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« Tous les tableaux de Vermeer ont une sensualité lumineuse »

Johannes Vermeer, Rijksmuseum

Amsterdam / Vermeer, deux mots qui nous enchantent.

Johannes Vermeer. La Laitière, vers 1658-1659, huile sur toile. 45,5 x 41 cm. Amsterdam, Rijksmuseum

Je me souviens au Louvre de cette exposition en 2017, les tableaux de Vermeer se reconnaissaient immédiatement comme une évidence. Cette lumière si spéciale, les compositions de ces intérieurs, la fenêtre, le rideau, les personnages avec ce regard si mystérieux. Tant de beauté éblouissante, si attirante, chaque exposition liée à ce peintre est un évènement mondial et encore plus à Amsterdam au Rijksmuseum, les prêts extraordinaires des trois tableaux de la Frick Collection. 28 oeuvres sont exposées sur les 37 existantes, la jeune fille à la perle, la femme à la balance. la vue de Delft, le géographe sont présents, l’astronome, lui, est resté au Louvre Abou Dabi, .. manque à l’appel également l’Art de la peinture que l’artiste conservera toute sa vie, une ode à la peinture, mais ces quelques absences ne sont pas si graves, nous sommes si comblés par une telle exposition.

L’énigme Vermeer

Chaque peinture est une énigme que tant d’historiens de l’art ont tenté de déchiffrer en vain. Nous sommes fascinés par chaque détail, tout est absolument précis, la dentelle d’un vêtement, la marqueterie d’un meuble, un simple accessoire, l’aspect des tissus, des matières. Le temps qui passe, les regards des personnages, et cette lumière particulière sont autant d’éléments qui nous retiennent dans ses peintures. Curieusement, on ne connaît aucun dessin préparatoire de Vermeer.

Une sensualité lumineuse

Jacques Darriulat parle «  d’une éternisation, d’un temps arrêté qui va au delà de la photographie » il dit aussi que  » tous les tableaux de Vermeer ont une sensualité lumineuse »

Naissance à Delft

Johannes Vermeer. Vue de Delft (1661), huile sur toile, 96,5 × 115,5 cm, Mauritshuis, La Haye.

Johannes Vermeer est né en 1632 à Delft, lorsqu’on se penche sur sa biographie, il semble avoir eu une vie très paisible, converti au catholicisme lors de son mariage, bon père de famille de 11ou 15 enfants, un bon chiffre comparé au nombre de ses tableaux.

De son vivant, Vermeer était déjà célèbre, les collectionneurs privés s’arrachaient ses tableaux, les prix s’envolaient déjà. Pieter van Ruijven en possédait plusieurs et fut un très fidèle mécène du peintre. Celui-ci peint très lentement, la réalisation d’un toile peut prendre plusieurs mois, Tout ce succès de son vivant ne suffit pas, beaucoup de lacunes dans la gestion de sa carrière, à la fin de sa vie Vermeer est criblé de dettes, une vente aux enchères est organisée après sa mort et sa femme doit laisser partir L’art de la peinture.

Aujourd’hui toutes les oeuvres appartiennent à des institutions sauf une la Jeune fille assise au virginal, propriété du milliardaire philanthrope américain Thomas Kaplan, fou de Rembrandt également, toutes ses oeuvres voyagent sans cesse pour être confiées à des musées pour des expositions.

Johannes Vermeer Femme assise devant son virginal, c. 1670-1672,45,3 x 50,8 cm National Gallery, Londres

La renaissance du « Sphinx »

Au début du XIXe siècle, l’historien d’art Théophile Thoré-Bürger (1807-1869) découvre La vue de Delft de Vermeer acquise en 1822 par le musée Mauritshuis de La Haye, il a un vrai coup de foudre, l’artiste était complètement tombé dans l’oubli à sa mort, pour le grand public. Thoré-Bürger le surnomme le Sphinx, il organise une première exposition de ses oeuvres.

Les écrivains s’enthousiasment pour l’artiste. Bergotte, un des personnages de La Recherche du temps perdu de Proust meurt devant La vue de Delft et plus précisément devant un détail « le petit pan de mur jaune ».

Vermeer utilisait-il la camera obscura ou chambre noire? cet instrument d’optique réalisé à partir d’une boîte noire ou d’une pièce complètement dans la nuit et un trou percé dans une des cloisons, un procédé permettant de voir en deux dimensions en projetant une lumière, l’ancêtre de l’appareil photo. Encore un des mystères qui entoure le peintre et qui passionne les historiens et même un autre peintre contemporain, David Hockney. Il en est convaincu, après s’être penché sur cette énigme et une enquête minutieuse avec le physicien Charles M. Falco sur la façon de procéder des artistes de cette époque qui on le sait s’intéressaient aux instruments d’optique. Il publie un livre Savoirs secrets Les techniques perdues des maîtres anciens.

« Ce qui me fascine c’est ce regard pur dépouillé stérilisé rincé de toute matière, d’une candeur en quelque sorte mathématique ou angélique ou disons simplement photographique, mais quelle photographie , en qui ce peintre reclus à l’intérieur de sa lentille capte le monde extérieur . On ne peut comparer le résultat qu’aux délicates merveilles de la chambre noire et aux premières apparitions sur la plaque du daguerréotype de ces figures dessinées par un crayon plus sûr et plus acéré que celui de Holbein, je veux dire le rayon de soleil. La toile oppose à son trait une espèce d’argent intellectuel , une rétine fée , par cette purification, par cet arrêt du temps qui est l’acte du verre et du teint, l’arrangement extérieur pour nous est introduit jusqu’au paradigme de la nécessité. »

Paul Claudel

Il ne vous reste plus qu’à filer à Amsterdam, attraper au vol une place oubliée et rêver devant ces fabuleuses peintures.

Florence Briat Soulié

VERMEER

La plus grande exposition jamais réalisée

10 février – 4 juin 2023

RIJKSMUSEUM

Museumstraat 1
1071 XX Amsterdam

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