Des mises en scènes savoureuses cette semaine, en commençant par celle poétique de Jean Jacques Beineix au Lucernaire avec sa muse Kiki de Montparnasse, celle à 33% farfelue de Yann Vanderme et ses marionnettes, celle fantastique de Kuniyoshi au Petit Palais avec ses estampes ancêtres des mangas et pour terminer, si vous êtes à Marseille celle décalée de Macha Makeïeff au théâtre de la Criée où se joue Trissotin, mais dépêchez-vous, dernier acte le 17 janvier ! Quelques vernissages Ali Banisadr chez Thaddaeus Ropac, Vik Muniz à Genève Xippas galleries, François Malingrey galerie T&L.. Et pour finir surtout du rock avec David Bowie “I’m happy, hope you’re happy too I’ve loved all I’ve needed love…” Ashes To Ashes David Bowie
Théâtre – Kiki de Montparnasse – Lucernaire
Du 7 janvier au 6 mars 2016
Montparnasse, années 20, l’atelier d’un peintre, une femme enfile ses bas… Elle se souvient : Kiki de Montparnasse, “Modèle“ d’une révolution qui impose de nouveaux critères à l’art et au monde. Kiki de Montparnasse, effrontée, libre, pose nue pour les peintres Foujita, Modigliani, Soutine… Elle chante, peint, danse, anime des soirées de folie. Man Ray, l’œil exercé, “trouve son physique irréprochable de la tête aux pieds“, il en fait son égérie, elle, son amant. En un cliché, il l’immortalise. Kiki croise les poètes, les écrivains du temps, Hemingway devient son ami. De la Coupole à la Rotonde, du Jockey au Bar Dingo, muse amoureuse endiablée, de New-York à Berlin, Kiki s’étourdit, brûle sa vie et trace en lettres d’or le destin d’une légende du Montparnasse.
Note d’intention de Jean-Jacques Beineix, metteur en scène Kiki de Montparnasse est l’histoire d’une personnalité hors du commun, égérie de Montparnasse. Reinhardt Wagner, avec qui j’ai collaboré sur plusieurs films, notamment « Roselyne et les Lions » et « Mortel Transfert », m’a fait découvrir très tôt sa création musicale sur la vie de Kiki de Montparnasse dont les paroles sont signées Frank Thomas. L’originalité du projet aussitôt m’a séduit. L’envie de le mettre en scène était née. Le spectacle évoquera de manière chronologique Kiki, sa vie, ses rencontres, ses amours, ses addictions, son destin, la vie de cet inimaginable quartier du Montparnasse qui a donné envie à des artistes du monde entier de venir vivre à Paris La Bohême. Il alternera chansons et brèves scènes théâtrales*. À chaque tableau une chanson, et à chaque chanson, un tableau, en alternance, en miroir. Un certain nombre d’évocations seront ainsi mises en scène à partir des thèmes de chacune des chansons : enfance, Montparnasse, Modigliani, Man Ray, Foujita, la cocaïne, La Coupole, New-York, etc… De brèves chorégraphies orneront et sertiront certains passages des chansons, sans jamais toutefois prendre le devant de la scène. De même, dans le décor qui évoque de manière stylisée l’atelier d’un peintre, un grand tableau sur un chevalet servira de support à quelques projections vidéo, venant ainsi répondre aux textes et aux chansons. Elles n’en seront jamais une illustration directe mais une évocation poétique, ou un contre-point. Pour interpréter Kiki, Héloïse Wagner est la comédienne/chanteuse idéale. Elle chante aussi bien qu’elle joue. Elle donne au personnage une dimension singulière et unique. Force et faiblesse. Deux thèmes que l’on retrouve tout au long du spectacle. La musique sera interprétée sur scène par Rodrigue Fernandes à l’accordéon et Rémi Oswald à la guitare. Chaque chanson aura sa lumière, chaque chanson sera mise en abîme avec le décor. Kiki de Montparnasse est un spectacle ambitieux mais stylisé, simple et dépouillé afin de servir d’écrin à l’interprète chanteuse qui en est le centre. * Scènes théâtrales adaptées du livre « KIKI de Montparnasse, Souvenirs retrouvés » Éditions José Corti (2005).
