“Only the best is good enough for me”
Calouste Gulbenkian (1869-1955)
Entre Lisbonne et Paris, j’ai pu voir deux facettes de cette fameuse fondation Calouste Gulbenkian, celle de la collection fastueuse de l’homme Gulbenkian par lui même : dans l’intimité d’un collectionneur à l’Hôtel de la Marine et son rôle de transmission de la culture à travers ses collections exceptionnelles dans sa fondation à Lisbonne, les expositions en cours, la bibliothèque, les centres de recherche et tout ce qui contribue à faire aimer la culture.
Lorsque j’avais visité cette exposition Calouste Gulbenkian (1869-1955) dans l’intimité d’un collectionneur à l’Hôtel de la Marine, sur une invitation de la Collection Al Thani, on pouvait alors imaginer les fastes de cette collection, cette peinture de Nattier à notre arrivée, l’argenterie qui avait appartenu au comte Orloff favori de Catherine II de Russie, une coupe en porcelaine de Sèvres du service commandé par Louis XVI, dont chaque décor avait été désiré par le roi de France qui malheureusement n’en verra jamais la couleur et pour cause, la révolution.
A chaque instant, cette beauté fut le seul objet de sa convoitise, l’oeil aiguisé, Calouste Gulbenkian disait qu’il fallait mieux regarder un seul objet dans un musée que de vouloir tout voir et d’en garder un souvenir confus. Et cette collection est à cette image, ce n’est pas le nombre mais l’exception artistique de l’oeuvre qui en est la marque de fabrique. Un collectionneur plutôt attiré par l’ancien à l’exception des créations de René Lalique qui deviendra son ami, il possède la partition de la Walkyrie dont la couverture en ivoire, argent et maroquin a été réalisée par Lalique ainsi que ce merveilleux diadème coq acquis en 1904 directement auprès de l’artiste.
Monsieur 5%
Le collectionneur était surnommé Monsieur 5% car il percevait ce pourcentage des revenus de tout le pétrole irakien le portant au rang d’homme le plus riche du monde. Toujours en quête d’excellence, il avait de nombreux collaborateurs qui recherchaient pour lui à travers le monde ces trésors.
Très malin, ce négociateur hors pair savait saisir l’instant et après l’effondrement de l’empire russe, il fut présent, lorsque le régime soviétique décide de vendre de nombreuses oeuvres ayant appartenu à la cour de Russie. On a retrouvé une lettre de lui à ce nouveau gouvernement où il est à la fois moralisateur sur le fait de se séparer des bijoux de famille, tout en ne perdant pas le Nord et les laissant entendre qu’il était près à négocier tous ces chefs-d’oeuvre. Il fera entre autres, l’acquisition des magnifiques terrines en argent, présents de Catherine II de Russie à son favori le comte Orloff.
Homme solitaire, secret, il ne partageait pas cette immense collection avec sa famille, elle n’était que pour lui, femme et enfants étaient secondaires, à un point tel que sa fille Rita fit une fête sur le trottoir jouxtant son fabuleux hôtel particulier de l’avenue d’Iéna !
Toute sa vie, il conserve cette âme de collectionneur oriental et gardait en lui ses souvenirs d’enfance sur les bords du Bosphore, ses tentures ottomanes damassées de fils d’or, ce tapis rare du 16e siècle perse à décor d’arabesques, animaux témoignent de sa fidélité à ses origines.
Lorsque Calouste Gulbenkian découvre le Portugal, il s’y installe et passe les treize dernières années de sa vie à Lisbonne. Sa décision est alors prise, ce ne sera ni la Grande-Bretagne, ni la France qui conserveront ses trésors et sa future fondation, elle sera à Lisbonne.
Tous ces objets d’art de son Hôtel, avenue d’Iéna et d’ailleurs partiront sur place. Le ministre de la culture de l’époque André Malraux, comprit très vite l’importance de ne pas diviser cette collection et la laissa partir sans difficulté.
La fondation a été inaugurée à Lisbonne en 1969, plus d’une dizaine d’années après la mort de Calouste. Construite par les trois architectes désignés Ruy Jervis d’Athouguia , Pedro Cid and Alberto Pessoa. Le bâtiment en béton s’intègre parfaitement dans la nature autour des arbres remarquables, les cours d’eau du parc, celui-ci possède également un amphithéâtre de ce même matériau. C’est une architecture très novatrice de cette époque. A l’intérieur l’acoustique des auditoriums est exceptionnelle.
Un jardin à ma façon
A ce collectionneur qui avait voué sa vie à l’art il ne manquait qu’une chose, celui de sauter le pas et devenir à son tour artiste en créant sa propre oeuvre. Lorsqu’il avait visité les jardins Retiro à Malaga, ce fut une révélation, et grâce à sa relation avec l’écrivain Saint John Perse, il a eu cette occasion à 4 km du centre de Deauville. Ce sont ces 33 hectares du domaine des enclos de Berneville, acquis en 1937, on peut y voir ces arbres lyre, je me souviens de celui très spectaculaire photographié par Charlotte Bovy. Il put ainsi réaliser son oeuvre et jusqu’à sa mort il y consacrera son temps et pour cela il choisit Achille Duchêne le célèbre paysagiste avec qui il entretiendra une correspondance très détaillée.
MUSEE CALOUSTE GULBENKIAN
Av. De Berna 45A, 1067-001 Lisbon
Lisbonne
Photo : Couverture du catalogue de l’exposition à l’Hôtel de la Marine :
Gulbenkian par lui-même : dans l’intimité d’un collectionneur
Éditions du patrimoine