3 jours à Budapest

Budapest, tant de motifs sont sujets à évoquer cette ville, l’histoire, l’art, des noms comme André Kertész, Brassaï, Robert Capa, fondateur de Magnum, Lucien Hervé, Emeric Feher… A la suite du traité du Trianon de 1920, après éclatement de l’empire austro-hongrois, ils sont tous venus à Paris, capitale mondiale des arts. La France victorieuse mais « saignée » par la Première guerre mondiale, est en voie de reconstruction et de modernisation. Elle recrute dans tous les métiers de l’industrie moderne, l’électricité, l’automobile, la TSF, … les commandes de photographies affluent et les artistes hongrois furent ainsi les bâtisseurs de la photographie moderne, du photo-journalisme… 

Musée d’ethnographie par l’architecte Ferencz Marcel.

Le charme fou de cette ville au bord du Danube, les bains reconnus pour leurs vertus, le plus célèbre étant les Bains Gellért avec son hôtel construit début du XX siècle sur les rives du fleuve, dans ce fameux style Sécession avec son décor de mosaïques, de vitraux Art Nouveau, le temps semble s’être arrêté à l’intérieur et me rappelle ce film si nostalgique The Grand Budapest Hotel.

L’architecture me séduit, mélange Art Nouveau, classique et contemporain, des rues arborées avec toutes ces maisons qui partent de la place des Héros où se trouvent le Musée des Beaux-Arts et ce musée d’ethnographie spectaculaire avec ses toits en pentes végétalisés imaginé par Ferencz Marcel. Juste à côté, un autre bâtiment contemporain, ce pavillon de musique qui a été dessiné par l’architecte japonais Sou Fujimoto. 

Renoir au Szépmüvészeti Múzeum (musée des Beaux-Arts) Budapest

Musée des Beaux Arts de Budapest – Szépmüvészeti Múzeum

Le prétexte du voyage est cette exposition Renoir. Le peintre et ses modèles  qui vient d’ouvrir au Musée des Beaux-Arts, construite autour de ce Nu couché (Gabrielle) peint en 1903 par Pierre-Auguste Renoir, ce tableau avait été exposé en Hongrie en 1907 au Salon National, mais le musée à l’époque n’avait pu l’acquérir. C’est chose faite aujourd’hui, depuis 2019. Il existe deux autres nus de cette série peints par Renoir, appartenant aux musées de l’Orangerie et d’Orsay.

Pierre-Auguste Renoir. Vue de l’exposition, les 3 nus réunis. De gauche à droite : Femme nue couchée (Gabrielle) 1906, musée de l’Orangerie – Nu couché (Gabrielle), 1903, musée des Beaux-Arts de Budapest. Grand nu, 1907, musée d’Orsay

Les commissaires des deux pays ont été bien inspirés de les réunir et les présenter ensemble à Budapest afin de donner ce spectacle magnifique de ces trois chefs-d’oeuvre de l’artiste accrochés dans cet écrin arrondi aux murs violets.

Claire Bernardi directrice du musée de l’Orangerie et Paul Perrin directeur de la conservation et des collections du musée d’Orsaydevant les œuvres de Renoir représentant les deux sœurs Lerolle au piano.

Avant d’approcher cette réunion au sommet, la visite permet d’admirer l’art du portrait si merveilleusement atteint par Renoir, les visages de ses proches Bazille dans son atelier, jeune homme à la destinée fulgurante et mécène de ses amis artistes, Monet que l’on retrouve également, avec à ses côtés le portrait de sa femme, la belle Camille Doncieux.

D’autres portraits de ses proches sont exposés comme celui que j’aime admirer à la Comédie Française, dans cette petite salle du comité de lecture (là où se décide de l’entrée d’une oeuvre au répertoire de cette institution si prestigieuse) et où on aperçoit en levant les yeux, la représentation de l’actrice Jeanne Samary qui a posé à plusieurs reprises pour le peintre. La série des bords de Seine est aussi une merveille et c’est une joie pour les yeux de poser notre regard sur cette oeuvre des collections du Nationalmuseum de Stockholm, La Grenouillère, 1869. Renoir a tellement peint, toute sa longue vie, c’est si émouvant de voir ses images de lui , les mains bandées peignant encore et encore. Deux films sont à voir celui de Sacha Guitry « Ceux de chez nous » 1915, repris par l’auteur en 1952 et Renoir par Gilles Bourdos avec Michel Bouquet en 2013.

Pierre-Auguste Renoir(1841 – 1919).La Grenouillère, 1869. Huile sur toile. Stockholm m, Nationalmuseum

🇭🇺Renoir, A festó és modelliei
🇫🇷 Renoir, le peintre et ses modèles 

Jusqu’au 7 janvier 2024.

Szépmüvészeti Múzeum (Musée des Beaux Arts) –  Budapest, Dózsa György út 41, 1146 Hongrie.

