Site icon THE GAZE OF A PARISIENNE

Art Paris fête son 25ème printemps… Roulez jeunesse!

Par Marie Simon-Malet

Un bon dosage entre art moderne et art contemporain, entre valeurs sûres et découvertes, Art Paris souffle ses 25 bougies d’anniversaire sur les chapeaux de roues, à l’image de l’Alpine Chimérique garée à l’entrée.

Devant Art Paris, l’Alpine Chimérique ! photo : Marie Simon-Malet

En septembre 2020, elle fut la première foire au monde à lancer le retour post-lockdown des grands rassemblements du marché de l’art (gagnant des adhésions prestigieuses comme celle de la galerie Perrotin), la première à inaugurer, l’an suivant, le Grand Palais éphémère conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. La voici aujourd’hui qui dépasse allègrement sa grande sœur, la Fiac, « rangée des voitures » et désormais remplacée par la puissante Paris + d’Art Basel.

Née en 1999 au Carrousel du Louvre, Art Paris, pour sa 25ème édition, réunit au Grand Palais éphémère 134 galeries (60% françaises et 40% internationales provenant de 24 pays). Le retour au Grand Palais est prévu pour le printemps 2025.

Réflexions autour des thèmes Art et Engagement et L’Exil : dépossession et résistance.

Duncan Wylie, Self Construct , Galerie Backslash, photo: Marie Simon-Malet

La foire rend ici hommage à deux immenses galeristes parisiens : les regrettés Suzanne Tarasiève et Claude Bernard, disparus l’an passé. Ces deux personnalités exceptionnelles dédièrent leur vie aux artistes de l’art moderne et contemporain. Ils incarnent brillamment l’engagement artistique.

C’est justement, l’une des deux thématiques choisies par Guillaume Piens, directeur de cette édition 2023, Art & Engagement, L’Exil : dépossession et résistance étant la seconde. Ces deux axes sont portés respectivement par les commissaires d’exposition invités, Marc Donnadieu qui fut conservateur en chef du musée Photo Élysée à Lausanne puis organisateur en mars dernier de l’exposition Crush aux Beaux-arts de Paris (entre autres), et Amanda Abi Khalil, fondatrice de la Temporary Art Platform à Beyrouth.

20 artistes ont été sélectionnés par Marc Donnadieu, parmi eux, les modernes Nancy Spero ou encore Paul Rebeyrolle et les contemporains tels Damien Deroubaix, Prune Nourry, Alain Josseau, Duncan Wylie. Ils ont en commun une remarquable capacité à nous révéler un temps plus que trouble avec ses questionnements et ses luttes meurtrières. Le commissaire se référant à la citation de Friedrich Nietzsche: « L’artiste a le pouvoir d’éveiller la force d’agir qui dort dans d’autres âmes », à nous donc d’en découdre !

À la galerie Backslash, la toile du Zimbabwéen Duncan Wylie, Self Construct, un migrant avançant sur des rails, habillé d’une diffraction multicolore et portant le chaos du monde sur sa tête en guise de bagage, vient percuter le visiteur, entre tension chromatique et fuite en avant.

Nabi El Makhloufi , Groupes d’hommes en Exil, L’Atelier 21, Photo Marie Simon – Malet

Pour L’ Éxil, 18 artistes internationaux ont été distingués, dont Kubra Khademi, née en 1989 en Afghanistan et réfugiée en France, l’Équatorienne Estefanía Peñafiel Loaiza, Boris Mikhaïlov, Taysir Batniji et son sablier disposé à l’horizontale, Suspended Time, depuis le départ de l’artiste de Gaza en 2006.

Seize expositions monographiques émaillent également le parcours, dont celle de Jean-Pierre Pincemin à la galerie Dutko. Enfin, le trop modeste secteur « Promesses » est dédié à neuf galeries créées il y a moins de six ans, pouvant présenter jusqu’à trois artistes émergents, Art Paris finançant 45 % des frais d’exposant. Guillaume Piens s’est engagé à étoffer le secteur dans sa volonté de faire de ce rendez-vous artistique, une véritable mine de découvertes.