Rencontre avec l’équipe artistique du spectacle le vendredi 22 janvier 2016 à l’issue de la représentation.
Mise en scène Jean-Jacques Beineix, assistant mise en scène Manon Elezaar.
Chansons Frank Thomas
Musique Reinhardt Wagner avec Héloïse Wagner accompagnée par Rémi Oswald ou Jean-Yves Dubanton et Rodrigue Fernandes.
Deux expositions sur l’estampe : “Utagawa Kuniyoshi (1797-1861) le démon de l’estampe” et “L’estampe visionnaire, de Goya à Redon” se terminent bientôt au Petit Palais.
Une très bonne idée qui permet de faire le parallèle entre deux cultures occidentale et asiatique et qui montre l’influence des japonais sur les européens.
Monet avait commencé sa collection des l’âge de 16 ans , profitant des emballages de produits exotiques débarqués du Havre . Il rassemble une grande collection d’estampes dont 12 de Kuniyoshi considéré comme l’un des grands maîtres de l’Ukiyo-e.
La deuxième partie nous montre des séries d’estampes démoniaques de Gustave doré , Charles Meyron, Odilon Redon…
“Le souffle de l’immensité traverse l’œuvre de Meyron et fait de ses eaux-fortes plus que des tableaux, des visions” Victor Hugo
C’est aussi une exposition intéressante car les techniques sont expliquées au public par des images, textes, vidéos et présentations des outils.
“Au même degré que la poésie , l’eau forte garde surtout une empreinte d’âme . C’est une des matérialités de l’art qui comportent la plus grande somme d’esprit” Armand Silvestre
Tancrède Hertzog : Dans ta peinture, tu te concentres surtout sur l’humain, que tu représentes dans des environnements très neutres, avec une atmosphère assez lourde, pour ne pas dire étrange. Que veux-tu exprimer ?
François Malingrëy : Je peins l’homme, je sonde les relations humaines car je veux exprimer quelque chose d’universel. Je veux représenter les personnes dans des états quasiment archétypaux : c’est ce que je fais lorsque je répète les mêmes personnages plusieurs fois dans un tableau. Dans la répétition, on dilue la personnalité des modèles. Il y a ainsi moins de leur essence dans l’œuvre et, en cela, ils deviennent des personnages plus que des êtres réels. Si la personne que je représente est seule dans le tableau, ce n’est pas un personnage, c’est vraiment lui, je n’en fais pas un archétype.
Par ce procédé de dépersonnalisation, le spectateur peut plus facilement se projeter dans la peinture et percevoir ainsi un état d’âme ou une sensation plutôt que de voir quelqu’un d’existant et de se concentrer sur la psychologie du personnage.
TH : Est-ce pour cette raison que les arrière-plans de tes tableaux sont souvent anonymes, banals ?
FM : Quand j’imagine mes compositions, je les pense par rapport aux personnages, ce sont eux qui vont faire et déterminer la construction de l’image. Le paysage, le décor, le lieu dans lequel ils se trouvent va juste souligner cette composition, les lignes de force étant dictées par les figures humaines. D’ailleurs, je peins d’abord les personnages, puis les paysages. Pour autant, je n’adapte pas forcément le paysage à l’état d’esprit des personnages : ce que je ne veux pas, en tout cas, c’est que le décor prenne le dessus sur les personnages.
TH : Tes personnages sont toujours dénudés mais en sous-vêtements, pourquoi ?
François Malingrëy dans son atelier
FM : Quand on peint des êtres humains, la peau est le lieu indépassable de la vérité. Quand je peins la peau, et c’est ce que j’aime faire, je ne peins pas un nu. La nudité est quelque chose de plus fort, qui peut être assez violent, tant c’est intime. Quand tout est découvert, on ne voit plus que ça, l’intimité, et on ne regarde plus, ou en tout cas moins, le travail sur les chairs, l’anatomie : j’ai envie de faire de la peau, pas des nus.
TH : Tu recours souvent aux fonds à la feuille d’or pour tes portraits, pourquoi ce choix ?