Les musés d’Orsay et de l’Orangerie ont prêté de nombreuses toiles de l’artiste pour l’exposition. 
Commissariat
Cécile Girardeau, conservatrice au musée de l’Orangerie
Anna Zsófia Kovacs, conservatrice en chef, département de l’art après 1800, musée des Beaux-Arts, Budapest
Paul Perrin, directeur de la conservation et des collections du musée d’Orsay

Iparművészeti Múzeum (Musée des Arts Décoratifs)

Musée des Arts Appliqués fermé depuis septembre 2017

A Budapest, un musée est à voir absolument, le matin de mon arrivée, je m’y précipite mais je me trouve face à des portes closes. Renseignements pris, il est malheureusement en travaux et la réouverture n’est pas programmée avant longtemps, il s’agit de celui des Arts Appliqués, la collection est une des plus belles et importantes au monde. Le bâtiment date de 1896, toujours dans ce style Sécession avec ce dôme et ce toit très original à décor de tuiles fournies par la célèbre manufacture de porcelaine de Zsolnay.

György-Rath Villa

Villa György-Rath

Pour voir une petite partie des collections du Iparművészeti Múzeum, il faut visiter le Musée György-Rath à Budapest installé dans cette villa Art Nouveau (style Sécession dans l’Empire austro-hongrois) aux murs peints couleur vert d’eau, elle fut l’ancienne demeure du collectionneur et premier directeur du musée des Arts Déco : György Ráth (1828-1905). Sa collection de tableaux anciens comprenait un Rembrandt qui se trouve au Musée des Beaux-arts. 

Cadre de miroir Conception : Lajos MACK Exécution : Lajos MACK. Usine de Zsolnay Pécs, 1905 Faïence en porcelaine pressée en forme; matériaux additionnels: bois, verre dépoli, carton.

Depuis , devenu le musée György Ráth, avec une exposition permanente “Art Nouveau, une perspective hongroise” , la villa a été remeublée par du mobilier provenant du Musée des Arts Appliqués, Iparművészeti Múzeum en travaux. Sur place, je ne suis pas déçue, je découvre un mobilier de grande qualité et des noms prestigieux, une grande variété de vases de la manufacture nationale Zsolnay, comme ce grand vase sang de boeuf de l’escalier, d’autres encore, nombreux aux couleurs irisées, des carreaux, échantillons pour les cuisines et salle de bains… une multitude de modèles à voir.

Vase manufacture de Zsolnay

Mais ce qui me captive par dessus tout c’est la beauté de certains meubles montrant l’excellence de ce courant anticonformiste fondé en 1897 la Sécession de Vienne, par Klimt et Koloman Moser (1868-1918) designer et peintre. Ce dernier est l’auteur du meuble manifeste Le cabinet enchanté des princesses , un prodige, à la fois poétique, beau et d’une maîtrise technique remarquable associant des bois précieux, du verre gravé, du bronze, le cabinet ouvrant à deux vantaux à décor sur l’extérieur des larmes des trois princesses, elles-mêmes, représentées à l’intérieur, tout une histoire ! Une exposition avait été consacrée à l’ébéniste au Musée d’Orsay en 1989 : Un créateur d’avant-garde à Vienne : Koloman Moser (1868-1918).

Koloman Moser (1868-1918) “Le cabinet enchanté des princesses”, 1900. Bois de padouk, verre appliqué, cuivre nickelé. Fabrication : Portois & Fix H. 171 x W. 53 x D. 33 cm
Pièce similaire – Version à trois pieds du Cabinet réalisé pour la Huitième Exposition de la Sécession, en 1900

Dans ce décor de cette villa Art Nouveau, se trouve la tapisserie exécutée d’après un carton de l’artiste hongrois József Rippl-Rónai Lady à la robe rouge, un des panneaux du décor de la salle à manger du Comte Andrássy. Les amis du musée d’Orsay ont acquis en 1994 un très beau pastel de József Rippl-Rónai (1861-1927), Un parc la nuit, montré il y a peu de temps à l’exposition “Pastels”, l’artiste est passé à Pont-Aven et est parfois surnommé le nabi hongrois.

Tapisserie – Lady à la robe rouge (Conception : Josef RIPPL-RÓNAI Exécution par : Lazarine BAUDRION Paris-Neuilly, 1898 Broderie au point plat avec fil de laine et support Coll du Musée des Beaux-Arts de Budapest, 1951

Le vestibule a été aménagé par l’architecte Paul Horti et la rambarde en fer forgé de l’escalier de l’entrée par Gyulla Jungfer, artiste hongroise très en vogue de cette époque.

