
Vivre une expérience qui réunit les arts du design, de la gastronomie et de l’oenologie dans un cadre enchanteur
Arrivée gare d’Epernay, je me retrouve sur la célèbre avenue de Champagne, les maisons plus belles les unes que les autres défilent sous mes yeux. Je suis sur les Champs-Elysées de Champagne, sous mes pieds des millions de bouteilles y sont entreposés , parfois des trésors inestimables.
1811, Epernay, Pierre-Nicolas Perrier et Rose-Adélaide Jouët
Retour deux siècles plus tôt , en 1811, Pierre-Nicolas Perrier et Rose-Adélaide Jouët se lient pour l’éternité , l’alliance de leurs deux noms donnera naissance à la prestigieuse maison de Champagne Perrier-Jouët. Ce champagne sera servi dans toutes les cours d’Europe, en particulier la cour impériale de Russie. Vous aurez noté le petit clin d’oeil à la décision récente de Vladimir Poutine de réserver l’appellation “champagne” au vin pétillant russe : le goût de la clientèle russe pour le champagne, qui fait son succès dans l’ancien empire des Tsars, ne se résume heureusement pas seulement à une question d’étiquette mais de qualité, de savoir-vivre et raffinement. Luxe, calme et volupté, dans l’Invitation au voyage de Baudelaire.
Art Nouveau, liberté, nature et Champagne
Près d’un siècle plus tard, en 1902, Octave et Henri Gallice, neveux de Charles Perrier Jouët, dirigent depuis quelques années la Maison. Nous sommes à la belle époque, un nouveau mouvement sévit dans toute l’Europe dont un des acteurs reconnus est Emile Gallé à l’origine de l’école de Nancy, c’est l’Art Nouveau qui puise son origine dans l’Arts & Crafts anglais apparu vers 1880, en réaction à l’industrialisation des arts et du goût. L’art Nouveau c’est une envie de nature, de légèreté, de liberté et le champagne fait aussi partie de la fête, de ce nouvel art de vivre. Les deux frères ne sont pas indifférents à cette nouvelle mode et c’est naturellement qu’ils demandent à Emile Gallé un décor pour leurs bouteilles, ce dernier crée ce dessin d’anémones. Depuis la découverte par hasard par leur chef de cave, en 1964, de quatre bouteilles dessinées par Emile Gallé, ces fleurs sont définitivement devenues l’emblème de la Maison.
La nature a toujours été l’inspiratrice de la maison Perrier-Jouët, son fondateur avait fait des études de botanique et faisait même pousser une rareté de l’époque, des ananas.
L’art est l’essence de cette Maison et fait partie intégrante de cette expérience Perrier-Jouët. La directrice de la création, Axelle de Buffevent continue à faire perdurer cette tendance en faisant appel à des designers d’aujourd’hui, la Maison est restée très ancrée dans l’art Nouveau et le choix s’est porté sur le design, le mot a été utilisé en 1927 pour la première fois pour décrire ce style, cette nouvelle mode.
Axelle de Buffevent, directrice de la création
« La Maison Perrier-Jouët commissionne chaque année un talent créatif pour faire vivre
son héritage Art Nouveau – un mouvement auquel elle est étroitement liée – sous le
prisme du 21ème siècle. Cela illustre le dynamisme créatif que cultive la Maison depuis plus de deux siècles et la pertinence culturelle avec laquelle elle s’exprime ».
Belle Epoque Society
Belle Epoque Society, cette expression nous fait revenir un siècle en arrière, les grands bals parisiens, l’insouciance, les courtisanes célèbres, les écrivains, les mécènes. C’est le décor planté par Proust pour sa Recherche du Temps perdu ou comment la description entomologique d’une micro-société peut atteindre l’universel. C’est l’époque de la duchesse de Guermantes ou de la comtesse Greffulhe, dans sa modernité exprimée par ce portrait par Otto où, à l’imitation de la comtesse Castiglione, sa tête émerge, masquée, d’une robe de mousseline et de plumes. “Belle Epoque Society” constitue ainsi le contrepoint parfait de “Paris 1900”, la vaste exposition conçue par Christophe Leribault au Petit Palais pour célébrer le Paris de la Belle Epoque, de l’exposition universelle et de l’Art Nouveau.