FM : La feuille d’or n’est pas une couleur : on peut, en peinture, faire du doré avec de la couleur, mais alors ce doré coloré fait partie du monde du personnage, qui est, lui aussi, constitué de couleur. La feuille d’or c’est autre chose : entouré de dorure à la feuille, le personnage est sorti de son monde pictural, il est ailleurs, dans un espace plus que neutre, dans un espace qui n’existe plus. J’aime aussi présenter les tableaux à fond d’or à côté de peintures avec un paysage, un arrière-plan situé : le passage du regard de ces grandes scènes à un portrait d’une figure mise en valeur et isolée par le doré, esthétiquement je trouve cela très beau.
TH : Comment conçois-tu tes peintures, notamment tes grands formats. Quel est le processus de création ?
FM : Quand je peins, j’ai déjà en tête une idée de composition. C’est très instinctif. Je ne sais jamais trop d’où elle naît : peut-être d’un film, d’une discussion, d’une peinture qui me revient, mais de façon assez inconsciente. Ensuite, s’il s’agit d’une composition complexe, avec beaucoup de personnages, je l’exécute en dessin mais seulement pour voir les lignes de force, pour comprendre si l’image tient ou si elle ne fonctionnait en fait que dans ma tête. Si cela me semble juste, ce dessin de travail me permet aussi de montrer aux modèles ce que j’attends d’eux comme poses et à leur faire comprendre la scène. Je prends ensuite des photos des modèles pour continuer à travailler. Mais, à chaque étape, les choses peuvent évoluer : quand je prends les photos, j’ai déjà une idée en tête, pour autant le modèle peut parfois bouger au moment de la prise de vue ; ce n’est pas voulu, mais je me rends compte que ça marche bien voire mieux et je modifie alors un peu ma composition. Ensuite, sur ordinateur, je fais un montage des photos : mises les unes à côté des autres, je vois lesquelles me conviennent et je recompose la scène. Souvent, à cette étape, je modifie des poses que je croyais pourtant être les bonnes. Enfin, je passe à la peinture : et, là aussi, il arrive des choses que l’on ne peut pas prévoir. Sur ma toile, je dessine ma composition puis je la peins. C’est le plus souvent dans les décors ou le paysage que je me rends compte que l’image ne tient pas. Je suis obligé de reprendre, de bouger une ligne d’horizon, de changer une couleur, de revenir sur une forme pour dynamiser l’ensemble. Et, en général, je travaille tout d’une traite : quand je démarre une peinture, je vais jusqu’au bout.
TH : Quels sont les peintres qui t’ont le plus marqué et as-tu vraiment besoin de t’inspirer d’autres artistes pour créer tes propres œuvres ?
FM : Je suis très intéressé par le travail des autres artistes, mais je ne sais pas à quel point cela nourrit mon travail. Les peintres qui m’ont le plus marqués sont Lucian Freud et, dans un tout autre genre, Velázquez, auquel je suis venu beaucoup plus tard. C’est un travail qui parle beaucoup aux peintres, il a une façon de faire en avance sur son temps : s’il vivait aujourd’hui, sa touche paraitrait pleinement contemporaine. Velázquez arrive à certains résultats dans le rendu des chairs ou des drapés qui sont incroyables pas tant par leur réalisme que par leur beauté intrinsèque. Ce qui est beau, c’est la touche : avec Velázquez, on regarde la peinture pour la peinture, en plus de ce qu’elle représente. La même chose se passe lorsqu’on regarde de la peinture abstraite, mais lui parvient à le faire avec de la figuration. Son travail me fascine car ce qu’il réussit à créer est extrêmement difficile : en peinture, la plus grande quantité de travail, en terme de temps, est consacrée non pas à penser l’image mais à poser la peinture, car le coup de pinceau ne sert pas qu’à faire exister l’image, il fait bien plus et c’est cette recherche-là qui prend du temps. La recherche de la touche belle, parfaite, peut être un gouffre, il ne faut pas s’y perdre, mais cette quête – ce que l’on fait dire à la peinture à travers le coup de pinceau – m’intéresse énormément.
TH : On perçoit, en ce moment, un retour vers la figuration, notamment chez les jeunes artistes. En tant qu’artiste figuratif, sens-tu un renouveau depuis quelques années ?
