Chambord, Wang Keping

Après le musée Guimet et le musée Rodin, Keping récidive et s’installe à Chambord. 

“(…) Cet escalier à double révolution, comme La Joconde, suscite en nous une rêverie merveilleuse sans fin. Mais quand un artiste expose ses œuvres aux pieds de ce géant, il se confronte au défi d’entrer en résonnance avec les chefs- d’oeuvre des maîtres (…)”

Wang Keping
Wang Keping à Chambord

Chambord, l’illustre demeure de François 1er, “aux mille cheminées” qui apparaissent au loin, dans cette forêt immense, un lieu idéal pour l’artiste chinois Wang Keping (né en 1949), qui a accepté l’invitation de Yannick Mercoyrol, commissaire de cette exposition “Duos”, Wang Keping.

La Chine de Mao

Une longue histoire, depuis la Chine de Mao que l’artiste a connu et, lorsque son père, membre du parti, lui trouve une place plutôt confortable d’écrivain de scénarios, très vite, il réalise que ce travail est purement fictif et lui permet juste d’avoir un emploi, car en Chine communiste, c’est évidemment le plein emploi et il peut ainsi toucher un salaire. L’ennui révèlera sa vocation d’artiste, il suffira d’un barreau d’une chaise à portée de main, qu’il commence à sculpter, le début de sa carrière. Sur place, l’artiste pour obtenir ce précieux matériau, doit soudoyer les artisans. Et comme de nombreux artistes chinois, il a passé du temps dans les camps de rééducation.

Wang Keping. Silence, 1978. Bouleau.

Le mouvement des Étoiles / « Xingxing / 星星 »

En 1979 à Pékin, 3 ans après la mort de Mao et à la suite de ce Printemps de Pékin des arts qui en découle, il participe avec ses amis du Mouvement des Étoiles / « Xingxing / 星星 » dont fait partie également Ai Wei Wei, à une exposition sauvage sur les grilles de l’Académie des Beaux-arts, et montre sa sculpture Silence. Les exposants, prenant de surprise les autorités laissées sans voix tiennent deux jours avant de décrocher leurs œuvres. Une nouvelle époque est lancée, suivront deux autres expositions, une dans une galerie et une autre en 1980, cette fois-ci elle se fera à l’intérieur du musée qui accueillera plus de 100000 visiteurs. Wang Keping réussit à y exposer sa sculpture Idole qui n’est autre que le portrait de Mao, le représentant de l’autorité, pour son manque de vigilance en laissant passer cette oeuvre a été puni pour ce crime de lèse-majesté.

De gauche à droite Wang Keping. Couple Top, 2021. Acajou. Le Câlin, 2020. Acajou . Couple, 2020. Acajou

Silence et Idole

L’histoire de ces deux oeuvres Silence et Idole est très romanesque, lorsque l’artiste épouse une française et réussit à quitter le pays, on ne l’autorise pas à emporter ses oeuvres fondatrices et c’est le consul de France de l’époque qui les prend avec lui dans la valise diplomatique. Et ainsi on peut les voir encore, aujourd’hui à Chambord et peut-être bientôt dans les collections nationales. A son arrivée à Paris, Jack Lang va l’aider, il rentre dans la galerie Zürcher et participe à cette exposition Les Champs de la sculpture en 1999 avec Botero, Richier… qui révèle son talent au grand public. En 2010, le Musée Zadkine lui consacre une exposition Wang Keping, La chair des forêts.

Performance de taille directe de troncs d’arbres choisis en forêt de Chambord 

La taille directe du bois,

Keping travaille directement avec la taille directe du bois, en commençant par la tronçonneuse, les essences sont très diverses, acajou, orme, chêne… très respectueux de l’environnement, il utilise les parties des arbres morts dont personne ne veut, c’est souvent le haut des arbres, les dessins des branches, leur mouvement qui l’intéresse. L’artiste voit dans le matériau une représentation qui lui apparait comme une évidence et lorsque la sculpture est achevée, c’est naturellement que le motif apparait au regardeur, telle une pareidolie. Ses outils de sculpteur dans les mains, il suit patiemment les lignes du bois, avec une parfaite maîtrise du matériau. Après son arrivée en France il abandonne les sujets politiques et s’intéresse spécialement au corps, celui de la femme particulièrement qui s’associe si harmonieusement à la sensualité du bois, décortiqué de son écorce, calciné et poli jusqu’à obtenir cette apparence qui ressemble tant à du bronze.

« Le bois me chuchote son secret. Les arbres sont comme des corps humains, avec des parties dures comme les os, des parties tendres comme la chair, parfois résistantes, parfois fragiles. Je ne peux aller contre sa nature. Il ne me reste plus qu’à la suivre pour qu’elle accepte d’être ma complice.» 

Wang Keping
Wang Keping et le commissaire de l’exposition : Yannick Mercoyrol

A Chambord, ce sont deux chênes qui avaient dû être abattus qu’il a choisi de sculpter.  Wang Keping est venu sur place à plusieurs reprises et a accepté cet exercice très difficile de sculpter in-situ, devant les visiteurs ces deux troncs. Une oeuvre qui ne verra le jour que dans deux ou trois ans, le temps est très long avant l’obtention de l’œuvre finale, il faut compter avec le processus naturel du séchage du bois.

 “Duos”, Wang Keping

Domaine de Chambord

Jusqu’au 17 mars 2024

Commissariat : Yannick Mercoyrol, directeur du patrimoine et de la programmation culturelle du Domaine national de Chambord

Wang Keping est représenté par la galerie Nathalie Obadia

 

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