La belle Epoque était le slogan choisi par Perrier-Jouët, c’est le nom des cuvées millésimées et aujourd’hui le nom de la maison de famille Belle Epoque qui possède la plus grande collection d’Art nouveau privée d’Europe. Entièrement repensée, meublée et décorée par un mobilier et des objets d’art Art Nouveau, jusqu’aux rideaux fabriqués dans des tissus réalisés dans des ateliers lyonnais à partir de dessins d’origine et selon le mode de fabrication de l’époque.
Vivre une expérience qui réunit le vin, l’art et la nature, c’était déjà ce que les deux fondateurs avaient imaginé, les belles réceptions, un décor raffiné, les belles lettres… Leur fils Charles construit en 1952, le somptueux château Perrier de style Renaissance, aujourd’hui devenu le musée du champagne, il se trouve juste à côté de la première maison qu’ils jugea sans-doute un peu “étroite” ! C’est pourtant cette dernière au charme enchanteur qui détient cette collection unique réunie par l’historien Benjamin Loyauté avec l’aide des experts marchands parisiens Jean-Pierre Camard et Félix Marcilhac.
Art nouveau / 4 critères :
- Inspiration : la nature et ses processus
- Créé à la main
- Injecter du beau dans le quotidien
- Pas de frontière entre les disciplines
“Petit monstre !! mais vous avez fait une horreur !!”
Une jolie robe, un verre diabolo réversible 1900 à la main* , je parcours les pièces de la maison, j’essaie un fauteuil Majorelle à décor d’escargots, sur la commode une ravissante lampe sculpture de la Loïe Fuller en bronze de François Raoul Larche est posée, je m’amuse à lire la dédicace d’Yvette Guilbert sur une peinture de Toulouse Lautrec “Petit monstre !! mais vous avez fait une horreur !!”.
*nom du verre Diabolo : La Cabane de Joséphine, en verre soufflé avec un dégradé de couleurs, créé entre 1898 et 1902.
Les personnages d’un autre temps resurgissent les uns après les autres en attendant le dîner, co-création de Pierre Gagnaire et de Sébastien Morellon, son ancien bras droit. Il est servi dans la salle à manger aux murs tendus de cuir de Cordoue, avec comme ornement une sculpture en chryséléphantine (bronze et ivoire) de Barrye “La nature se dévoilant à la science”. Cette phrase pourrait être la devise du dîner, qui n’est autre qu’une déclinaison de ce qu’offre la nature, les mets délicatement réfléchis par le chef s’accordent aux millésimes rares qui les accompagnent. Je suis sous le charme de la chef de caves Séverine Frerson qui nous emporte dans ses allégories, à propos d’un cru 2004 tout en nous apportant ses connaissances :
Séverine Frerson
“Le format magnum est le format de garde où on a toutes les expressions des arômes, c’est le contenant le plus adapté à vieillir dans les caves, on a le meilleur ratio entre le volume d’air et le liquide. On retrouve cette signature 2004 avec ce côté vivacité, tension, minéralité. C’est un peu l’image d’un étalon sur une plage au galop, ce côté aérien, frais, tout en tension et en finesse”
Sébastien Morellon
« Je laisse ma liberté créative s’exprimer autour du produit que je transforme le moins possible afin de respecter sa saveur originelle. Au Cellier Belle Epoque, les plats sont pensés pour un moment de dégustation spontané, une pause au milieu de la visite. Tandis qu’à la Maison Belle Epoque, je propose un menu en sept plats et trois accords, il faut prendre son temps pour apprécier cette cuisine plus technique, plus élaborée, ainsi que les cuvées de la Maison. Cela répond à deux envies différentes ».
Côté Cellier
Retour au cellier de l’autre côté de la rue où sont exposées les oeuvres de design conçues spécialement pour la Maison de Champagne.
Hyper Nature
Bethan Laura Wood, a sculpté un arbre Hyper Nature, 2018, l’artiste anglaise connaissait la maison par le biais du design, ce qui l’intéresse c’est la balance art nouveau et ce que l’on vit. Très attirée par la collection Art Nouveau et la palette du dessin de l’anémone d’Emile Gallé, elle s’est servie des couleurs et des différentes marqueteries qui l’ont fortement enthousiasmées. Dans la maison, elle a repéré un certain nombre d’éléments dont les vitraux à décor stylisé de fleurs, et dans le jardin, un arbre en particulier l’a touchée.