FM : On entend dire que la figuration était morte dans les années 1980, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Pourtant, je ne me vois pas comme appartenant à la génération des précurseurs de ce renouveau. Des artistes plus âgés ont déjà ouvert la voie, notamment Jérôme Zonder, Axel Pahlavi, Damien Cadio par exemple. Eux me semblent être, au moins en France, de véritables précurseurs.
Aujourd’hui, je me rends compte que, dans notre génération, les gens ne dénigrent pas du tout la figuration. C’est pourtant l’impression que j’avais quand je ne connaissais pas le milieu de l’art. Quand je faisais mes études d’illustration, on me disait, attention, dans le milieu de la peinture et de l’art, le figuratif, personne n’aime. Il est vrai qu’une certaine partie du public pense que la figuration est « premier degré », donc quelque chose de facile donc de bête. C’est, bien entendu, faux, la figuration permet au contraire d’envisager le monde de façon bien plus large qu’il n’est.
Samedi 16 janvier – Jeune création – 66e édition – Galerie Thaddaeus Ropac Paris Pantin 69, avenue du Général Leclerc, 93500 Pantin – On y retrouvera Yann Vanderme (Salon de Montrouge) qui présentera une série de vidéos mettant en scène des marionnettes. A travers de courts épisodes, deux personnages partent à la découverte d’un univers absolument banal (bureau, musée), et y portent un intérêt inattendu et décalé. (voir article Salon de Montrouge )
Yann Vanderme sera également présent à la Fondation Hippocrène, où seront exposées ses cartes postales, avec au veso le récit d’actions faites à 33%. Yann Vanderme – 33% – Cartes postales
Jusqu’au 16 janvier – Ali Banisadr – Galerie Thaddaeus Ropac – Paris Marais – 7 rue Debelleyme – 75003 Paris .
Signature du livre: samedi, 16 Janvier, 2016: 18:00
“Je sais que je suis dans la zone de la peinture où le temps disparaît et je ne suis pas au courant de temps ou d’espace plus longtemps.” Ali Banisadr
Troisième exposition solo de l’artiste Ali Banisadr dans son espace de la galerie du Marais.
Ali Banisadr -In Medias Res Galerie Thaddaeus Ropac
Dans Medias Res plonge dans le cœur de la bataille: les expériences des spectateurs paysages où l’imagination est une transformation, dans lequel la violence illustre seulement le sublime. Comme l’explique Banisadr, “In Medias Res est une métaphore de la façon dont mes peintures sont faites, la façon dont l’histoire commence avec une explosion, au milieu de l’action et il se déroule lentement et dévoile son contenu.”
Trissotin ou les Femmes Savantes Théâtre de la Criée
Le théâtre de la criée nous offre pour encore une semaine des femmes savantes particulièrement savoureuses.
Macha Makaïeff donne vie à un Trissotin à mi-chemin entre John Galliano et Conchita Wurt chez qui le pédant le dispute au ridicule. La distribution nous enchante Thomas Morris en Bélise est irrésistiblement drôle, Atmen Kélif est un savant aux éructations de sangliers et les femmes expérimentent pour parfois s’y brûler.Marie Armelle Deguy campe une Philaminte extrême qui insuffle son énergie à la pièce grâce à son interprétation jubilatoire et hilarante oscillant tour à tour entre Claude Gensac ou Delphine Seyrig … tout un programme ! Musique, chants, couleurs et costumes remettent au premier-plan l’inconsistance dont on voudrait encore aujourd’hui pouvoir parer les femmes !
“Le monde bourgeois fondé sur une certaine idée de la continuité du confort, et des conventions résiste ; et s’il accepte un temps d’être gentiment bousculé par quelques extravagances, il se rétracte aussitôt qu’il est mis en danger dans ses fondements. C’est le lieu même des égoïsmes et des névroses, des déchirements que Molière décrit. La critique sociale ne concerne pas seulement la famille, mais aussi le système politique, celui de la Cour et de la distribution des prébendes, d’un certain milieu littéraire avide et amer… Tout ce qui est dit à ce sujet prend une résonance actuelle.” Propos de Macha Makaïeff recueillis par JF Perrier 2015