Le Silo

Le Silo – Route de Bréançon 95640 MARINES © The Gaze of a Parisienne

Visiter le silo est une expérience à recommander pour les amateurs et ceux qui s’intéressent à l’art contemporain. Le franchissement du seuil est souvent le premier obstacle pour les novices ou les néophytes. C’est ainsi que Françoise et Jean-Philippe Billarant m’ont fait le récit de leur première rencontre avec l’art contemporain. Intrigués par une installation conceptuelle, ils ont osé rentrer dans la galerie et s’interroger sur le sens de l’oeuvre, conceptuelle.

Cécile Bart – Teatro Silo, 2017

Un couple de collectionneurs Françoise et Jean-Philippe Billarant

Les Billarant ont une prédilection pour l’art conceptuel, l’art minimal, « l’Op Art », les trompe-l »oeil à une époque où s’amorce le retour à la peinture traditionnelle, de chevalet. Même les plus réfractaires à l’art conceptuel doivent visiter le Silo : l’amateur est aussi un curieux et la visite représente le privilège d’être commentée et accompagnée par les Billarant eux-mêmes. Il n’y pas de fumisterie ni d’entourloupe dans l’art conceptuel. C’st ainsi que le visIteur comprend la portée de l’art conceptuel : le mouvement ou plutôt les artistes qu’ils représentent s’inscrivent dans une lignée artistique et ne renient pas leur héritage. Au contraire ils le dépassent et le réinterprètent. Tout parait simple avec l’oeuvre alors que sa réalisation est d’une grande complexité

Charles Sandison

2010, un silo à grains en béton

Le bâtiment, un silo en béton brut est déjà à lui tout seul une mise en bouche de ce que sera la visite. Une surprise dans cette campagne de la région parisienne, cette construction est très intrigante. Sur la façade, une inscription nous fait front : Two stones tossed into the wind (causing sparks) (deux pierres lancées dans le vent provoquant des étincelles). C’est exactement cette sensation que je ressens en arrivant face à ce bloc gris , contrastant avec la verdure des champs qui l’entourent. Après une année de travaux de 2010 à 2011, l’aventure du Silo a pu commencer. Et voilà j’y suis, accueillie chaleureusement par les deux collectionneurs Françoise et Jean-Philippe Billarant. Un moment unique, cette impression de tourner les pages d’un livre, chaque page étant la surprise d’une nouvelle façon de regarder l’art.

Dove Allouche

Et ainsi défilent les oeuvres, parfois déstabilisantes, inhabituelles, je reconnais certains artistes. La magie de ce lieu est aussi due à la générosité de nos hôtes qui nous offrent leur intimité artistique en partageant leur histoire, leurs connaissances.

Krijn de Koning – Blue drawing, 2015

45 d’art contemporain

Cela fait 45 ans que nous sommes dans l’art contemporain, ce n’est pas le désir d’être collectionneur, c’était le désir de vivre dans notre époque, de connaître les artistes, d’échanger avec eux. Cela a été notre motivation de départ. C’est ce que l’on a fait, mais comme en 1975 on ne connaissait absolument rien sur l’art contemporain, on est parti un petit peu à l’aventure. On a découvert et poursuivi cette ligne à partir des années 82/83. On a compris que l’art s’apprenait, il faut savoir l’histoire de l’art, comment les choses viennent les une après les autres, tout passe par l’intelligence et ensuite l’émotion vient, car vous comprenez ce que veut dire l’artiste. Pour l’art ancien c’est facile, pour l’art contemporain c’est plus difficile. Il faut demander à chaque fois ce que veut l’artiste, d’où il vient. Notre collection, c’est une quarantaine d’artistes que nous suivons depuis 40 ans pour certains. Françoise Billarant

Felice Varini – Véronique Joumard, ressorts.

« C’est l’art conceptuel et minimal qui nous plait« 

Pour l’art conceptuel c’est le concept qui compte avant tout, la phrase écrite sur le fronton est celle d’un artiste américain Lawrence Weiner, cet artiste nous dit je suis sculpteur, j’écris cette phrase sur un papier, ce que vous achetez c’est ce papier signé par l’artiste et le notaire. Vous l’écrivez ou vous ne l’écrivez pas, le concept, avant tout. Dans l’art minimal, on utilise des matériaux industriels, l’artiste conçoit l’oeuvre, la dessine et utilise des matériaux existants.

Lawrence Weiner « two stones tossed into the wind (causing sparks)  »

Les artistes

Véronique Joumard est une post-minimaliste, (car l’art conceptuel et minimal, date de la fin des années 60), elle enseigne à Cergy Pontoise, utilise des produits industriels, ici c’est du verre Lentille de Fresnel ou encore des ressorts au début de l’exposition, son travail consiste à nous parler de phénomènes physiques ondulatoires sur la lumière.

