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Lectures de mars

PAR SEVERINE LE GRIX DE LA SALLE

La famille, cœur inépuisable de la littérature, ressource originelle de l’écriture…

Regardez-nous danser. Leïla Slimani ( Le pays des autres, 2)

Les livres du mois de mars © Séverine Le Grix de la Salle

Une conteuse extraordinaire. Quel talent. Un livre à dévorer, une famille à aimer, un pan de notre histoire à découvrir intimement dans le Maroc de l’après-guerre. Nous retrouvons Mathilde et Amine et leurs enfants Aïcha et Selim,  devenus grands. Leurs ambitions, leurs rêves, leurs tourments épousent ceux d‘un nouveau Maroc indépendant et ceux, si ambigus, de la France postcoloniale. On a beaucoup dit de ce livre qu’il dénonçait le poison colonial, je l’ai juste aimé parce qu’il est universel, épique, romanesque. Et que cette famille, c’est nous.  Et pour ceux qui n’ont pas lu le tome 1, attendez le tome 3 pour les lire tous d’un coup !

Leïla Slimani

Regardez-nous danser.

Collection Blanche, Gallimard

Continuer. Laurent Mauvignier

Prenez un couple qui va mal, une mère dépassée, un adolescent tourmenté. Isolez la mère et l’enfant. Regardez la mère sortir ses griffes et tenter le tout pour le tout. Envoyez la mère et l’enfant traverser le Kirghizistan à cheval. Et observez l’amour qui lutte dans un western prodigieux. Extraordinaire épopée. 

Laurent Mauvignier

Continuer

Enfant de salaud. Sorj Chalandon

Pas facile d’avoir un père collabo et mythomane. Encore moins quand on est grand reporter engagé, couvrant le procès de Klaus Barbie. De cette schizophrénie, Sorj Chalandon a tiré un grand roman déchirant. Au plus près de l’écriture journalistique et de l’intime, on est détruit avec lui lorsque son admiration d’enfant pour un prétendu héros s’effondre. Epuisé avec lui par les mensonges de son père qui se confronte au réel en s’introduisant dans le prétoire, pour mieux s’en abstraire par la  provocation. Et pourtant, on repêche avec lui cet homme lorsqu’il menace de se laisser sombrer dans le Rhône. On hésite un peu, mais un papa, c’est toujours un papa.

Sorj Chalandon

Enfant de salaud

Grasset

Over the rainbow. Constance Joly 

Une toute petite fille devenue grande accompagne son père mourant du sida. Enfant, elle se débat avec les mots qu’elle n’arrive pas à prononcer  et que personne ne prononce autour d’elle pour expliquer la séparation de ses parents, le départ de son papa. Elle met ses mots en paravent pour se protéger des amitiés qui se détournent lors d’une adolescence plus crue que les autres. Elle pose dans ces mots tout ce qu’il faut pour ne pas sombrer de chagrin. Mots gais, phrases courtes, c’est simple, joli, touchant. Et sincère : « J’écris pour ne pas tourner la page. J’écris pour inverser le cours du temps. J’écris pour ne pas te perdre pour toujours. J’écris pour rester ton enfant ». La littérature, les mots, pour rendre éternels ceux que l’on aime malgré tout et plus que tout. Et bien sûr, on pleure.

Constance Joly 

Over the rainbow

Flammarion

Leur domaine. Jo Nesbo

Un polar nordique un peu étrange, lent, oppressant. Meurtres en série,  étouffés par le froid. Perpétrés par deux frères que l’on se prend à comprendre, tant les relations familiales sont toxiques. Avec des retournements géniaux, des suspenses morbides, un huis clos digne d’Abel et Caïn téléportés en Norvège. 

L’enfant réparé. Grégoire Delacourt«J’aurais voulu parler de ce qu’il a y eu aussi parfois de la joie à avoir été cet enfant-là ». Récit d’enfance détruite par l’inceste, récit d’une vie jamais cicatrisée, que les mots, encore eux, ceux

que l’on dépose chez un psy, ceux que l’on trace sur une feuille, ceux que l’on laisse deviner dans le noir, aident à traverser. Récit d’une vie d’écrivain, qui n’osait pas ou ne pouvait pas se brûler dans ses livres précédents. Petit livre d’une sincérité bouleversante. 

Jo Nesbo

Leur domaine

Série Noire, Gallimard

Son fils. Justine Levy

Sait-on ce que c’est d’être la mère d’Antonin Artaud, la mère d’un fou, aussi génial soit-il ? Justine Lévy, dans une langue hachée et impatiente,  accompagne cette mère dans son combat, son déni, son amour déchirant, son instinct de protection hors du commun… ou sa folie, aussi. Et cette lancinante question, cette culpabilité acide traverse le roman: est-ce la chute, quand tout petit,  il lui avait échappé, la mort de sa sœur étranglée par la bonne devant lui, la syphilis ou la méningite , le mariage entre cousins ? Face à la terrifiante scène finale, où Artaud,  pauvre ère, est exhibé au théâtre par ses amis Gide et Breton comme une pièce d’art brut pour faire frémir le tout Saint Germain des Prés, ressurgit cette phrase qu’il jeta à sa mère quelques pages auparavant : « Ma chère enfant,  je n’invente pas de mots,  je parle la langue de Dieu ».Et si c’était la seul explication ? 

Justine Levy

Son fils

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