Palais idéal du Facteur Cheval

Vue du belvédère – façade Est.

Il était une fois le rêve d’un Palais Idéal, image d’Epinal ou conte de fées, l’histoire d’un facteur qui construisait son éternité. Mais pourtant tout cela est très réel, il faut aller à Hauterives dans la Drôme où pendant 30 années, Ferdinand Cheval (1836-1924) a construit pierre par pierre, ce palais extravagant, classé monument historique par André Malraux il y a 50 ans en 1969.

Un siècle plus tôt, en 1869, Ferdinand Cheval arrive à Hauterives, pour son travail.

Et ainsi débute cette histoire insensée, tous les jours, parcourant des dizaines de kilomètres avec sa fidèle compagne, sa brouette,  il ramasse ses pierres qui s’empilent dans son jardin.

Façade Ouest du Palais

33 ans de construction, il commence par la façade Est qui au départ , pensait il serait sa tombe. Mais le maire d’Hauterives n’acceptera pas sa requête. Sans se démonter, le Facteur achète alors une concession et consacre ses dernières années de vie à construire un tombeau digne de lui et sa famille dans le cimetière du village.

André Breton, Pablo Picasso, Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely étaient fascinés par le facteur. Un autre artiste, cependant, plus discrètement, s’était pris de passion pour lui, il s’agissait de Robert Doisneau (1912-1994).

A gauche : Simone Fattal « Warrior » I,II, III- 2011 – Grès tiré dans un four à bois. 129 x 60 x 40 ; 132 X 60 X 40 ; 114 x 60 x 40.
A droite : Robert Doisneau – Sans titre (les 3 géants du Palais Idéal du Facteur Cheval) années 70. Courtesy atelier Robert Doisneau

Robert Doisneau / Simone Fattal

Le photographe aimait beaucoup ceux qui étaient en dehors des clous.  Tout s’est joué il y a quelques mois, pendant le confinement propice aux rangements, archivages de toutes sortes, le directeur du lieu, Frédéric Legros, fait la découverte d’images noir et blanc. ces tirages datent des années 50, le format moyen signe la commande de presse mais de qui ?

Parallèlement, les enfants du photographe, au mois de mai retrouvent des planches couleurs 24×36, clichés pris dans le palais avec un regard sur les visiteurs . Ses enfants reconnaissent leur mère, une amie, il s’agissait sans doute tout simplement de photos de vacances. Restées ainsi pendant de longues années cachées dans des boîtes, elles enthousiasment le directeur du musée qui décide alors d’une exposition.

Deux faces différentes sont montrées dans l’exposition, les images en noir et blanc exprimant « l’icône architecturale » et celles en couleurs montrant l’admiration du public pour le Palais idéal.

En regard de ces photographies, Frédéric Legros présente les oeuvres de l’artiste syrienne Simone Fattal (née en 1942) qui travaille sur la mémoire. Ses sculptures en terre cuite, titrées “la femme qui attend” sont un hommage  à l’épouse du Facteur Cheval., l’artiste façonne des personnages étranges, intemporels, faisant écho à ceux du Palais, ses géants sont très similaires à un personnage se trouvant à l’intérieur de l’édifice. Elle a sculpté un lion gardien du Temple comme le rappelle la photo de l’entrée du Palais par Doisneau. Photos et sculptures sont en symbiose dans cet espace de l’exposition, et, naturellement, l’oeil s’acclimate aux oeuvres, pénétrant l’histoire du lieu.

Jurisprudence Facteur Cheval !

Au fur et à mesure de ma visite, je découvre un Facteur Cheval, très malin et prévoyant, très tôt, dès 1905 (le palais est achevé en 1912) il ouvre son monument à la visite avec mise en place d’une billetterie, d’un livre d’or, il pense à construire un belvédère pour le point de vue (très pratique aujourd’hui encore pour les selfies) Le comble, lorsqu’il s’aperçoit de l’existence de cartes postales représentant le palais, il se lance dans un procès et obtient leur destruction, cela fait jurisprudence pour les architectes sur les droits de reproduction.