Bethan Laura Wood est partie de cette ligne coup de fouet très représentative de l’Art Nouveau et à essayé de l’interpréter de façon moderne. Dans le choix des couleurs dans la structure en aluminium elle s’est inspirée des teintes des champagnes.
A Milan elle a fait danser son arbre dans un très beau palais pendant la foire du design. À Londres elle a réfléchi au moment de Masterpiece Fair 2019, elle a pensé au grand jardin attenant en créant une serre et invité des artistes à participer à un événement gastronomique lié à la nature dans cet univers.
The Enchanting Tree
Tord Boontje, le désigner a été appelé pour réenchanter l’expérience champagne avec échange et partage, il réinterprète avec ses arbres la nature de façon onirique, les anémones blanches, le cristal des verres et les torsades en bronze s’accordent de façon très poétique. Le spectateur a l’image fugace des cerisiers en fleurs japonais, au printemps. Dans la Maison Perrier-Jouët, ce sont les verres de champagne qui accompagnent, par leur tintement, l’éclosion du printemps et le pétillement du champagne, dans une création qui mêle abstraction et figuration, au décor très surréaliste.
Ces arbres ont voyagé à l’étranger et en France.
Metamorphosis
Andrea Mancuso est le designer invité, son œuvre a été présentée à Miami en 2019 et à Shanghai , elle est l’expression d’un moment de rencontre entre le vignoble et la cave symbolisé par les 1100 tessons de bouteilles en céramique aimantés. L’artiste a également dessiné une collection de six verres. Cuve, baignoire ou “tub”, le spectateur hésite devant l’oeuvre : un bain de champagne serait ainsi séduisant pour le visiteur, à moins qu’il ne s’agisse d’un hommage à Arcimboldo avec ce kaléidoscope de couleurs.
Un ciel transparent
Ritsue Mishimade, artiste japonaise qui s’est épris de Venise et réinterprète les lumières du champagne en verre soufflé de Murano chez le verrier Vetreria Anfora, elle a créé pour Perrier-Jouët un ciel transparent.
Une designer culinaire
Laila Gohar, designer culinaire a eu de nombreuses collaborations dans le monde pour Perrier-Jouët
Il y a aussi les artistes : Daniel Arsham qui a travaillé sur la notion de transmission avec ce coffret double à décor des anémones d’Emile Galle ou encore une belle surprise dans les caves avec cette installation du studio Glithero, des stalactites perlées qui évoluent dans un jeu de miroir d’eau, cette dernière oeuvre est une installation pérenne dans les caves.
Cette visite des caves est très impressionnantes, c’est une promenade dans l’histoire de la Maison qui se poursuit avec toutes ces bouteilles, des plus anciennes au monde datant de 1825, le millésime extraordinaire…
Pierre-Nicolas Perrier et Rose-Adélaide Jouët se sont unis, il y a 2 siècles et ont écrit leur histoire, un hymne à la nature, aux sens et à la poésie, et elle ne cesse de vivre à travers cette maison, un roman d’une belle époque à 1 heure 15 de Paris.
Florence Briat Soulié
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INFORMATIONS PRATIQUES
Le Cellier Belle Epoque : un bar à champagne pour découvrir les oeuvres artistiques de la Maison avec un espace intérieur et une terrasse. Le bar propose une restauration légère en continu, les cuvées Perrier-Jouët ainsi que des cocktails.
De 11h à 21h, du mercredi au dimanche.
Pour toute information : 06 02 07 81 15
Le Cellier avec le chef : Sébastien Morellon et la chef de caves : Séverine Frerson
La Maison Belle Epoque : une cuisine gastronomique à découvrir avec un menu unique inspiré par Pierre Gagnaire – Chef ambassadeur de la Maison Perrier- Jouët, et créée et réalisée par un de ses disciples, Sébastien Morellon – Chef de Perrier-Jouët. Sept plats à déguster en accord avec les cuvées millésimées Perrier- Jouët Belle Epoque. 250€ par personne.
Ouverture fin juillet, uniquement sur réservation.
Pour toute information et réservation : 06 74 27 05 88
La Boutique Perrier-Jouët :
Tel : 03 26 53 38 00