Christian Lapie

à la Galerie RX

par THIERRY GRILLET

Les œuvres de Christian Lapie, longues figures noires hiératiques, se dressent dans les endroits les plus divers, sur les cinq continents. Avec leur tronc de ténèbres, coiffé d’une lame de bois, elles sont à la fois fines et massives. Ces vigies de bois partagent avec les statues de l’île de Pâques, une aura métaphysique.

Elles paraissent attendre. Que regardent-elles donc ? C’est en 1992, au Brésil, invité avec d’autres artistes au moment de la conférence de Rio, que Christian Lapie éprouve un choc face à la forêt amazonienne. Il s’est installé près du rio Madeiro, pour un mois, dans la tribu des Caboclos. Jusqu’alors son travail se concentre sur des créations à dominante politique. Mais ce séjour le met en contact avec des forces d’inspirations plus sauvages.

Christian Lapie

« Je voulais faire une œuvre qui parle à tous et que je puisse faire, en quelque sorte, humblement. Prendre un bout de bois et en faire un totem. En manipulant un jour une branche, j’ai aperçu l’ombre projetée de la figure humaine. J’en fis un objet, d’un mètre de haut. Qui dégageait une présence que je ne soupçonnais pas. Je trouvais dans l’arbre, une belle image de l’homme ».

L’artiste choisit ses arbres dans les forêts gérées de la région de Champagne-Ardenne. Certains troncs enferment encore dans leur bois, des mitrailles de la Grande guerre. Il les fend à la main, avec des masses et des coins.

Christian Lapie

« Quand l’arbre s’ouvre, je vois immédiatement une proposition plastique. C’est l’arbre qui décide de la forme. Moi je ne fais que tirer parti de ce que l’arbre me donne. Je lui applique un traitement à l’huile de lin en autoclave qui donne cette couleur noire, carbonisée. Alors seulement je redresse cette ombre projetée. Ce noir c’est comme un coup de fusain dans la nature. »

Dans un temps d anxiété écologique, ces noirs totems d arbres noirs nous rappellent qu’il n y a qu’une terre et qu’il nous faut en prendre soin. Les arbres qui parlent ainsi par l’intermédiaire des troncs debout de Lapie pourraient bien être en effet ceux qui nous sauveront.

BIOGRAPHIE

Christian Lapie est né en 1955 à Val-de-Vesle en Champagne-Ardenne, dans la ferme familiale où il réside depuis 1979, après ses études à l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris. Peintre à ses débuts mêlant toute sorte de matériaux, il trouve son véritable langage artistique après une expérience fondatrice : en 1992, alors qu’il est invité à participer à une exposition collective au musée d’art moderne de Rio dans le cadre du « Sommet pour la terre », il se rend compte que son discours ironique et politique s’adresse à un monde de l’art contemporain occidentalo-centré. Il veut alors créer une œuvre qui s’adresse à tous, quelque soit la culture, le pays, « que chacun puisse faire sienne et pour laquelle on ne puisse ni donner l’origine, ni l’époque, qu’elle soit un signe symbolique universel » comme il l’exprime.

Depuis, il a installé ses grandes « figures » sur tous les continents, de l’Inde au Canada, en passant par le Japon, le Cameroun, la France… et tout dernièrement à Minorque, tissant ainsi un réseau international d’où rayonnent ces effigies protectrices et bienveillantes.