Exposition « La Maison imaginaire », Musée Ariana

Cette exposition est un conte onirique, imprégné de toute la délicatesse et la grâce Japonaise. Revisitant le film de Kenji Mizoguchi « Les Contes de la lune vague après la pluie » de 1953, elle réunit les créations contemporaines du peintre Suisse Uwe Wittwer, de la céramiste Nippone Aiko Watanabe et de l’écrivain/poète Jürg Halter. Leurs oeuvres dialoguent en harmonie, chacune apportant une résonance particulière au film du cinéaste Japonais. Emouvante, inspirante cette présentation nous emmène dans un ailleurs rempli de poésie, de silence et de beauté.

La Maison Imaginaire, Uwe Wittwer & Aiko Watanabe & Jürg Halster, Musée Ariana, photo:©thegazeofaparisienne

L’inspiration commune: « Les Contes de la lune vague après la pluie » (Ugetsu Monogatari) de Kenji Mizoguchi (1898-1956)

Ce film en noir et blanc est lui même tiré de deux recueils, l’un éponyme de Ueda Akinari , l’autre de Guy de Maupassant. Il met en scène l’histoire d’un potier et d’un samouraï au XVI ème siècle, au bord du lac Biwa, sur fond de guerre civile. Il y est question d’amour, d’épreuves, d’ambition, de défaites, d’esprits surnaturels. Considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs films du cinéma Japonais, il est à l’origine de cette exposition.

Les magnifiques aquarelles de Uwe Wittwer (né en 1954)

Uwe Wittwer, Aquarelle monochrome brun sepia, exposition La Maison imaginaire, Musée Ariana , photo:©thegazeofaparisienne

 » Je regarde souvent les films comme une juxtaposition de nombreux tableaux, l’histoire racontée passe alors au second plan« . Uwe Wittwer

Le style très pictural, du film de Kenji Mizoguchi, alliant ombre et contraste a donné envie à Uwe Wittwer de le revisiter. Pour créer les 90 aquarelles de l’exposition – reproduites également en 90 impressions numériques accrochées sur une autre cimaise- l’artiste a travaillé avec des arrêts sur image, lui permettant de découvrir tous les détails de chaque plan cinématographique.

Dès le premier coup d’oeil, J’ai été captivée par le mur d’aquarelles monochromes, infiniment gracieuses. Il y a quelque chose d’envoûtant et énigmatique dans ces formes subtiles et ces silhouettes ébauchées. Cette impression est encore magnifiée par les poèmes en 3 versets de Jürg Halter, apparaissant et disparaissant mystérieusement, et les céramiques brutes de Aiko Watanabe.

Passionné par la céramique qu’il collectionne, Uwe Wittwer a lui-même eu l’idée d’unir, cette pratique artistique ainsi que l’écriture avec ses propres créations .

Les céramiques d’Aiko Watanabe (née en 1971)

« J’aimerais, à travers mon travail, partager ce voyage dans le temps, afin que, comme dans le film de Kenji Mizoguchi « Les Contes de la lune vague après la pluie », vous grimpiez dans la barque et planiez doucement au-dessus du lac au travers des épaisses brumes du temps » . Aiko Watanabe

Exposition La Maison imaginaire Photo:Boris Dunand, Musée Ariana

Aiko Watanabe ancre son travail dans la pratique séculaire de la céramique brute de Shigaraki et d’Iga. Elle a construit son propre four traditionnel, alimenté au bois, en le creusant sur le versant d’une colline. Cette technique particulière donne des motifs et des glaçures naturelles liées à la fusion des cendres de bois, qui se déposent sur les surfaces.

Aiko Watanabe, exposition la maison imaginaire, Musée Ariana, photo ©thegazeofaparisienne

Pour son hommage au film Ugetsu Monogatari , l’artiste est allée contempler les rives du lac Biwa , cadre du film de Kenji Mizoguchi. Son travail restitue son ressenti de ses paysages, de ses temples, de sa terre, dont Aiko Watanabe s’est imprégnée. Ses créations de grès aux formes généreuses, à la surface irrégulière, brute et sensuelle, ses jarres , ses sculptures, ses « paysages » expriment la volonté de l’artiste de créer, avant tout, des « pièces teintées de sincérité « .

Les versets poétiques de Jürg Halter (né en 1980)

Aux aquarelles de Wittwer et aux céramiques de Aiko Watanabe s’ajoutent les mots du poète Suisse. Courts, simples, profonds, ses versets sonnent comme des haïku. En trois lignes concises, ils livrent des pensées qui résonnent en nous. Halter présente son interprétation personnelle du film Ugetsu Monogatari , sous la forme d’aphorismes sobres, écrits en plusieurs langues. Les mots du poète apportent une perspective nouvelle, riche de sens, aux créations peintes et aux céramiques de grès qu’ils accompagnent.

Un des poèmes de Jürg Halter , exposition « La maison imaginaire »

A souligner également la brillante mise en scène de cette présentation. Elle réussit la prouesse de créer un dialogue riche et harmonieux entre les trois pratique artistiques, tout en mettant en valeur la beauté des oeuvres de chacun des artistes.

A côté de cette exposition magnifique, une autre dans ce même lieu mérite qu’on s’y arrête.

EXPOSITION : LES ÉCRINS DE LA COLÈRE

Uwe Wittwer, Les Écrins de la Colère, Musée Ariana, photo ©thegazeofaparisienne

Cette deuxième présentation s’intéresse à un autre travail de l’artiste Uwe Wittwer. Inspiré du film de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu (1972), elle traite de la question du colonialisme. Douze vitrines-écrins accueillent l’exposition, qui met en regard des perroquets en porcelaine du XVIII ème siècle, sortis des collections du Musée Ariana avec des créations de Wittwer. L’artiste a fait le choix de ces oiseaux flamboyants car ils incarnent, bien sûr, le rêve de l’exotisme.

Pour cet accrochage, l’artiste a troqué le papier pour le verre. Ses oeuvres peintes en noir et imprimées ensuite sur de grandes plaques de verre forment le fond des vitrines. L’artiste y évoque soit directement les perroquets , soit fait référence à des séquences du film d’Herzog. Le mariage improbable des objets de décoration colorés anciens avec les illustrations sobres et fortes de Wittwer fonctionne superbement.

  • Uwe Wittwer Les Écrins de la Colère Ah les Cannibales!
  • Uwe Wittwer Les Écrins de la Colère
  • Uwe Wittwer Ah les Cannibales! Perroquets- Manufacture de Meissen collection Musée Ariana
  • Uwe Wittwer Ah les Cannibales! Perroquets- collection Musée Ariana Photo: Boris Dunand, Musée Ariana.
  • Uwe Wittwer Ah les Cannibales! Perroquets- collection Musée Ariana

Quel bonheur de retrouver la joie de visiter des expositions de si belle qualité! J’y ai pour ma part découvert le travail de trois artistes passionnants. A voir absolument!

Caroline d’Esneval

La Maison Imaginaire

Musée Ariana, Genève

Jusqu’au 23 MAI 2021

Un commentaire

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