Exposition coup de coeur: “To catch a fish with a song”, Hreinn Friðfinnsson
Mais qui est donc Hreinn Friðfinnsson?
Il est des artistes incontournables dans le cheminement de l’histoire de l’Art, qui sont paradoxalement méconnus. Friðfinnsson en fait partie. Sans aucun doute. Au Centre d’Art Contemporain de Genève, Andrea Bellini célèbre ce fascinant artiste à travers une rétrospective personnelle au titre séduisant. Inclassable, Friðfinnsson a ouvert un nouveau champ à l’Art conceptuel, celui d’une poésie sobre, épurée. Il y a une beauté légère, tout au long de cette exposition, qui touche notre âme d’enfant . Un sourire face à la beauté des choses simples, transformées en “petits miracles” par l’Artiste.

“le poète est celui qui crée de la Beauté à partir de rien” Andrea Bellini
Né en 1943, Hreinn Friðfinnsson est Islandais. Il est issu de cette terre sauvage, aride, nue. Les paysages drus y sont agités par des phénomènes puissants et magiques. Enfant, il les a arpentés de longues journées, en promenant le troupeau d’animaux de sa famille. De là, provient sans doute son lien instinctif à la nature, qui s’étend à l’univers tout entier. De là, nait ce regard singulier, emprunt d’un certain humour, sur les choses les plus simples du quotidien, qu’il enchante en oeuvres subtiles.

Il crée “Palace”, une oeuvre délicate occupant tout un mur…à partir du grillage d’un poulailler! Pour une autre oeuvre, Friðfinnsson demande à un magasin de couleurs de récupérer les bâtons d’essai de teintes destinés à être jetés … il en fait une magnifique installation graphique, rythmée par les séquences répétitives de ces objets.

Si le propos est lyrique, la forme de ses oeuvres est graphique, structurée, rigoureuse. Même ces gouttes de verre translucides, trouvées aux puces, que l’Artiste transforme en une fine cascade, coulent sur le mur en une ligne verticale bien droite.

Au vu de cette oeuvre, “13 drops” on ne peut que constater la grande influence que Friðfinnsson a sur de nombreux grands artistes contemporains, tel Olafur Eliasson qui reconnait en lui un grand Maitre.
Nature, cosmos, jeux et magie

Une soirée avec quelques amis, l’alcool aidant, la discussion devient surréaliste et une question étrange est posée: Quelle est la forme de la nuit? “La nuit a la forme d’un cône avec la rondeur parfaite de la lune en un bout, et de l’autre côté, l’oeil qui la regarde” suggère l’un d’eux. Il n’en faut pas plus pour que Friðfinnsson compose une oeuvre poétique, colorée, avec juste une série de cônes de papier canson (Summernights, 1990).
L’Artiste se passionne pour les mystères de l’univers. L’ammonite, par exemple, tient une place privilégiée dans ses créations. Selon lui, cette forme de fossile correspond exactement à la forme de l’oreille interne de l’homme, et nous renvoie, à la façon d’un kaléidoscope, à l’image de nous-même.

Plus loin les images inversées de deux miroirs réunissent la terre et le ciel.
Intérieur/extérieur
Friðfinnsson joue constament avec l’idée d’intérieur /extérieur. La nature entre dans la maison où il a grandit, par une saisissante fenêtre dévoilant le paysage brumeux de son Islande (First Window, Homage to Marcel Duchamp, 1992). Clein d’oeil à la “Fresh Widow”de Marcel Duchamp de 1920.

Ce thème Inside / Outside, apparait également dans une oeuvre en plusieurs chapitres, “House”. La “First House” (1974), directement inspirée d’un roman Islandais, se présente sous la forme d’une petite maison en bois … retournée! Les murs garnis de papiers et de tableaux se retrouvent à l’extérieur et vice versa. Ainsi l’intérieur de “cette maison abritait le monde entier à l’exception d’elle même” écrit Hreinn Friðfinnsson. Une trentaine d’années plus tard, l’artiste construit une seconde petite maison, où tout est rentré dans l’ordre, et dans laquelle se trouve une météorite. Enfin la troisième maison, réduite à une simple structure métallique ouverte, permet à l’intérieur et l’extérieur de se confondre.
Hreinn Fridfinnsson, Below and above©thegazeofaparisienne Hreinn Fridfinnsson
Cette exposition nous immerge dans l’univers singulier et captivant de cet artiste “irrégulier“, comme le qualifie Andréa Bellini. “Même s’il appartient à un mouvement artistique, Friðfinnsson prend clairement une autre direction que ses comparses. Alors que les autres artistes participent à la construction de ce mouvement, les personnalités irrégulières comme Friðfinnsson, elles, annoncent déjà la suite”. Vous tomberez comme moi sous le charme infini de cet artiste inclassable, et de ses créations à l’étrange poésie.
A voir absolument!
Caroline d’Esneval
Hreinn Friðfinnsson,
To catch a Fish with a song
Centre d’art Contemporain de Genève
jusqu’au 25 Août !

