Journée d’hiver à Chaumont sur Loire

Chaumont-Photo-Sur-Loire

Un hiver à Chaumont, sur les bords de Loire, contrairement au Château de la belle endormie, le domaine reste très actif. Depuis le 16 novembre, la photographie est à l’honneur dans le domaine à l’occasion de Chaumont-Photo-Sur-Loire 3e édition. Quelle joie de passer une journée, vitesse éclair en compagnie des artistes Juliette Agnel, Bae Bien-U , Jeffrey Blondes, Manolo Chrétien, Juan San Juan Rebolla, Henry Roy..

Domaine de Chaumont sur Loire Au fond on aperçoit la sculpture de Ma Desheng © The Gaze of a Parisienne

Accueil de la directrice Chantal Colleu Dumond

Partis tôt le matin de Paris avec Juliette Agnel et Françoise Paviot à l’initiative de cette escapade, nous sommes accueillies par Chantal Colleu Dumond, la directrice enthousiaste du domaine. J’apprendrai un peu plus tard qu’elle a réussi à transformer le nombre de visiteurs de 200000 à 500000 / an et que le lieu s’autofinance à 75%. Elle en a fait en 12 ans, un lieu incontournable de la scène contemporaine artistique sans oublier le festival des jardins. Voilà un acte de décentralisation culturelle exemplaire et réussie : autrefois géré par l’Etat, le transfert du monument à la région a permis de développer une programmation originale et innovante, qui irrigue le réseau culturel local et régional mais draine également les Parisiens et l’international.

Passage obligé devant la pièce d’eau centrale où est placée, plus pour longtemps, la sculpture de Ma Desheng, artiste dissident chinois, vivant en France et un des premiers initiateurs du groupe des Etoiles. Cette sculpture est l’expression de ce mouvement artitisque du premier Printemps chinois, celui de 1979, au moment de la chute du maoïsme rigide et de la politique d’ouverture de Deng Xiaping, matrice également de AÏ Weiwei et d’autres artistes.

Juliette Agnel « Taharqa et la nuit » Série les Nocturnes- Soudan. 2019 ©JulietteAgnel

Visite avec Juliette Agnel

Juliette Agnel avait déjà exposé ses Portes de Glace l’année dernière à Chaumont et c’est cette rencontre qui a donné l’idée à Chantal Colleu Dumond qui connaissait très bien le Soudan, d’organiser un voyage pour découvrir un autre monde englouti.

Voyage organisé, Juliette part dans ce désert des pharaons noirs et se retrouve sur ce site mythique Méroé, sur place, elle est portée par le lieu, et se dirige instinctivement vers les vestiges antiques. Elle se retrouve seule devant l’immensité de ce désert, cette solitude participe à la force de son oeuvre.

En 1849 un autre photographe Maxime Du Camp a fait ce voyage qui l’a rendu célèbre, il était accompagné d’un jeune écrivain Gustave Flaubert, à son retour il publie l’album qui a fait sa célébrité «Egypte, Nubie, Palestine et Syrie», contenant 125 photographies.

Juliette Agnel « Taharqa et la nuit » Série les Nocturnes- Soudan. 2019 ©JulietteAgnel

On est seul, ,on rentre facilement dans les tombeaux avec une lumière qui est installée et on tombe face à des fresques intactes, magnifiques. C’est un choc, Etre là, seule, non pas sur un circuit touristique. Ces fresques ont un bleu très fort avec toujours dans tous les tombeaux, la voute qui représente un ciel étoilé, les étoiles sont très importantes dans les tombeaux car les pharaons se transforment en étoiles après leur mort. Juliette Agnel

Le royaume des pharaons noirs

Elle rencontre l’archéologue genevois Charles Bonnet qui a mis à jour ce royaume des pharaons noirs et qui a servi de modèle à l’auteur de Meroe Olivier Rolin
L’énergie qui se dégage de ses tombeaux funéraires est très forte, placés selon des schémas métaphysiques, le site antique dégage une émotion que Juliette ressent très fortement et retranscrit parfaitement sur ses photographies. Les couleurs ocre, le scintillement des étoiles et les monuments s’emboitent harmonieusement sur les images, parfois apparaît une lune.

Des millions d’étoiles


L’artiste nous explique les prises de vue en plein jour. Cela lui permet d’expérimenter un système de collage, à une première photo dans la journée elle greffe une photo de nuit avec cette multitude de points étincelants. Ces étoiles symboles des pharaons disparus. Une beauté sereine éclate de ces photos, laissant place à notre imagination, nous entraînant dans ce voyage réel, irréel, on ne sait plus, l’artiste a beaucoup aimé Jules Verne, elle a gardé dans sa mémoire les illustrations de ces romans d’aventures. Un monde oublié, sans vie, où le colosse à terre, sculpture inachevée et laissée pour compte depuis des millénaires. Une notion de temps inexistante, le calendrier s’efface, pas un touriste, une sensation d’éternité, d’exaltation s’empare de l’artiste.

Je cherchais à faire un paysage qui ne puisse pas exister Juliette Agnel

La révolution, des rencontres sur place avec de jeunes photographes qui risquent leur vie

Ce qui est extraordinaire, ce voyage à donné lieu à une rencontre avec les photographes soudanais sur place.

Juliette Agnel s’est retrouvée en pleine révolution, il faut savoir que pendant 30 ans la culture, la liberté d’expression étaient interdite, rien n’était possible dans ce pays fermé et également en proie à la guerre civile entre le Nord et le Sud.