Véronique Joumard Paravent avec des parois lentilles Fresnel


Richard Serra est un grand artiste américain, cette oeuvre présentée Basic source, 1987 est un hommage à Malevich, en équilibre une pointe dans le sol et une ponte dans le mur, selon le bon principe de l’artiste, où rien n’est fixé, même pour un poids ici de 1,5 tonne, en continuant on peut voir un dessin qu’il avait fait pour la sculpture Clara Clara qui était aux Tuileries, retirée malheureusement du parc car les gens ne respectaient pas cette oeuvre (graffitis…)

Richard Serra

Felice Varini est un artiste suisse qui vit en France et travaille sur l’anamorphose.

Felice Varini « Trois carrés évidés, rouge, jaune, bleu » 2011

Alan Charlton a 71 ans, il s’est donné deux contraintes, d’abord repeindre tout en gris pour ne pas avoir à choisir la couleur et la 2e est la mesure, épaisseur et surface, tout est multiple de 4,5cm, car quand il était jeune et très pauvre ce qui coutait le moins cher mesurait 4,5 cm. A partir de ces deux contraintes il décline toutes sortes de formes géométriques.

Pour Claude Rutault le mur fait partie de l’oeuvre, il nous parle de l’histoire de l’art et rend hommage aux anciens, ici c’est Mondrian. On reçoit un livret, comme une partition avec la méthode et les contraintes, mais pas celle de la couleur, c’est au collectionneur de l’installer. Il y a quelque temps, l’artiste a eu une exposition au Musée Picasso.

Françoise Billarant devant une oeuvre de Claude RutaultAuto-portraits d/m 478, 1994

Manifeste B.M.P.T 1969

Niele Toroni, artiste suisse de 82 ans, avec Buren, Mosset et Parmentier, ils se sont posé la question : que peut-on faire après le monochrome ? ils créent en 1966 le groupe BMPT avec ce principe de répétition du motif, , pour Toroni ce sera les empreintes de pinceau, pour Buren les rayures, Parmentier des bandes horizontales , Mosset : un cercle noir au centre.

Niele Toroni

Carl André, artiste américain dit : j’ai mis la colonne sans fin de Brancusi au sol et j’ai réduit la sculpture à sa plus simple expression, il dit également que le visiteur peut marcher dessus car il fait partie de l’oeuvre. Le socle devient pour lui la sculpture.

Carl André

François Morellet (1926-2016) attache beaucoup d’importance au titre, il travaille sur la géométrie, les chiffres, sur les nombres, cette oeuvre s’appelle still life qui veut dire nature morte. Il aime également jouer sur les mots d’un titre.

François Morellet

Jan Kammerling, jeune artiste allemand travaille sur l’ornement, tout ce qui a été l’histoire de peinture, il reprend le triangle de Malévich.

Michel Verjux travaille avec la lumière et dit qu’il fait de l’éclairage, une façon de faire de la peinture lumineuse à partir de projections de formes géométriques;

Anisotropie

Philippe Decrauzat filme de plusieurs façons un même objet , cette pièce s’appelle Anisotropie. Sa définition : anisotropie est une suite de séquences filmées en noir et blanc qui prend pour sujet une sculpture mise en rotation sur un axe

Carl André – Philippe Decrauzat

Bertrand Lavier a un principe : pourquoi inventer de nouvelles formes puisqu’il en existe tellement déjà. Les arcades du palais des Doges.

Bertrand Lavier

La suite de la visite est sur place. Françoise et Jean-Philippe Billarant ont réuni une collection remarquable par son identité et sa cohérence. Ce n’est pas toujours le propre des collections privées et le couple a forgé son goût par lui-même, par échange et contact avec les artistes qui sont devenus des amis. Leur histoire et leur parcours doivent être contées car elles sont riches d’enseignements pour ceux qui souhaitent débuter une collection. Il faut franchir le seuil et vaincre une certaine timidité pour être en contact avec l’art contemporain. Il faut pouvoir amorcer le dialogue, avec le galeriste, avec l’oeuvre, avec l’artiste.

Florence Briat Soulié

Daniel Buren

Informations :

Le Silo – Route de Bréançon
95 640 MARINES

Tel : 33 (0) 1 42 25 22 64

Email : lesilo@billarant.com

LE SILO

3 commentaires

  • Jeanne Schmid

    Bonjour Florence,
    Merci pour cet article et pour les photos qui l’illustrent.
    je me permets une petite remarque au passage :
    Laurenz Brunner = Lawrence Wieiner ??!
    Merci de préciser (selon moi il s’agit de Lawrence Wiener, cela correspond bien à son travail, et puis je n’ai jamais entendu parler d’un Laurenz Brunner, mais je ne connais pas tous les artistes contemporains, vivants ou pas, conceptuels ou non).
    Bien à vous
    J

  • Calvet

    Fantastique !!! Merci pour cette extraordinaire promenade et découverte . Vraiment une très belle démarche de grands collectionneurs.
    Florence C

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