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STRASBOURG, TERREAU DE LA CREATION ARTISTIQUE FRANÇAISE

Strasbourg © The Gaze of a P arisienne

Ayant une la chance de vivre quelques années à Strasbourg, j’ai voulu faire découvrir à Florence une ville bien ancrée dans une culture personnelle puissante, un des terreaux de la création artistique française. Dans le domaine des arts plastiques, Strasbourg regorge d’artistes talentueux. L’école des arts décoratifs est un des fleurons nationaux de l’enseignement des arts plastiques ; le Musée National d’Art Moderne et contemporain et la Foire d’art contemporain St’art contribuent à cet engouement artistique. Strasbourg est un écrin également pour de nombreux ateliers nichés dans des lieux insolites, tels que l’ancienne fortification militaire construite par les allemands, le Bastion ; et depuis peu les anciens bâtiments industriels de la Coop sur les Deux-Rives du Rhin entre Strasbourg et l’Allemagne.

Nous sommes donc parties un beau matin et 2h15 plus tard, nous étions au coeur de la création strasbourgeoise.

Musée d’Art Moderne et Contemporain

Damien Deroubaix

Performance de Myria Mihindou & Violaine Lefur « L’aire des assises”
Damien Deroubaix (né en 1972) « Homo Bulla » 2011. Sculpture en verre soufflé et gravé. Produit au Centre International d’Art Verrier de Meisenthal, France

Notre séjour a commencé par la visite de l’exposition temporaire de Damien Deroubaix au Musée d’Art Moderne de la ville. L’artiste y présentait des œuvres montrées l’hiver dernier à Saint Etienne.  Les grands thèmes étaient la maternité, le déjeuner sur l’herbe, les idoles et les merveilles de la nature. A ce titre l’exposition commençait à l’extérieur par la présence de l’arbre  porteur de lumières , une sculpture en bois de 2008. L’arbre peint, gravé sculpté, imprimé est un des éléments centraux de cette exposition.

L’artiste peint plusieurs tableaux en permanence et il intègre des éléments de ses thèmes de prédilection dans ses compositions, tels que le fascinant fétiche photographié à Boston devenu la figure positive, dite de l’artiste. Il aime s’inspirer de grands maîtres, peintres et graveurs, tels que Géricault et ses cavalières, Rembrandt et sa gravure la Pisseuse ,  Mais aussi  J. Callot et son éloge de l’arbre.  Trois grandes sculptures étaient présentées dont une inspirée de la plus vieille sculpture du monde appelée la Vénus de Hohle Fels en ivoire de mammouth. L’artiste expose en ce moment à la Galerie In Situ-Fabienne Leclerc-Grand Paris à Romainville et il inaugurera la réouverture du musée de la Nature et de la Chasse en octobre 2020.

DAMIEN DEROUBAIX

Le Bastion

Nous avons commencé la journée suivante par la visite du Bastion qui accueille une vingtaine d’artistes dans de vastes cellules pour des loyers modiques mais propices aux échanges humains, aux partages des problématiques  et surtout à la créativité.

Axel Gouala

Axel Gouala a été notre premier échange. Cet artiste formé aux arts décoratifs de la ville s’est inspiré de ses résidences à Prague et à Dresde. Dans son travail il détourne les objets de leur univers, les isole et nous ouvre ainsi de nouvelles voies de réflexion. Il s’inspire de la nature et dialogue avec l’architecture. Dans une installation, les feuilles d’acanthe sont ainsi détournées de leur identité orientale pour recréer une construction une idée de nature (2016). Le voyage immobile et la circulation statique sont un thème traité avec humour dans ses sculptures A Tooth For An Eye , 2018

AXEL GOUALA

Axel Gouala
Axel Gouala – Série Fourrures

Sa série de fourrures est réalisée grâce à une technique fine d’impression sur papier japonais Fumées 2017.

Sa vague Mostro 2014 réalisée en polystyrène a l’allure animale d’une gueule ouverte qui vous engloutit dans l’océan.  Une belle rencontre.

Ben Jack Nash

Ben Jack Nash.

Nous avons ensuite rencontré l’anglais Ben Jack Nash. Un artiste singulier puisque formé au métier d’avocat et conseiller pour des personnes vivant en marge de la société. Une singularité qui s’exprime dans son travail conceptuel. Il s’intéresse à l’héritage architectural, aux bâtiments eux-mêmes mais aussi aux éléments qui les composent. Ses installations sont éphémères et construites comme des expériences, telle que celle réalisée dans une synagogue abandonnée de Reichshoffen « les résidus du vide » (2018). Les jeux de lumière et d’ombre sont des éléments clé dans son travail. On a pu voir dans l’atelier ses fenêtres « résidu »  et « les restes » (2015) créées avec du bois, du papier peint, des leds et du verre.

Un travail qui nous invite à la fois à rentrer et à sortir de son œuvre. Son travail a été reconnu et sélectionné pour des expositions internationales grâce à des personnalités réputées, tels que Richard Deacon, Robert Wentworth et Miguel Amado.

BEN JACK NASH

Skander Zouaoui

Skander Zouaoui

Le tunisien Skander Zouaoui nous attendait ensuite dans sa cellule créative. Formé à l’école des Arts du Rhin et à l’université Marc Bloch à Strasbourg, cet artiste dessine, sculpte et fait de la vidéo. La matière est un élément important dans son travail. Il utilise par exemple le bitume, la céramique ou le bois reconstitué.  Il manipule des formes empruntées au quotidien et les refait pour mieux les comprendre. Il bricole, il sonde, il expérimente. Il s’intéresse aussi au mouvement. L’œuvre que l’on a vue ce jour là s’est inspirée par exemple du procédé industriel appelé rotomoulage

Skander Zouaoui

Visite de l’atelier de Skander Zouaoui – Le Bastion Strasbourg.

Une expérimentation du mouvement que l’on retrouve aussi dans certaines de ses vidéos, telles que « constructions » (2011). Un chercheur dans l’âme.

Alexandre Astier

Nous avons retrouvé ensuite Alexandre Astier. Diplômé de l’ESAD mais avant tout formé au métier de souffleur de verre. Il réalise des sculptures et des installations minimales et abstraites à base de matériaux manufacturés recyclés et/ou récupérés. Il travaille en collaboration avec le sculpteur Vladimir Skoda et l’artiste Hubert Duprat. Un travail collaboratif qui le nourrit et lui permet d’expérimenter les matériaux et les techniques nouvelles utiles pour sa créativité personnelle.

ALEXANDRE ASTIER

Atelier de :

Daniel Schlier

Une autre étape de notre parcours a été l’atelier de Daniel Schlier. Artiste peintre, dessinateur et graveur reconnu. Il enseigne aux Beaux-Arts de Paris depuis 2017.  Daniel est une référence pour beaucoup des jeunes croisés durant notre séjour.  En dehors de sa taille imposante, l’artiste en impose surtout par la diversité des supports qu’il utilise, marbre, bois,  toile et verre. Daniel utilise des techniques nouvelles pour répondre à chaque situation de création. La matière qu’il choisit oriente l’œuvre et les êtres hybrides et les animaux  représentés sont paradoxalement à la fois grotesques et sublimés. L’artiste a un esprit concis qui fait coexister de façon inattendue des éléments rapportés et morcelés. Chaque élément est nécessaire et pensé sans raison. C’est une évidence. Un maître dans l’art, respecté par tous ses élèves.

DANIEL SCHLIER

Femmes artistes, ateliers de :

Clémentine Margheriti

Le lendemain nous avons abordé la journée par la visite des ateliers d’un quatuor féminin. Il s’agit d’abord de Clémentine Margheriti, une des artistes qui avait participé à l’exposition « Etat des lieux » à Strasbourg en 2007. Formée aux Arts Déco de Strasbourg, elle peint essentiellement sur ardoise et bois. Les séries sont nombreuses dans son oeuvre et son travail qui part sur un temps très long se caractérise ainsi par une densité forte à la fois des couleurs et de la matière. Sa peinture est figurative et réaliste et en grande partie autobiographique. Représentée en tant que peintre, ses postures sont souvent absurdes. L’artiste se nourrit de lectures et ne cache pas son admiration pour Paula Rego. L’humour et l’inquiétude exprimés vont de pair avec notre hésitation à sourire ou être mal à l’aise devant l’oeuvre.  Une personnalité fragile et forte à la fois. Une artiste.

CLEMENTINE MARGHERITI

Olivia Benveniste

Olivia Benveniste a été notre visite suivante. Dessinatrice et formée aux Arts Décoratifs de Strasbourg, l’artiste utilise le pastel sec et le crayon de papier. Le dessin est juste car rigoureusement flou et précis à la fois. Une précision qui donne du poids au visage représenté qui apparaît alors tel une sculpture. Les corps monumentalisés sont grotesques mais sublimés par sa technique. Elle parle beaucoup de féminité. Des seins, des bustes, des ventres foisonnent sur ses toiles. L’œil devient un métal précieux. Même si Olivia n’est pas religieuse, elle travaille comme un peintre d’icônes. Elle fait ressentir la fragilité qu’elle voit dans ses sujets. Après avoir travaillé en noir et blanc pour souligner les lignes et le volume, l’artiste depuis peu utilise la couleur lumineuse pour sa lumière et la diffusion qu’elle favorise. Un travail sur l’expression où les êtres sont atténués, telle une « inquiétante étrangeté » freudienne.

OLIVIA BENVENISTE

Aurélie de Heinzelin

Aurélie de Heinzelin que nous avons ensuite rencontrée part de sa propre histoire pour créer des œuvres qui parlent souvent de vengeances personnelles. Ses œuvres sont empruntées d’humour noir et racontent ses rêves et son histoire. Elle est également une grande admiratrice de Paula Rego et Otto Dix. Elle peint surtout des grands formats et fait cohabiter dans sa peinture ses amis qui posent et des personnages de la littérature, tel que Gargantua, le personnage de Rabelais peint par Gustave Doré. Elle aime le contraste de la couleur et de la matière. Aurélie déconcerte, irrite, surprend, dérange, secoue, fait bouger les lignes.  Elle regrette d’ailleurs la censure de certains tableaux. L’artiste peint ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, ce qu’elle imagine. Elle peint comme elle vit.

AURELIE DE HEINZELIN

Atelier de

Mathieu Boisadan

Port du Rhin – Atelier de Mathieu Boisadan

Notre visite suivante a lieu au port du Rhin dans l’atelier de Mathieu Boisadan qui avait largement contribué au succès de l’exposition que j’avais organisée à Strasbourg en 2007. Féru de philosophie, Mathieu est un artiste sensible peu commun qui évoque dans ses personnages une certaine violence. A l’instar de Axel Pahlavi ou Filip Mirazovic, sa peinture se veut naturaliste  et « crade » par réaction au côté « léché » de certains de ses contemporains. Ses tableaux engagent la matière et racontent des histoires. Profondément marqué par ses séjours dans les pays de l’Est et notamment à Moscou, il intègre beaucoup d’images, d’architecture et de symboles soviétiques. Il s’inspire beaucoup de l’histoire de l’art. On retrouve du pop art d’Andy Warhol, des transparences de Marc Desgrandchamps, des clair-obscur de Quentin de La Tour. Sa dernière série parle de l’enfance et de l’adolescence, peut-être influencé par son expérience de professeur aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Il a obtenu le prix Marin 2017 et la galerie parisienne Patricia Dorfmann défend sa peinture. Mathieu, un artiste en conflit permanent entre une liberté d’esprit et une contrainte du corps, ambivalence prônée par son philosophe de référence Eric Weil.

MATHIEU BOISADAN

Photographies

Notre séjour à Strasbourg s’est terminé par la visite de la maison/atelier du couple de photographes rencontré lors de la fameuse exposition en 2007 au Castelnau. Patrick Bailly Maître Grandet Laurence Demaison. Un couple aussi discret que passionnant. Un lieu étonnant rempli de collections uniques, à la fois intime et laboratoire témoin où s’exprime leur passion.

Patrick bailly maître grand

Patrick Bailly Maître Grand

Patrick Bailly Maître Grand est un artiste déjà connu puisque faisant partie de nombreuses collections publiques, telles que celle du MoMA (NY), Centre Pompidou (Paris) et le Musée d’Art Moderne de Strasbourg. Il se plaît au jeu de nous dénicher des œuvres, passées et actuelles. Sa production est énorme. Difficile de tout voir.  Le photographe est un magicien qui métamorphose les éléments et les objets. Il les révèle grâce à des manipulations techniques et matérielles authentiques. Rien n’est technologique dans son travail. Les « scènes de ménage » (2012) avec la vaisselle qui valse dans les airs.

Les Maximiliennes (1999), où l’artiste tente de rendre iconique une chemise de l’empereur Maximilien d’Autriche fusillé par des révolutionnaires. Les Vanités (1999) où le crâne devient un petit astéroïde. Les Eaux fantômatiques (2005). Ses œuvres analogiques, argentiques noir & blanc se confrontent parfois à des techniques complexes, telles que le Daguerréotype, les monotypes, les rayogrammes et d’autres inventions de son cru.  Un artiste inventeur, un « chimiste qui tripote, trafique des matières, invente.. pour nous livrer d’improbables images » (Bernard Faucon). Galerie Baudoin Lebon (Paris 3e)

PATRICK BAILLY MAÎTRE GRAND

Laurence Demaison

Laurence Demaison est une artiste d’une grande singularité et d’une profonde sensibilité. Elle a la particularité artistique de ne faire que des autoportraits. L’artiste fait des séries et transforme, déforme, réforme. La photographe semble révoltée par son corps et au-delà par son histoire. Une puissance de photographie qu’elle exprime également dans ses dessins et ses sculptures. L’artiste fait notamment partie des collections publiques du Musée d’Art Moderne de Strasbourg et de la Maison Européenne de la Photographie à Paris.

LAURENCE DEMAISON

AEDAEN, une galerie, un restaurant & +++

Et pour finir un autre lieu incontournable à ne pas manquer à Strasbourg, espace d’art, restaurant, pizzeria et aussi un secret !

GALERIE AEDAEN

Erik Samakh, galerie AEDAEN

Nous avions rencontré Erik Samakh en plein « work in progress » , l’artiste passionné par la nature y chasse les sons, il se définit « Chasseur cueilleur » de sons et d’images. Au Musée Rodin, il avait investi l’espace avec son installation Pierres de Lucioles.

Outre la cathédrale en grès rose et la route des vins alsaciens, la ville et la région regorgent de trésors artistiques qui restent une visite incontournable.

Laetitia Launiau

Remerciements :

A tous les artistes qui nous ont ouvert si généreusement leurs ateliers.

Un grand merci à notre amie Sandrine Alexandre, décoratrice d’intérieur Calypso Home, qui nous a reçues toutes les 2.

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