Vue du stand de la Galerie Baronian avec les sculptures de Seyni Awa Camara. photo: Marie Simon-Malet ,

Carnet de tendances du salon

En milieu naturel

Le génie de la matière, brute, chaotique ou lisse, bois, terre, céramique, papier Hanji (pour l’artiste Lee Jin Woo), pollen, comme abris et incitation à l’imaginaire mais aussi la confrontation aux éléments, eau, fumée, feu…

Ce sont les sublimes sculptures ancestrales en terre cuite de l’artiste sénégalaise, Seyni Awa Camara qui m’accueillent à la galerie belge Baronian. Les déesses-mères de « la potière de Casamance » admirées par Louise Bourgeois ont été révélées par la fameuse exposition des Magiciens de la Terre de Jean-Hubert Martin au Centre Pompidou; cette exposition de 1989 qui a mis l’Afrique dans le paysage de l’Art contemporain.

L’œil cyclopéen en bois de la jeune artiste française, Lelia Demoisy, dont j’avais découvert le travail à Chaumont-sur-Loire, me fascine. À ses côtés, un diptyque jaune pollen et noir charbon et pollen et une peau d’écailles de graines, comme un trophée dérangeant, cohabitent avec les merveilleux dessins et autoportraits en 3D (en bois sculpté à la fraiseuse) de Fabien Mérelle sur le stand de la galerie By Lara Sedbon.

Sur le fil

Tapisserie, broderie, perles, laine, sculptures textile et peinture-tissage, la fibre brouille les genres, de l’ouvrage de dame militant aux panoplies chimériques.

A la galerie Alain Gurthac, une relecture engagée pour la préservation de notre planète de La Dame à la Licorne (musée de Cluny) par Suzanne Husky. De belles œuvres textiles : les Targets en impression sur fils de l’artiste Marie Hazard (galerie Mitterrand), les Cloud en tissage rebrodé de la jeune artiste iranienne Toufan Hosseiny (chez Baronian), les nymphées et forêts de fils d’Eva Jospin (galerie Suzanne Tarasiève).

Parfois, le support semble textile mais ne l’est pas, tel la Planche dentelle de Dominique de Beir (galerie Jean Fournier), un travail d’aiguille sur du carton imprimé ou les perles de papier comme brodées par l’artiste ougandais Sanaa Gateja (galerie MAM).

L’homme et ses métamorphoses

Hybridé, déconstruit, exilé, anonyme, englouti dans la nature ou faisant corps l’animal.

Dans l’eau d’Alexandre Lenoir chez Almine Reich, l’Adolescent au serval de Romain Bernini (Suzanne Tarasiève), Fabien Mérelle, homme oiseau ou arbre en bois velouté. Pris dans la masse, le collectif, avec les foules floutées à la cire de Philippe Cognée (Templon) ou les passagers anonymes d’une embarcation de fortune de Nabil El Makhloufi (galerie L’Atelier 21) et les guerrières de Kubra Khademi.

L’artiste portugaise Manuela Pimentel insère les hommes du passé dans des arrachements d’affiches à la Villeglé, réinterprétés en azulejos, sur le stand de la galerie angolo-portugaise, This is not a white cube.

Viens dans mon comic strip

Téléportation dans un univers de couleurs vives et acidulées, image simple, facilement identifiable et édulcorée avec l’installation d’Alexandre Benjamin Navet à la galerie Derouillon, les tableaux d’enfants de B.D. Graft (Double V Gallery), les tableaux et sculptures de Mark Corfield-Moore (Alzueta Gallery).

Quelques coups de cœur pour finir en beauté !

Romain Laprade Galerie Yvon Lambert photo : Marie Simon- Malet

Douce installation de la galerie Camera Obscura qui mêle les photographies de Bernard Plossu aux aquarelles de Marcelo Fuentes et aux petites huiles mystérieuses et intimistes de Rosa Artero.

Les tirages palladium du photographe allemand Jens Knigge sur le stand d’Esther Wœrdehoff et les images de Romain Laprade (à la galerie Yvon Lambert), face aux toujours poétiques dessins de Jean-Charles Blais.

Marie Simon-Malet

Quitter la version mobile