A gauche : ensemble de sièges – Design 1907 : HOFFMANN, Josef – Exécution : Thonet Mundus
Ineu (Borosjeno), Roumanie, construction : vers 1920 – Bois de hêtre, peluche ; tourné, plié, mariné- A droite : Meuble salle de réception une partie de son équipement. Conception : Ödön FARAGÓ (1876-1958) – Exécution : Lajos LUKACSEVICS – Budapest, 1904 – Base en bois de pin, barres métalliques, bois rond, plaque miroir ; incrustation d’os, sculpté, décapé, partiellement/teinté, incrustation de racine de peuplier

Adresse : György-Rath Villa – 1068 Budapest, Városligeti fasor 12.

Walter Rózsi Villa

Walter Rózsi villa

Quelques années plus tard, nouveau style à mille lieues de l’Art Nouveau, simplicité des formes et des matériaux, nous sommes dans les années 30, l’architecte József Fisher (1901-1995) construit en six mois une villa moderniste pour Rószi Walter. L’architecture est très inspirée des cinq critères essentiels de Le Corbusier, le pilotis, le toit jardin, les fenêtres en bandeau, le plan et les façades libres (cf article précédent). József Fisher s’était associé à Marcel Breuer, et dans la villa se trouve son fauteuil de bureau, 1931.

Intérieur de la Villa Walter Rózsi

Walter Rózsi Villa Addresse: 1071 Budapest, 10 Bajza Street 

La Grande Synagogue de Budapest

Le jardin intérieur de la Grande Synagogue avec les tombes des 2000 juifs massacrés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Très émue en écrivant ces mots, après la visite de la Grande Synagogue, la deuxième plus grande au monde après celle de New-York, elle est bien là pour nous rappeler la Shoah. Construite en 1859 avec ce désir de modernité et d’ouverture par un architecte catholique Ludwig Förster qui utilise ce style mauresque très à la mode et un plan très inspiré par celui des églises avec sa nef centrale, sa table de lecture de la Torah tout au fond comme l’autel d’une église et chose improbable à l’époque dans une synagogue, les grandes orgues où Franz Liszt et Camille Saint Saens exercèrent leur talent. Le Nazisme, avec la collaboration du parti hongrois d’extrême-droite les Croix fléchées de Ferenc Szálasi, a brisé net cet élan de vie en déclenchant l’horreur inconcevable, 600000 juifs hongrois furent assassinés pendant la guerre, une victime sur trois à Auschwitz était citoyen hongrois. Au sein de la synagogue sous les arbres se trouvent les tombes de 2000 juifs parmi les 70000 enfermés dans le ghetto, torturés, mourant de froid, de faim, sous les bombes et jetés dans une fosse commune. Estée Lauder et Tony Curtis d’origine hongroise ont participé à la restauration des lieux. Le comédien Tony Curtis a offert cet arbre de vie en acier sculpté par Imre Varga, artiste hongrois, un saule pleureur où en guise de feuilles des étiquettes portent les noms des disparus. A visiter également le musée qui possède dans ses collections toutes sortes d’objets de culte parfois réalisés avec les moyens du bord comme des petites cuillères, et aussi des objets de mémoire comme ces cartes postales que les déportés, à leur arrivée à Auschwitz, devaient adresser à leurs proches restés en Hongrie indiquant “Waldsee” comme lieu d’expédition, je découvre avec émotion un exemplaire dans une vitrine. Je ne pouvais imaginer que toute cette horreur pouvait à nouveau recommencer au XXIe siècle et je suis de tout coeur avec Israël.

La Grande Synagogue, intérieur

Musées à visiter

Plusieurs musées sont à voir le musée de Vasarely, créé grâce à une donation de Victor Vasarely, artiste de l’art optique, né en 1906 à Pécs, mais aussi le centre de la photographie Robert Capa un des plus grands photo-reporter qui a été inauguré en 2013, dans ce bel immeuble art nouveau. https://capacenter.hu/en/

La grande SynagogueAdresse : rue Dohány

L’art contemporain, une foire à Budapest

Une foire Budapest Contemporary au Bálna Event Centre regroupant des galeries hongroises et montrant ainsi l’actualité de la jeune scène hongroise ainsi que celle d’artistes plus confirmés.
Je remercie infiniment Kati Spengler et Zsolt Somloi, deux collectionneurs passionnés, qui nous ont présentés leur collection très ouverte sur la scène internationale, incluant les artistes hongrois. Grâce à eux j’ai pu en découvrir certains. Et bientôt à Paris, la galerie Einspach Fine Art & Photography, qui représente entre autres le photographe Tamas Dezsö de Budapest sera à Paris du 18 au 22 octobre dans cette nouvelle foire OFFSCREEN, à suivre …

Tamas Dezsö -Galerie Einspach Fine Art & Photography

Un très grand merci aux Amis du Musée d’Orsay et de l’Orangerie SAMO et en particulier à Marie-Alix Caquelard pour toute cette organisation parfaitement orchestrée.

Adresse restaurant

Restobar Fleischer – Budapest, Nagymező u. 7, 1065 Hongrie

5 commentaires

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :