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Drawing factory, dessins à tous les étages

PAR STEPHANIE DULOUT

Des couloirs en enfilade rayonnant sur quatre étages tapissés de rouge, des portes numérotées s’entrouvrant sur trente-deux chambres avec salle de bain transformées en autant d’ateliers mis à la disposition de trente-deux jeunes artistes triés sur le volet, mettant le dessin au centre de leur pratique artistique,: çà bourdonne, ça crayonne et ça griffonne au 11, avenue Mac-Mahon… 

Drawing Factory – © The Gaze of a Parisienne

C’est la nouvelle Ruche parisienne du moment : un ancien hôtel en cours de réhabilitation transformé en DRAWING FACTORY le temps des études de travaux, soit, six mois… Le temps, pour les artistes sélectionnés, de plancher sur leur projet présenté au comité de sélection, et d’élaborer in situ leurs œuvres, plans, esquisses ou croquis. De quoi remonter le moral des troupes en ces temps de pandémie ayant entraîné pour nombre d’artistes le report ou l’annulation de leurs expositions…  

C’est à Christine Phal, fondatrice du DRAWING LAB PARIS, adepte des galeries nomades et autres lieux éphémères de la première heure, que nous devons cette belle et riche idée. Avec sa fille, Carine Tissot, directrice de DRAWING NOW ART FAIR et du DRAWING HOTEL (rue de DRichelieu), et en partenariat avec SOFERIM, promoteur immobilier, détenteur des lieux, elle a eu la bonne idée d’associer à cette aventure le Centre national des arts plastiques (Cnap), dont la mission de soutien à la création trouve toute sa portée dans cette louable initiative.

Le dessin « au-delà de la feuille et du crayon »

Dotés par le Cnap d’une bourse mensuelle, les trente heureux élus (sélectionnés après un appel à candidatures ayant suscité pas moins de 400 postulants) ont investi les lieux le 22 mars dernier. Outre l’accès gratuit à un espace de travail au cœur de la capitale, la Drawing Factory, conçue comme un lieu de dialogue, d’émulation et d’expérimentations, leur offre une belle vitrine accessible aux collectionneurs, galeristes, curateurs et autres professionnels mais aussi aux amateurs lors de journées portes ouvertes (dates des Open Studios ci-dessous).

Etant donné la qualité des artistes que nous avons découverts en poussant la porte de ces chambres-ateliers et les très riches perspectives offrant leur pratique novatrice et audacieuse du dessin « y compris au-delà de la feuille et du crayon », nous ne pouvons que vous engager à aller vous perdre dans cette ruche éphémère.

Voici un petit tour d’horizon de nos coups de cœur avant que vous ne puissiez vous y précipiter .

#  Chloé Poizat

                     Au fond du premier couloir de la Drawing Lab… 

                    Chloé Poizat cachée derrière son masque-perruque nous fait les gros yeux devant un morceau de sa dernière Bêête sculptée au fusain…

Première très belle découverte, porte 11 : l’antre de Chloé Poizat (née en 1970, diplômée des Beaux-Arts d’Orléans, représentée par la Galerie 22,48 m2), annoncé par un masque-perruque accroché en guise d’enseigne au fond du premier couloir du rez-de-chaussée. Ce masque porté par l’artiste, qui refuse de montrer son (beau) visage sur tous ses portraits photographiques, condense toute la bizarrerie et la drôlerie de son univers tourné vers les mondes invisibles, la vie cachée – dans les entrailles de la terre, dans les cavernes et les abysses, sous le manteau des montagnes ou l’épiderme des pierres, dans les grimaces, les brouillards et les nuits… Un univers noir et duveteux tracé au fusain ou au pastel, mais aussi dans de virtuoses collages vidéos d’images et de sons. Un univers à la lisière du macabre et du grotesque, du surréalisme et du fantastique naturaliste, du végétal, du minéral et de l’organique, du merveilleux des contes (côté ogres) et d’un cauchemardesque volontiers loufoque (à travers les difformités)…

On y voit des Cairns, agglutinant des formes proliférantes et fantomatiques, des métamorphoses minérales (Grands rochers, Ruines, Cathedral cavern…) ou des distorsions végétales (Death dancing, Trognes), des Fossiles hybrides et de Fictifs Fétiches, des Dessins Fantôme, Mud Drawings et autres Lambeaux de réalité composant de Nouvelles Fictions : le dessin, d’une densité et d’une précision remarquables, se fait ici narration et transmutation. Parfois découpé et fixé en saillie sur le mur, comme une sculpture, il est ici plus qu’un médium, et presque doté d’un pouvoir médiumnique : revendiquant l’aspect chamanique de son œuvre dans sa quête de la métamorphose et de l’hybridation, du passage d’un état à un autre, Chloé Poizat cherche, à l’instar de Max Ernst, Jean Arp ou François Lunven, René Char ou Marcel Schwob, et tant d’autres « magiciens de la terre » et poètes de « l’infra-nuit », à peindre les Vies imaginaires et à révéler l’invisible tapie sous le visible. Lorsque nous l’avons rencontrée à la Drawing Factory, trois semaines après son installation, elle avait achevé l’une de ses Bêêtes (affichée derrière son portrait ci-dessus) aux volumes mouvants et proliférants et à la matière indéterminée (une chimère de pierre ou de chair ?…), mais d’une incroyable présence (à la fois effrayante et attrayante) ; et travaillait à un paysage imaginaire tout en courbes entrelacées de zones d’ombre. A suivre de près… 

#18  Clovis Rétif

                    Approchant le trompe-l’œil, l’hyperréalisme du trait de Clovis Rétif fait illusion et perturbe notre perception photographique de la trivialité…

                     

Un portrait monumental de Clovis Rétif : impressionnant…

Aux antipodes des mondes caverneux et chimériques de Chloé Poizat, Clovis Rétif (né en 1995), que nous avions repéré l’an dernier à DDessin (Paris Contemporary Drawing Fair), nous plonge dans la plus implacable transcription de notre environnement quotidien le plus trivial : bocaux, boîtes de conserve ou de médicaments, cartons déchirés, poubelles éventrées, emballages évidés, mais aussi voitures accidentées ou portraits : reproduit au crayon graphite avec la minutie glaçante de l’illusionnisme, la banalité du réel y transparaît avec une acuité d’une «inquiétante étrangeté » propre à transformer notre regard porté sur le monde. Virtuose et troublant…

 #21  Boris Kurdi

« J’aime la liberté qu’offre le dessin qui, avec assez peu d’outils, est une porte ouverte à l’imaginaire », nous dit Boris Kurdi

Né en 1990 et sélectionné pour le Prix Fondation Pernod Ricard, qui exposera ses travaux en septembre prochain. Privilégiant le graphite et les crayons de couleurs, ses dessins très graphiques et texturés, souvent griffés, gaufrés ou recouverts de typex, associent à un subtil travail de matière, des jeux d’optique et de dérivations poétiques. Pans de peau et panses de pots, cicatrices stylisées, chiffres trapus ou dodus, crayon mû en fusée crachant de son réservoir d’encre une planète bleue… Très intellectualisés mais pleins de fantaisie, de détournements en métamorphoses, de distorsions en glissements de sens, ils donnent à voir une réalité fantasmagorique peuplée de formes, de signes et d’objets personnifiés. Des objets détournés de leur fonction et dotés d’émotions oscillant entre la parade burlesque et l’allégorie. Un réjouissant et élégant dévoiement du trait et de la symétrie…

 #24  Vanina Langer 

Pour Vanina Langer (née en 1980, agrégée d’Arts plastiques), le dessin est une prolifération. Une prolifération prenant souvent la forme d’une liane, dessinée ou modelée et agglutinée en des masses de matériaux composites (tissus, perles, branchages, peaux de poisson ou serpent de papier…). Une prolifération toute baroque entre la forme et le fond, la planéité de la feuille et la tridimensionnalité des espaces où la ligne se déploie – et se noie – dans de grands murs de tissu-dessin-collage évoquant, tour à tour, des paysages en friches ou des jardins cosmiques. Voici les nouveaux territoires du dessin débordant, s’échappant des carcans et colonisant les hors-champs. A explorer et à défricher.

Remarquée au Prix des Amis du Palais de Tokyo, Vanina Langer présente actuellement un soloshow au Garage Amelot (Paris, XIe, jusqu’au 26 mai). Une exposition « multisensorielle interrogeant notre relation au vivant, entre sculptures pénétrables, dessins monumentaux, poésie sonore, musique, design culinaire et œuvres olfactives… » proposant, à partir d’une relecture post-moderne du pouvoir légué au spectateur par Vélasquez dans le « face-à-face tronqué » des Ménines, « une dérobade du sens partant dans tous les sens » : on voit à quoi mène la pratique du dessin aujourd’hui…

