malraux avait fait le voyage sur le France avec le plus célèbre tableau du Monde. John F. Kennedy a dit d’elle qu’elle était la seconde grande dame que la France nous ait envoyée après la statue de la Liberté.

« La nature commence par les principes et ensuite la réalisation, l’artiste doit aller en sens inverse, il doit observer la matière afin d’arriver aux principes «  Léonard de Vinci

Gian Cristoforo Romano « Portrait présumé d’Isabelle d’Este, marquise de Mantoue » Terre cuite, traces de polychromie, vers 1500. Fort Worth, Kimbell Art Museum

Une peinture séductrice

L’utilisation de la lumière pourrait nous faire penser au Caravage mais rien à voir avec ses compositions théâtrales, celles de Léonard sont empreintes de douceur, séductrices et mystérieuses. Quand je regarde le saint Jean-Baptiste, je vois bien plus qu’une simple image, la douceur des contours, le fond noir, l’éclairage, le sourire, sacralisent cette représentation du saint. Sa peinture est au coeur de la vie,

« Chez Léonard la recherche est un absolu et il prend le temps qui est nécessaire et si il faut 20 ans pour faire un tableau il faut 20 ans pour faire un tableau . Et si il faut une vie pour en faire 15 , il faut une vie pour en faire 15 Et le calcul était juste puisqu’avec 15 tableaux il semble qu’il soit parmi les tous premiers »   Louis Frank

L’exécution picturale

Pourtant beaucoup d’entre-elles restent inachevées et deviennent ainsi de véritables ressources de connaissances pour les experts. Car il passe un temps fou, des années, sur certaines œuvres comme la Joconde.

Des milliers de petites notes : les codex

Cet homme passionnant, passionné, ambidextre, prenait sans cesse des notes écrites à l’envers, qu’on ne peut lire qu’avec un miroir, il existe ainsi de nombreux écrits de Léonard, les petits carnets qu’il avait toujours dans sa poche et les grands qui se trouvaient à son Atelier où il transcrivait toutes ses expériences. L’Institut possède douze carnets, les codex où il consignait écrits, dessins, schémas…

Léonard de Vinci « Mécanique des fluides, page de gauche : Jaillssement de l’eau à travers une buse. Turbulence à l’intérieur d’un conduit. Page de droite : Turbulences provoquées par différents obstacles sur un fluide en mouvement. Plume et encre brune. Vers 1508 – Paris Institut de France

Le savant peintre, la peinture est une science

Il veut toujours plus, il veut connaître les lois de la nature et va partir dans une quête de savoir, astrophysique, les plantes, physique, sciences … Sa recherche et sa compréhension du monde à donné lieu aux milliers pages des différents codex Atlanticus à Milan, celui de Windsor qui comprend 600 dessins, 24 prêtés pour l’exposition, deux prêtés par Bill Gates heureux propriétaire du Codex Leicester et l’importante collection française de l’Institut de France, qui comprend les 12 carnets de Léonard de Vinci.

C’est une révolution de l’œuvre picturale, il ne veut pas seulement traduire un mouvement complexe mais aussi exprimer l’âme du sujet, sa spiritualité, reproduite un phénomène physique, un mouvement, le reflet de la lune… il désire absolument tout comprendre.

« Tête de femme dite la scapiliata -l’échevelée “ 1500-1510 Terre d’ombre, rehauts de blanc sur bois. Vers 1500 – 1510 – Parme Galleria Nazionale

Un magicien

Léonard de Vinci est un magicien, il est capable de faire tourner les têtes, briller les astres, c’est une autre facette de l’homme qu’on découvre, il devient organisateur de fêtes auprès de Ludovic Sforza, appelé le More, et met en scène la Fête du Paradis pour célébrer le mariage du jeune duc et d’Isabelle d’Aragon. Une fête insensée entre ombre et lumière pour laquelle il recrée une nuit en plein jour,.

La Cène

C’est le More qui lui commande la Cène du réfectoire des dominicains de Milan, malheureusement la fresque s’abîme très vite et subit au cours des siècles de mauvaises restaurations. Ce réfectoire sera pendant un moment occupé par l’armée de Bonaparte, ce qui n’arrange rien.

Une copie d’époque datant de 1506 est présentée dans cette exposition, celle de Marco d’Oggiono, on peut ainsi se rendre compte de la qualité des portraits de trois quarts rompant la tradition milanaise du profil.

