Art Basel 2018
Oui! Art Basel offre le meilleur de l’Art Contemporain et Moderne, c’est la foire des superlatifs et le millésime 2018 ne déroge pas à la règle. Les plus grandes galeries du monde y ont présenté une sélection foisonnante de richesse et de diversité, des pièces majeurs, fortes et émouvantes. La magie opère toujours bluffante, étourdissante.

Certes, l’aspect mercantile, fondamental pour ce rendez-vous annuel, devient même caricatural; les montants en jeu y atteignent des sommets vertigineux. Les professionnels trop affairés à “vendre” ne se donnent pas le temps de la discussion artistique: le business n’attend pas. Mais c’est la règle du jeu. Les collectionneurs armés de leurs “Art advisors” se pressent pour ne pas manquer l’achat de leur oeuvre de prédilection, sans même tenter de négocier. Cependant, cette frénésie, très palpable, participe à l’excitation, et cette course folle n’enlève rien à l’émotion intense que l’on ressent devant les oeuvres de toute beauté.

Unlimited en quelques oeuvres..
Comme chaque année, j’aime commencer Art Basel par une immersion dans la monumentalité des oeuvres de la section Unlimited. Les artistes peuvent y laisser exploser leur créativité en grand format, donner libre cours à leur inspiration débordante, dans un espace hors norme. Ceci sous la tribune signée Daniel Buren, qui crée un chemin aérien, offrant un point de vue différent sur les créations exposées.
Dès l’arrivée, des Yeux inquisiteurs me scrutent. Devant eux, des ilots de coussins, représentant 9 signes Chinois, servent d’assise aux visiteurs. Devant eux des écrans présentent les vidéos des performances passées de l’Artiste. Mario Cristiani, l’un des géniaux Fondateurs de la galerie Continua, me commente l’installation. Avec son oeuvre multimedia “I miss Socialism, maybe…”, Nedko Solakov dénonce la persistance du Socialisme dans la société Chinoise, qui lui rappelle celui de son enfance en Bulgarie… Big Brother is Watching you!!

Spectaculaire ! A l’intérieur d’un salle obscure, je découvre une immense boule, dont le métal cuivré attrape la lumière. En m’approchant, je m’aperçois, qu’elle est entièrement constituée de véritables balles…pas moins de 40.000 au total! C’est en réaction aux nombreuses fusillades meurtrières aux USA, que Robert Longo a conçu cette oeuvre saisissante -Death Star II- . Une allégorie frappante de la violence d’aujourd’hui.
Une bien belle Utopie… Contre la violence, il y a la paix, la résilience de la vie, la réconciliation des peuples. Avec son immense fresque picturale, Barthélémy Toguo fait un geste de mémoire du terrible génocide des Tutsis dans les 90’s. Il y incarne l’espoir d’un retour de la paix, avec son grand oiseau protecteur réunissant les hommes du monde entier.

Méditation poétique de Lee Ufan qui, avec sa grâce inimitable, présente un champ de fils de fer sur une terre de sable. La coexistence esthétique du matériau industriel et de la nature. Tellement beau, que je pourrais rester des heures à le contempler..

Mon grand coup de coeur va à la délicatesse et à la pureté de “Ttéia 1”, présentée par Lygia Pape. L’Artiste Brésilienne a tissé une sculpture imaginaire de fils d’or qui redessinent l’espace en un chemin subtil … Magique!

Un peu plus loin, j’admire la grâce infinie des longues tiges de bois, au mouvement aérien, d’Ana Lupas.

Mon Best-off d’Art Basel
Après les impressions spectaculaires d’Unlimited, il est temps pour moi de rejoindre le temple des galeries d’Art Moderne et Contemporain d’Art Basel.
Une entrée haute en couleur… Je retrouve avec grand plaisir les couleurs vivaces et énergisantes des oeuvres tissées de Sheila Hicks. J’en admire les combinaisons de tableaux tout comme les grandes cordes gainées, animée d’une danse rythmique. De la couleur encore chez Kamel Mennour, avec une belle sculpture de Ugo Rondinone devant un tableau rayé de Buren. Ils vont si bien ensemble que l’on ne voudrait pas les séparer… non?

Chez Chantal Crousel, c’est toute la magie de Gabriel Orozco qui apparait dans une composition en mouvement; comme si ses éléments s’envolaient dans un souffle de vent . Verte, si verte, comme la liane dont elle porte le nom espagnol “Enredadera”. Plus loin, Alex Katz nous envoie un vibrant bouquet de tulipes rouges. C’est fou comme on identifie immédiatement sa pâte unique, même lorsqu’il ne représente que quelques fleurs!


Place aux dessins… Moi qui adore cette discipline, j’ai été subjuguée, une fois de plus, par la beauté et l’incroyable maitrise technique de mes deux artistes préférés. Tout d’abord, William Kentridge, dont je n’oublierai jamais le pigeon voyageur portant un appareil photographique, vu dans une grande foire précédente. Ici c’est un paysage fort, empreint d’une certaine violence, avec ces fils étranges et ces mats qui se dressent au milieu d’une nature indomptable.

Puis, Robert Longo dont le dessin est si précis et vivant, que ses créations ressemblent à des photos. L’oeuvre sur les réfugiés se débattant dans des eaux dangereuses est saisissante, son impressionnante et monumentale façade de la Court Suprême Américaine (3m x 3,5m), époustouflante… jugez vous-même!!


Jeux de miroirs: à quelques allées de là, je me perds au centre d’une installation d’Olafur Eliasson. L’artiste joue avec notre perception de l’espace, il nous déroute par ses jeux de formes, de reflets multiples, de matière et de vide. Génial!

Renversant! Un magnifique Baselitz chez White Cube, dont le fond, savamment neigeux, donne un air onirique au tableau …j’ai l’impression de voir les personnages flotter dans l’espace.

Craquant! L’incroyable Crabe de Roberto Cuoghi, , me tend son énorme pince énorme chez Chantal Crousel.

Toute la poésie et la fantaisie de Louise Bourgeois…je tombe en arrêt devant sa série si séduisante de 8 arbres rouges et cyans; plus loin, chez Hauser&Wirth , je contemple ses “Trois Grâces” longilignes, avant de retrouver Maman et fillette Spider qui ont attrapé une mouche dans leur toile!

Mes découvertes – coups de coeur de la foire: le Japonais Tadashi Kawamata m’a charmée avec ses “Cabanes” (Tree Hut) , qui, comme des nids délicats, s’attachent à des arbres peints; j’ai aimé une sculpture tout en cercles de Nigel Hall, une très belle photo de Jaime Casebere qui unit un graphisme architectural à une nature étrange, une incroyable table de marbre de Dorothy Cross, d’où émerge, comme sorti des eaux le mont Everest et les collages colorés graphiques et surréalistes de Mateo Lopez, chacun racontant une histoire énigmatique pleine de fantaisie .


Et parce que c’est un plaisir sans cesse renouvelé d’admirer les grands Maitres, j’aimerais terminer par quelques toiles qui nous font rêver, Soulages, Hartung, Joan Mitchell, Philip Guston, Yves Klein…
Art Basel 2018 fut éblouissante …. qu’en sera-t-il de 2019?
Caroline d’Esneval

