Ilya Répine, Peindre l’âme Russe

« La vie autour de moi me touche trop, ne me donne aucun répit,

réclame toujours la toile. » Ilya Répine

Répine (1844-1930) est un génie de la peinture russe, le plus célèbre de son temps. Découvrir sa première rétrospective française, au Petit Palais de Paris, est un éblouissement! Les chefs- d’oeuvre du peintre sont une magnifique fresque de l’histoire mouvementée de la Russie de cette époque. Ils témoignent de tous les bouleversements sociaux-politiques du pays, depuis l’ancienne Russie tsariste, aux lois sociales de 1860, à la révolution de 1905, jusqu’à l’arrivée au pouvoir des Bolcheviques et la première guerre mondiale. Ses incroyables portraits sont aussi saisissants que ses spectaculaires et monumentales scènes de groupe, où se retrouvent une multitude de personnages en procession, fêtes, cérémonies officielles ou révoltes. Ces peintures fascinent par la force, l’expressivité et l’humanité qui s’en dégagent.

Ilya répine, Le 17 Octobre 1905, (1907), 183 X 323 cm , photo @thegazeofaparisienne

Peintre du réalisme, témoin de l’évolution de la culture et de la société russe entre l’ancien monde et la nouvelle Russie

A trente ans, Répine peint les Haleurs de la Volga, représentant des hommes qui tirent les bateaux à voile le long du fleuve. On y ressent la force de ces hommes mais aussi, sur chacune des figures et des corps la dureté du travail et leur épuisement. Lorsqu’elle est montrée, en 1873, l’oeuvre connait un retentissement immédiat qui vaut, à son auteur, une forte reconnaissance. On y perçoit son talent de peintre réaliste mais aussi son intérêt pour figurer la vie du peuple, en rupture avec l’enseignement académique qu’il a reçu. Ce thème est cher au mouvement artistique des Ambulants, que Répine rejoint en 1878.

Ilya Répine, Les Haleurs de la Volga, 1870-73, 132 x283 cm, photo @thegazeofaparisienne

Répine est issu d’une famille de serfs. A vingt ans, il entre à l’Académie impériale des beaux-arts de Saint Pétersbourg. Il y obtient une bourse pour aller étudier à Paris en 1873. Avide de découvertes, le peintre est séduit par la modernité des peintres français, et en particulier pour le mouvement Impressionniste émergent. Il s’essaye également à la peinture de plein air, qu’il utilisera, par la suite, dans des portraits lumineux et des grandes fresques d’événements collectifs. De retour en Russie trois ans plus tard, son travail se fait l’écho des différents aspects de la culture russe, mais aussi de la vie sociale et politique de l’ancienne Russie et du nouveau monde, dont il est le témoin.

Répine portraitiste de l’âme Russe

Très habile à sonder les profondeurs de l’humain, Répine est un portraitiste hors du commun. Il pratique cet art toute sa vie durant et réalise près de 300 portraits. Ceux de musiciens , comme Moussorgski, d’intellectuels, notamment l’écrivain Tolstoï ( il fera 70 portraits de lui!!) avec lequel il noue une étroite relation, des portraits de famille gais et lumineux, des commandes, en particulier du collectionneur Pavel Trétiakov , mais aussi les portraits de personnages majeurs de l’histoire russe.

Ilya Répine, Libellule, 1884 , 111×84 cm, photo @thegazeofaparisienne

A chaque fois, je suis saisie par la forte présence qui émane des personnages de ses portraits. L’intensité de leur expression me donne l’impression étrange qu’ils se tiennent à côté de moi, me regardent, m’interpellent. J’y lis leurs sentiments, leurs pensées , leurs questionnements ou leur folie .

Ilya répine, Mikhaïl Glinka composant l’opéra « Rousslan et Ludmila« , 1887, photo @thegazeofaparisienne

Je suis subjuguée par le fascinant portrait de Tolstoï, réalisé en 1887, où il apparait assis lisant un livre, en plein réflexion . L’austérité de ce tableau le fait apparaitre comme un sage qui a trouvé sa vérité. C’est le portrait officiel que Tolstoï avait choisi pour le représenter. J’admire aussi celui du compositeur de musique, Mikhaïl Glink, en recherche d’inspiration , le magnifique fusain sur toile figurant la tragédienne italienne Eleonora Duse qui nous observe les yeux mi-clos, et le tendre portrait de la petite Véra, fille de Répine, réalisé en plein air .

Ilya Répine, Léon Tolstoï, 1887 , photo @thegazeofaparisienne

Un parfum de scandale…

Et puis, il y a le tableau d’Ivan le Terrible venant d’assassiner son propre fils, Ivan. Cette oeuvre célèbre, aussi bien pour l’expression saisissante de la folie sur le visage du père infanticide que pour l’image négative qu’elle pourrait donner de la Russie Tsariste, a fait couler beaucoup d’encre et déclenché des actes de vandalisme. Elle fait l’objet en 2018 d’une nouvelle « agression » (la première ayant eu lieu en 1913), nécessitant une longue restauration toujours en cours, à Moscou.

Ilya Répine, Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581, 199×254 cm, 1885,photo @thegazeofaparisienne

Puissantes fresques de la vie du peuple et des événements collectifs

Ilya Répine, Procession religieuse dans la province de Koursk, 1881-83, 178 x 286 cm, photo @thegazeofaparisienne

Répine peint également d’immenses toiles de foules: des processions religieuses, des célébrations officielles, des fêtes, des révoltes. Une force incroyable s’en dégage. Plus encore, ce qui captive, ce sont les détails minutieusement apportés à chacun des multiples personnages. Conçu et travaillé comme des portraits individuels, chaque figure a son allure propre, ses vêtements spécifiques, son caractère.

Ilya Répine, Les Cosaques Zaporogues, 200x 358 cm,1880-91, photo @thegazeofaparisienne

Une exposition exceptionnelle, orchestrée par Christophe Leribault alors Directeur du Petit Palais, qui nous fait découvrir l’immense talent de ce peintre, glorifié dans son pays, mais encore méconnu en France. A travers une centaine de chefs-d’oeuvre, venus notamment de la Galerie Nationale Trétiakov de Moscou, le Musée d’Etat russe de Saint-Pétersbourg ou encore le le Musée d’art de l’Ateneum d’Helsinki, nous ressentons toute la puissance, l’expressivité et l’humanité de ce merveilleux artiste, Ilya Répine.

Ilya Répine, Quelle liberté!, 1903, 179x 284,5 cm.

A voir absolument, jusqu’au 23 Janvier 2022 au Petit Palais de Paris

Caroline d’Esneval

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