 #26  Audrey Matt Aubert

Née en 1990, diplômée de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2015 et représentée par la Galerie Isabelle Gounod, Audrey Matt Aubert dessine au graphite des mondes en suspens, hybridant avec une délicate poésie tout un répertoire de motifs architecturaux et végétaux glanés dans la peinture, de la Renaissance italienne notamment, et dans la nature. L’observation des plantes – qui posent, environnées de livres d’art, sur sa table à dessin – y tient une grande part. Jouant pleinement le jeu de ce lieu de résidence éphémère qui lui est offert d’exploiter à la Drawing Factory, elle a d’ores et déjà imprimé son empreinte, destinée à disparaître…, à même le mur (dont elle a pris soin d’arracher le papier peint) pour y dessiner l’empreinte de la porte de la chambre-atelier qui lui a été attribuée. Work in progress et œuvre éphémère tout à la fois, donc…, ce mur sera son nouveau petit théâtre de formes dans lequel elle plantera, jour après jour, dans un savant et poétique jeu d’équilibre, ses plantes, ses boules en verre, ses temples, ses buildings et ses volutes florales. Autant de protagonistes de fantasmagories architecturales hybridant archaïsme et modernisme, naturalisme et surréalisme, cauchemar et utopie en d’audacieuses greffes végétalo-minérales.

« Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre », lit-on dans Les Villes invisibles d’Italo Calvino, que nous n’avions pas manqué de repérer, aux côtés de ses plantes et de ses crayons, sur sa table de travail…



 #31  Marie Havel

Pour Marie Havel, le dessin procède davantage de l’effacement et de la trace que du tracé. Combinant grattages, collages, séquençages, camouflages et autres recouvrements, élisions et proliférations (murales ou sculpturales) …, mêlant enquête urbanistique et photographique (de lieux promis à la destruction) et quêtes (d’épaves et de terrains vagues), graphite sur papier ou dessin mural, photographie, sculpture, modélisme, installation…, sa pratique purement plasticienne redonne au disegno son double sens originel de « dessin » et de « dessein » (ligne/trait ou projection) contenu dans le mot italien. 

Dans sa poignante série des Maisons clous, c’est en grattant au papier de verre des photographies noir et blanc qu’elle a dessiné… Anticipant l’érosion du temps mais aussi la destruction à laquelle sont promises tant de constructions laissées à l’abandon : le dessin se fait ici larmes et colère, les taches maculant l’image lacérée ressemblent bien à des plaies et des éclaboussures de sang… 

Dans sa série Terrains vagues, c’est au correcteur blanc (décidément très utilisé par les jeunes dessinateurs), qu’elle a dessiné sur l’image photographique, recouvrant les troncs d’arbres destinés à l’abattage d’un linceul les transformant en fantômes…  

Sur le mur de sa chambre à la Factory, elle a accroché sa série d’épaves (En attendant la mer). Ces épaves jonchant les plages du Débarquement de la Côte d’Opale qu’elle arpentait quand elle était enfant. Fascinée par ces gisants disparaissant et ressurgissant au gré des marées, ensevelis sous les sables avant d’y affleurer ou de complètement ressurgir, elle a mis au point une technique de dessin en transfert d’encre sur papier rendant parfaitement cette instabilité, cette oscillation entre l’apparition et la disparition. Un jeu allégorique et graphique appuyé par le collage de pièces de feutrines, faux gazons et autres tissus trompe-l’œil de modélisme dessinés à la colle… Le dessin est ici matière.  

Née en 1990, diplômée de l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Montpellier, Marie Havel a été lauréate de la bourse Jeune création Drawing Room en 2016, puis du Premier Prix DDessin Paris en 2017 et a récemment exposé au FRAC Occitanie Montpellier.

 #32  Gabriel Folli

Gabriel Folli : la puissance du dessin réactivant le pouvoir de l’image à travers une relecture graphique iconoclaste de l’histoire.

 « L’urgence de vivre » exprimée par la puissance du dessin de Gabriel Folli

« Le monde d’après c’est ici et maintenant ». 

C’est avec cette phrase tracée au fusain et ornée d’un bel oiseau noir, placardée sur sa porte d’entrée, que nous sommes introduits dans l’antre de Gabriel Folli. Né en 1990, ce poète baroudeur vit et travaille à Amiens. Il est représenté par la Galerie Provost Hacker, à Lille. Son travail a déjà été montré dans de nombreuses institutions telles que le Heuser Art Center de Peoria (US), le Musée d’Art de Toulon ou encore le BOZAR – Palais des Beaux-Arts à Bruxelles. 

Centré autour du réemploi de l’image, et notamment des icônes historiques galvaudées par leur diffusion effrénée, le travail multimédia de Gabriel Folli puise toute sa force expressive dans celle du dessin, ou plutôt sa collision avec l’image (photographique, peinturlurée ou repeinte) et les mots. Utilisant la puissance du dessin tant sur le plan graphique que sur le plan de la mise en page (par le jeu des découpages et des collages, des biffures et des déchirures, des vides et des fonds peints). Rehaussés de couleurs profondes et suaves, fleuris de frêles pétales, émaillés de notes raturées et de dates, de slogans ou sentences et de textes biffés, d’étiquettes et de polaroïds ou de vieilles photos dépecées…, ses feuilles enluminées évoquant les pages sombres de l’histoire font mouche. L’image revisitée et réactivée par l’œil iconoclaste et la main ravageuse du poète fait son œuvre. Le monde d’après, c’est celui qui est dessiné ici et maintenant…

 #34  Martinet & Texereau

C’est un joli duo d’artistes que forment Pauline Martinet (née en 1987) et Zoé Texereau (née en 1986), toutes deux diplômées de l’ENSAD Paris. Dessinant à quatre mains depuis 2008, elles élaborent une réflexion distancée sur les images du quotidien et le paysage urbain, et notamment l’architecture pavillonnaire américaine californienne des années cinquante. 

Si elles ont jeté leur dévolu sur le dessin, et à présent, sa transposition colorée dans des tapisseries réalisées à la machine à coudre, c’est que ces deux techniques permettent les corrections et les retours en arrière facilitant un travail collaboratif. 

Dessinés à la mine graphite sur papier avec une méticulosité presque glaçante, campés dans des cadrages très frontaux et dépourvus de toute présence humaine, leurs paysages aseptisés troublent le regard après l’avoir accroché et infusent le doute : trop parfaits pour être vrais, trop lisses et trop impeccablement tracés…, ces maisons d’architecte, ces piscines et ces halls d’hôtels vides, ces pans de mur ou d’étoffes esseulés, ces transats désertés et ces oreillers cabossés…, que cachent-ils dans le repli de leurs minces sillons ? quel secret se mure en leur silence ? quels drames ont abrité ces lieux habités par l’absence ? quelles fictions lit-on en ce temps suspendu au trait du crayon ? Suspens…

Le dessin comme une mise en abîme des non-dits ensevelis sous les lieux communs ? Révélant en creux « l’inquiétante étrangeté » de l’ordinaire tapie sous l’image stéréotypée et le factice…, ces belles feuilles ne laissent de nous troubler…

 #43  Odonchimeg Davaadorj

Des corps flottants ouverts ou tronqués, des papillons aux ailes délicatement perforées, des visages-nids, des femmes-oiseaux et des paupières en fleurs… Tout de transparence et de délicatesse, le monde onirique et organique d’Odonchimeg Davaadorj, jeune artiste née en Mongolie, installée depuis dix ans à Paris, est une exploration poétique du corps humain vu comme une allégorie du vivant : l’encre de Chine rouge sang y fait couler des rivières et pousser des vaisseaux semblables à des branchages ; des bouches et des paupières fleurissent des pousses végétales ou s’écoulent des fils à broder rouges ; des couleurs volcaniques viennent consumer le corps des amants, des bleus aqueux adoucir nos blessures et réveiller nos rêves, des blancs grisâtres mourir sur des visages d’enfants…

De Louise Bourgeois à Kiki Smith, de Francesco Clemente à Barthelémy Toguo, en passant par Sandra Martagex, on y voit de nombreuses résurgences, mais aussi poindre de nouveaux horizons, notamment par l’usage rapproché que cette belle exilée fait du dessin, de la poésie et de la performance : A suivre de près…

              Odonchimeg Davaadorj : un visage sculpté à l’encre de Chine…

Née en 1990 en Mongolie, Odonchimeg Davaadorj a obtenu un DNAP et un DNSEP à l’École nationale supérieure d’Art Paris-Cergy (ENSAPC). Son travail a été montré au Salon de Montrouge, au CAC Meymac, au CAC La Traverse d’Alfortville et au Transpalette et au Palais de Tokyo, où elle a réalisé une performance en 2013. Elle est lauréate de plusieurs prix, dont celui de l’ADAGP du Salon de Montrouge, et est nommée au Prix Drawing Now 2021. Elle est représentée à Bruxelles par la galerie DYS et par Blackslash à Paris. 