Le facteur apprend le Monde par les livres, il veut transmettre ses connaissances et inscrit les noms des animaux qu’il sculpte, il grave des phrases. Sur son cadran de la vie : « Chaque fois que tu me regardes tu vois ta vie qui s’en va ». Il est très ouvert aux différentes civilisations, toutes les religions sont représentées.

La façade sud joue un rôle essentiel, il organise une sorte de prison pour mettre à l’abri ses pierres contre les villageois qui les dérobaient. 

Des milliers de coquillages donnés par les visiteurs ainsi que les coquilles d’huîtres du restaurant du Relais décorent les sculptures qui étaient peintes en partie.

Cote ouest 7 colonnes, une terrasse où se trouve la fameuse première pierre d’achoppement sur laquelle il avait trébuché et qui a été le point de départ de cette aventure. Sur cette même façade est également posée la dernière pierre qui représente une pieuvre ce qui explique peut-être pourquoi Laure Prouvost s’est intéressée entre autres au Facteur. Dans son film présenté à la Biennale de Venise, en 2019, Deep See Blue Surrounding You / Vois Ce Bleu profond Te Fondre, 12 jeunes partent en voyage initiatique de Paris jusqu’à Venise en passant par Hauterives.

«On est arrivé chez le Facteur Cheval de nuit, certains étaient venus à cheval au galop, d’autres sur les petites roues modernes, tous dans des modes de transport différents. La nuit, autour de nous, c’était soudain se retrouver dans les profondeurs humaines. Ce palais du facteur Cheval, c’est le désir pur de créer, c’est l’humain qui vit et veut être reconnu. Je connaissais déjà ce lieu incroyable, j’aime beaucoup ces personnages qui existent dans les extrémités de la société, qui sont un peu en dehors d’un système, qui ont des choses à dire. On flottait dans ce palais du facteur Cheval. »  Laure Prouvost – Biennale de Venise 2019 – Valérie Duponchelle – Le Figaro 7 mai 2019

Sarah Pucci

Ferdinand Cheval s’est marié à deux reprises, la deuxième épouse l’a aidé financièrement. Cette construction de plus de 20 mètres de long est aussi une ode à sa fille Alice qui meurt prématurément, il baptise sa maison Villa Alicius. Le musée accueille en ce moment l’exposition de Sarah Pucci (1902-1996) Made with love for Dorothy, expression d’une tendresse infinie pour sa fille Dorothy Lannone, éloignée d’elle. Sarah Pucci se met à créer des petits objets ravissants avec des perles, épingles, paillettes, des boîtes… une petite joaillerie qu’elle expédie par la poste à sa fille aux Etats-Unis.

Frédéric Legros, a l’intention de revenir sur les personnages clés qui rendent hommage au Facteur, l’année dernière c’était Picasso et Fabrice Hyber, puis ce fut le tour d’Agnés Varda dont expo s’est terminée le 6 septembre, à présent c’est Simone Fattal qui prend le relais et l’année prochaine ce sera Jean-Michel Othoniel.

Frédéric Legros, directeur du Palais idéal du Facteur Cheval

Il perpétue ainsi l’esprit du Palais qui a tant inspiré les artistes et qui grâce à eux a été restauré et reste toujours accessible au public.

Une dernière chose : grâce aux nombreux votes des visiteurs, le Palais idéal s’est vu attribuer la 2e place  au classement du Monument préféré des français, l’émission présentée ce 18 septembre 2020 par Stéphane Bern.

C’est à vous, si ce n’est déjà fait, de faire l’expérience de la visite du Palais du Facteur.

Florence Briat Soulié

INFORMATIONS

Palais idéal du Facteur Cheval

8 rue du Palais – 26390 Hauterives

Tel : + 33 4 75 68 8119

contact@facteurcheval.com

Expositions :

Bâtisseurs chimériques – Robert Doisneau / Simone Fattal

Jusqu’au 17 janvier 2021

« Made with love for Dorothy » Sarah Pucci

Jusqu’au 17 janvier 2021

Ouvert tous les jours, dimanches et jours fériés inclus sauf les 25/12 et 01/01 et du 15 au 31/01 inclus.

N°2 des monuments préférés des français.

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