Vue d’ensemble avec les réflectographies infrarouge

Sainte Anne

Ce qui est extraordinaire dans cette exposition, c’est de pouvoir bien sûr voir les peintures, mais aussi de les voir avec des travaux préparatoires, un carton splendide venant de Londres, une dessin de Venise ou encore les réflectographies infrarouge, comme pour La Sainte Anne restaurée, il y a peu ce qui a déclenché des désaccords des spécialistes.

Cela nous donne l’impression de percer à minima les mystères du génie.

« Sainte Anne, la Vierge, l’Enfant Jésus et Saint Jean-Baptiste » Pierre noire, rehauts de blanc, vers &500. Londres The National Gallery

Fin

On quitte les salles comme à regret avec un dernier chef-d’oeuvre le Saint Jean-Baptiste.
Quelle expo, quelle fin d’année exceptionnelle à Paris, toutes ces expositions merveilleuses Le Greco, Degas, Toulouse Lautrec, Bacon qui font l’actualité culturelle de la capitale. Je serais curieuse de connaître les sentiments de Jeff Koons aperçu il y a quelques jours à la Fiac sur la qualité de ces chef-d’oeuvres ! Dans 500 ans qu’en sera-t-il de son cadeau?

Florence Briat Soulié

« Saint Jean Baptiste » Huile sur bois (noyer) vers 1508-1519 – Paris Musée du Louvre

Extrait Paul Valéry : « Léonard est peintre…

« Léonard est peintre, je dis qu’il a la peinture pour philosophie en vérité c’est lui-même qui le dit, et il parle peinture comme on parle philosophie . C’est dire qu’il y rapporte toute chose, il se fait de cet art, qui parait si particulier au regard de la pensée et si éloigné de pouvoir satisfaire toute l’intelligence, une idée excessive, il le regarde comme une fin derrière de l’effort d’un esprit universel . Peindre pour Léonard est une opération qui requiert toutes les connaissances et presque toutes les techniques,  géométrie, dynamique, géologie, physiologie . Une bataille à figurer suppose une étude des tourbillons et des poussières soulevés, or il ne veut les représenter que les ayant observés avec des yeux dont l’attente soit savante et comme toute pénétrée de la connaissance de leurs lois. Un personnage est une synthèse de recherches qui vont de la dissection à la psychologie, il note avec une exquise précision les attitudes des corps selon l’âge et le sexe comme il analyse d’autre part  les actes professionnels. Toutes choses pour lui sont comme égales devant sa volonté d’atteindre et de saisir les formes par leur cause. Il se meut en quelque sorte à partir des apparences des objets. Il en réduit ou tente d’en réduire les caractères morphologiques à des systèmes de forces et ces systèmes connus ressentis et raisonnés, il achève ou plutôt renouvelle son mouvement par l’exécution du tableau en quoi il recueille tout le fruit de sa fatigue. Il a recréé ainsi un aspect ou une projection des êtres par voie d’une analyse en profondeur de leurs propriétés de toutes espèces » Paul Valéry

Léonard de Vinci

Musée du Louvre

24 octobre 2019 – 24 février 2020

Réservations obligatoires :

https://www.louvre.fr/expositions/leonard-de-vinci

Sources :

Grande traversée : Léonard de Vinci, l’insaisissable – France Culture https://www.franceculture.fr/emissions/leonard-de-vinci-linsaisissable-grandes-traversees

Une vie une œuvre France Culture  20 avril 2019 https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/leonard-de-vinci-une-poetique-de-linacheve-1452-1519

Bibliographie :

Catalogue de l’exposition sous la direction de V. Delieuvin et L. Frank. coédition Musée du Louvre Editions/ Hazan.

Giorgio Vasari, vie de Léonard de Vinci peintre et sculpteur florentin / éditée traduite et commentée par Louis Frank et Stefania Tullio Cataldo Ed. Hazan

André Chastel L’illustre incomprise, Mona Lisa – Gallimard, 1988

Serge Bramly Historien de l’art et scénariste Léonard de Vinci, une biographie – JC Lattès.

Gonzague Saint Bris L’enfant de Vinci Livre de Poche

Walter Isaacson Léonard de Vinci, la biographie Ed Quanto

Catalogue de l’exposition / 35 €

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