ARTISTES INVITES

 #38  François Réau 

Qu’il dessine avec des branchages, des crayons ou des néons (comme lors de sa résidence inspirée à l’abbaye de Fontevraud), François Réau déroule son fil d’Ariane dans le labyrinthe des sens, à la lisière du visible et de l’invisible, entre les infra-mondes et les supra-mondes, dans l’antre des gisants et l’immensité des ciels constellés…, déroulant l’écheveau des lignes de vie depuis les tiges nervurées enroulées en volutes des feuilles d’acanthe, le frémissement des feuillages ou le vrombissement des nuages, jusqu’aux segments tracés entre les points marquant chacun des astres composant les constellations sur les cartographies célestes. 

Dépassant le clivage abscons (et dépassé depuis des siècles…) entre abstraction et figuration, le dessin est ici pleinement à la fois dessin (dans son élaboration minutieuse et méticuleuse) et « dessein », « dans sa définition propre de projet, d’intention », nous dit l’artiste évoquant le subtil double sens du précieux disegno italien. 

Qu’il se réduise à une « abstraction en trois points et deux traits », comme celle représentant la constellation du Compas (à partir de laquelle est né le projet de sa prochaine exposition Circinus programmée au Drawing Lab en 2022), ou qu’il se déploie dans une installation de sarments de vigne autour des gisants d’Aliénor d’Aquitaine et de Richard Cœur de Lion en l’abbatiale de Fontavraud *, le dessin est toujours pour François Réau à la fois le cœur battant et la colonne vertébrale de tout son travail – une Drawing Machine, pour reprendre le titre de l’une de ses performances réalisée en 2017 dans une réserve naturelle d’Australie. Il est son fil d’Ariane, le filigrane de ses labyrinthes, sa matrice…, le fondement de sa « cosmogonie poétique » et de sa perception de la structure du temps (dont il dessine les strates par les passages successifs du crayon sur des grands pans de papier ou de mur entièrement crayonnés, évoquant quelque planches géologiques monochromes). 

Matrice structurelle du campus stellae, le « champ des étoiles » qui guidait les pèlerins, le dessin est pour lui le champ de tous les possibles, de la rencontre du réalisme et de l’abstrait, de l’Histoire et de la fiction ou de l’imagination, de la présence et de l’absence, du vide et du foisonnement, du déterminé et de l’indéterminé, de l’aérien et du tellurique… Et de nous citer Pétrarque : « Il y a de la présence dans l’absence. »  De quoi rêver et méditer longtemps devant ses dessins/desseins semblant toujours contenir une parcelle d’infini, ouvrir sur un au-delà, par-delà la feuille ou le mur….

* « Mirabilia – Variation poétique autour des Plantagenêt », œuvre immersive conçue et réalisée lors d’une résidence-création à l’abbaye royale de Fontevraud de février à juin 2019. 

Né en 1978, François Réau a suivi une double formation en Arts appliqués et aux Beaux-Arts de Poitiers. Il a fait l’objet de nombreuses expositions et résidences en France et à l’étranger. Finaliste du Prix « Talents Contemporains » de la Fondation François Schneider en 2015 et 2016, ses oeuvres et installations ont été exposées dans le cadre de Lille3000, Mons 2015 Capitale européenne de la Culture, au Guoyi Art Museum de Pékin, mais également au Palais de Tokyo à Paris en 2016. Il a montré son travail au Musée Saint Roch à Issoudun, à la Eildon Gallery à Melbourne ou encore à la Kunsthal Charlottenborg de Copenhague. Il prépare actuellement plusieurs projets notamment au Domaine de Chaumont sur Loire, au Domaine de Kerguéhennec et au Drawing Lab Paris pour 2022. 

Une exposition personnelle (« Les Ombres que tu crées n’ont pas droit à la nuit ») lui est consacrée jusqu’au 23 mai à Bruxelles (Eleven Steens, 11 rue Steens, à Saint-Gilles).

 Entre végétation et abstraction, work in progress dans la chambre-atelier de François Réau, l’un des deux invités de la Drawing Factory.

 #40  Raphaëlle Peria

Un petit oiseau en perdition dessiné à même le mur, au bord de la fenêtre de la lumineuse chambre allouée à Raphaëlle Peria, tient compagnie à la deuxième invitée de la Drawing Factory. 

