Marguerite Duras,

PAR SEVERINE LE GRIX DE LA SALLE

Madame Duras,

Ce fut une décision : attaquer l’œuvre de Marguerite Duras. Parce que c’est impressionnant Duras, ça fait un peu peur. Elle appartient à une intelligentsia qui ne la partage pas trop, qui a méprisé son best seller « facile » , l’Amant, que l’on a pourtant tous lu avec un frisson d’interdit. Alors la lire et écrire sur elle, c’est la face Nord. Quelques conseils pour l’apprivoiser puis l’aimer sans modération !

Marguerite Duras – Un barrage contre le Pacifique – Folio

Commencer doucement, par du facile (mais triste) : Un barrage contre le Pacifique , et suivre ce personnage misérable et déchirant de la mère, sans prénom, sans avenir, au combat vain :

« Il est vrai que la mer ne montait pas à la même hauteur chaque année . Mais elle montait toujours suffisamment pour bruler tout, directement ou par infiltration « .

La pauvreté n’est pas plus belle au soleil, et dans ce livre elle y est même écrasante, totale, décrite sèchement :

« Le cheval était trop vieux, bien plus vieux que la mère pour un cheval, un vieillard centenaire. Il essaya honnêtement de faire le travail qu’on lui demandait qui était bien au dessus de ses forces depuis longtemps , puis il creva  » .

Pour s’en sortir, la jeune Suzanne se laisse courtiser par le riche et libidineux

Mr Jo, son frère Joseph s’enfonce de nuit dans la forêt… Le rythme lent de l’écriture est poisseux comme la déchéance des petits blancs et du système colonial. Il s’accélère quand les enfants s’échappent, à la ville, où Carmen , la prostituée et « ses jambes miraculeusement belles » les attend .

C’est un roman où il fait chaud, on en ressort lentement et poussiéreux, dans un drôle d’état . Puis Les petits chevaux de Tarquinia , où il fait encore plus chaud :

« Tout le village était immobile, englué dans l’oubli de la sieste d’été « .

Une chaleur blanche, italienne et chic, dans laquelle des couples vont se dissoudre, le temps de vacances passées à ne rien faire :

« C’est peut être bien l’amour qui rend méchant comme ça. Les prisons en or des grandes amours . Il n’y a rien qui enferme plus que l’amour. Et d’être enfermé à la longue, ça rend méchant « . .

Photos prise a la Librairie du Roule  67 avenue du Roule 92200 Neuilly , délicieux fouills et délicieuses libraires…
librairieduroule@bbox.fr

Ecrire sur la banalité, le rien de journées torrides, attendre des nuits qui ne le sont pas moins et captiver son lecteur, quel talent…à lire l’été. Embarquer avec Le Marin de Gibraltar , retrouver un souffle d’air frais –

« Ah! qui n’a pas eu envie d’un pastis après un bain de mer pris en Méditerranée ne sait pas ce que c’est qu’un bain de mer pris le matin en Méditerranée  » –

et lire cette passion qui se brûle dans la folie. La visite oppressante de Pise par cet homme qui va tout abandonner pour suivre l’Américaine sur son yacht est délicieusement perturbante. Comme la suite : va t elle se lasser de lui, elle qui en cherche un autre?

Dans ces trois livres, les personnages principaux n’ont ni nom ni prénom : la mère, l’enfant, l’homme… les effacer, pour laisser place à la folie lente, insidieuse, humaine . C’est elle que Duras traque, écrit, raconte. Et elle vibre en nous. Alors, c’est une drogue, on ne veut plus lâcher Madame Duras, devenue Marguerite pour les intimes, et on peut tout explorer.

Courir toutes les librairies en quête de ses textes. Hiroshima mon amour, script magnifique sur la fragilité d’une femme face à l’Histoire, qui paye d’avoir aimé un homme du mauvais côté . La douleur , et le retour impossible de l’amour après la guerre.

Il n’est pas interdit de caler sur certains écrits, comme L’amour, par exemple, très abscons. Mais ne pas renoncer, continuer.

Et tomber amoureux d’admiration pour Le ravissement de Lol V.Stein et comme Lola, devenue folle à la suite d’une rupture, avoir envie qu’un homme dise l’amour comme ça :

« J’ai su cela d’elle en même temps que j’ai su mon amour, sa suffisance inviolable, géante aux mains d’enfant ». et rester « interdite dans l’orient pernicieux des mots « 

.
Mais que c’est beau ! Marguerite Duras n’écrit pas, elle peint, elle compose, c’est un tableau, une musique, une émotion. Je relis et relis et relis, jamais je n’ai mâché des mots avec autant de plaisir , et j’ai compris pourquoi ceux qui l’aiment ne la partagent pas.

Pour en savoir plus :

Marguerite Duras

Podcast France Culture /

À retrouver dans l’émission LA COMPAGNIE DES AUTEURS par Matthieu Garrigou-Lagrange

Marguerite Duras, la vie comme littérature

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