Cette révolution a ouvert les portes à la création, l’étape de la Sit-in a été une période ouverte libérant la création, des jeunes photographes risquaient leur vie pour saisir l’image de cet instant historique et la diffuser sur les réseaux sociaux. On se souvient de cette héroïne soudanaise de 22 ans, devenue iconique, au moment de la révolution du printemps 2019, Alaa Salah debout sur une voiture en train d’haranguer la foule face à l’armée, son image a fait le tour des réseaux sociaux. Vêtue et voilée de blanc, ses boucles d’oreilles dorées reflétant les lumières de la marée de smartphones autour d’elle, Alaa Salah est devenue en quelques jours sur les réseaux sociaux l’une des icônes de la révolution, nouvelle incarnation de « la Liberté guidant le Peuple ». Sa silhouette et sa tenue lui ont valu d’être surnommée Kandaka, ou la reine nubienne, en référence aux souveraines ayant marqué l’histoire de la région dans l’Antiquité. 

Pour finir au Louvre

En octobre prochain au Louvre aura lieu une exposition sur le Soudan avec le commissariat de Vincent Rondot, Juliette exposera à cette occasion 4 photographies grand format, organisant ainsi un dialogue entre l’Egypte pharaonique et l’antique Méroés.

Bae Bien-U

Bae Bien-U – Orums ©Bae Bien-U

La visite continue, Chantal Colleu Dumond, maîtresse des lieux nous entraine à sa suite dans un dédale d’escaliers couloirs, là aussi difficile de garder ses repères !

Je découvre une nouvelle série du grand photographe coréen, Bae Bien-U, très reconnu pour ses arbres, mais cette fois-ci la ligne retenue est horizontale, celle des collines coréennes Orums. Il avait déjà présenté en 2014 à Chaumont sa série sur les arbres sacrés. Pour en savoir plus sur Bae Bien-U voir article précédent

Dans une salle je regarde les jardins de Aki Lumi, photographe japonais rencontré il n’y a pas longtemps, The Gaeden N°14, propriété du Domaine.

Chaque pièce du château, des dépendances donne sa place à une création, le domaine contribue à la production d’oeuvres et en contre-partie, l’artiste fait un don d’une oeuvre.

Juan San Juan Rebollar

©Juan San Juan Rebollar

Dans une salle, sont exposées pour la première fois en Europe les anémones de Juan San Juan Rebollar. L’artiste est fasciné par la vie des plantes, qui apparaissent sur un fond noir et donnent une impression figée dans le temps.

Henry Roy

Henry Roiy « Chaumont sur Loire » ©HenryRoy

C’est le tour de la salle bibliothèque où sont exposées les photos d’Henry Roy qui a réalisé un portrait animiste du domaine. L’artiste était en résidence sur place.

Jeffrey Blondes

Suite de l’histoire avec Jeffrey Blondes qui arrête le temps, un instant contemplatif de 2 fois 12 mn devant cette vidéo panoramique d’environ 7m, sur les bords de Loire.

Jeffrey Blondes – La Loire Aube et crépuscule. 2018 – 2019 2 X 12 mn de film ©JeffreyBlondes

Le temps n’existe plus pour cet artiste américain installé dans la région, chaque détail, chaque instant, chaque couleur a son importance. Je suis comme fascinée par ce film et je plonge dans les arcanes du fleuve, mais la réalité du temps me rappelle à l’ordre.

Manolo Chrétien

Manolo Chrétien – Fusions ©ManoloChrétien

Nous terminons par Manolo Chrétien qui photographie la mer, les vagues au ralenti, le résultat donne cette impression de fourrure.

Il est encore temps de voir toutes ces expositions

Il reste quelques jours encore pour voir toutes ces expositions de ces photographes, les vacances de février vous seront-elles propices à une excursion dans le domaine ? Je vous invite à une initiation artistique à travers le parc, les arbres, découvrir une sculpture de Penone, rêver devant une installation de El Anatsui, un voyage vers le lointain au bout du Promontoire sur la Loire de Tadashi Kawamata, la Loire, un fleuve énigmatique aux couleurs changeantes comme le désert des pharaons.

Chantal Colleu Dumond, Manolo Chrétien; Juliette Agnel, Jeffrey Blondes et Françoise Paviot.

 Chantal Colleu Dumond créé ainsi, chaque année avec sa programmation, un véritable parcours qui nous conduit à découvrir un nouvel art des jardins, dans un lieu où les créations artistiques miroitent avec le visiteur. Vous êtes invité au dialogue avec les oeuvres, dans un moment rare de découverte où se déploie l’extérieur mais aussi votre espace intérieur.

VISITE EN IMAGES

AGENDA

A partir du 28 mars commencera la nouvelle saison d’art de Chaumont avec de nouvelles oeuvres, installations des artistes :

JOËL ANDRIANOMEARISOA – GIUSEPPE PENONE -PHILIPPE COGNÉE
PASCAL CONVERT – MARINETTE CUECO – MAKOTO AZUMA
LÉA BARBAZANGES – ISA BARBIER – SOPHIE LAVAUX
BOB VERSCHUEREN – MARC NUCERA – VINCENT BARRÉ
AXEL CASSEL- WANG KEPING

http://www.domaine-chaumont.fr/fr

REMERCIEMENTS :

Chantal Colleu Dumond et son équipe pour m’avoir si bien reçue.

Françoise Paviot qui a organisé cette rencontre https://paviotfoto.com

Les artistes : Juliette Agnel, Jeffrey Blondes et Manolo Chrétien qui ont si bien parlé de leur travail.

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