Grattages, Degrés de Paysages, Fragments amnésiques, Narcissus in flores, Fluo Bleaching…, les titres des expositions personnelles de Raphaëlle Peria en disent long sur son univers poétique et ses zones d’intervention. Dans son travail, à la croisée de la photographie, de la sculpture et du dessin, il est question de territoires et de paysages, de ruines et d’ensevelissement, de sécheresse et d’inondation criminelles, de détournements d’eau et de trafics d’oiseaux, de forêts ou de coraux en péril… 

Ayant mis au point une technique de grattage de l’image photographique, moins pour effacer l’image, la trace mémorielle, que pour lui redonner de l’épaisseur, la faire revivre en faisant ressurgir sa matière, en ramenant « la matière sur la matière », elle réfléchit actuellement à un procédé inverse : un projet de photographies non plus gravées dans l’épaisseur du papier glacé – faisant ainsi apparaître sa blancheur sous-jacente –, mais ensevelie sous de la cire de palme…  

De même qu’avec ses grattages faisant disparaître les couleurs de l’image en faisant apparaître le blanc du papier, le recouvrement procède pour l’artiste d’un travail de remémoration : de même que sa technique de dessin par retrait (grattage) convoque la mémoire des lieux défigurés / « refigurés », de même cet enfouissement de l’image sous la matière, semble en appeler à la force du souvenir contenue dans la trace, et faire du dessin, « au-delà de la feuille et du papier », au-delà de la planéité du mur et de l’image, un objet, voire une relique.

Née en 1989 à Amiens, ayant obtenu son Diplôme national supérieur d’Expression Plastique (DNSEP) en 2014 et beaucoup voyagé, Raphaëlle Peria représentée par la Galerie Papillon depuis 2017. Finaliste de la Bourse Révélatios Emerige en 2015, lauréate du Prix Science-Po pour l’Art Contemporain et du Prix Fénéon pour l’Art Contemporain la même année. Remarquée au Salon Drawing Now 2019 avec son mur tapissé de 80 dessins sur photographies, elle a obtenu une Bourse d’Aide Individuelle à la Création par la DRAC Hauts-de-France pour mener à bien son projet Aridatis et Inundatio réalisé en Argentine. Elle est actuellement résidente à Poush Manifesto ainsi qu’à la Drawing Factory en tant qu’invitée. 

https://www.drawinglabparis.com/drawing-factory/

OPEN STUDIOS / Journée ouverte à tous, entrée libre. 

• SAMEDI 29 MAI 

• SAMEDI 3 JUILLET 

• SAMEDI 11 SEPTEMBRE

LES ARTISTES INVITÉS PAR LE CNAP À LA DRAWING FACTORY :

  • Pooya ABBASIAN
  • Ethan ASSOULINE
  • Fabrice CAZENAVE
  • Camille CHASTANG
  • Dalila DALLEAS BOUZAR
  • Odonchimeg DAVAADORJ
  • Chloé DUGIT-GROS
  • Camille FISCHER
  • Gabriel FOLLI
  • Éléonore GEISSLER
  • Juliette GREEN
  • Marie HAVEL
  • Gabrielle KOURDADZÉ
  • Boris KURDI
  • Vanina LANGER
  • Gaspard LAURENT
  • Benjamin LAURENT-AMAN
  • Shuo HAO
  • Matthias LEHMANN
  • Thomas LÉON
  • Claire MALRIEUX
  • Pauline MARTINET & Zoé TEXEREAU
  • Audrey MATT-AUBERT
  • Chloé POIZAT
  • Clovis RÉTIF
  • Araks SAHAKYAN
  • Thibault SCEMAMA DE GIALLULY
  • Quentin SPOHN
  • Louise VENDEL
  • Maxime VERDIER

SONT ÉGALEMENT INVITÉS PAR LE DRAWING LAB PARIS :

  • Raphaëlle PERIA
  • François RÉAU

Le COMITE DE SELECTION de la DRAWING FACTORY est constitué de : 

  • Sandra Hegedüs, fondatrice de SAM Art Projects et collectionneuse
  • Florentine Lamarche-Ovize, artiste 
  • Christine Phal, présidente de DRAWING NOW Art Fair et fondatrice du Drawing Lab Paris
  • Juliette Pollet, responsable de la collection arts plastiques du Centre national des arts plastiques (Cnap)
  • Béatrice Salmon, directrice du Centre national des arts plastiques (Cnap)
  • Guillaume Dégé, artiste
  • Philippe Piguet, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant 

CONTACT

Steven Vandeporta
Drawing Lab Paris
steven.vandeporta@drawinglabparis.com
+33 (0)1 73 62 11 17
http://www.drawinglabparis.com

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