Art Basel
L’avenir de l’art se jouerait-il sur la toile, “the world wide web” ?
Viewing rooms, zoom meeting, webinar ces nouveaux mots sont le résultat d’un confinement mondial.
Cela a entraîné une nouvelle façon d’acquérir des oeuvres convoitées par les collectionneurs. Le monde leur appartient, les frontières s’ouvrent, offrant un champ illimité de découvertes, de tendances.

Art Basel est une foire d’exception proposant le must de l’art contemporain, un évènement incontournable chaque année. Attendue par tous les amateurs d’art, au vue des circonstances actuelles, elle a joué le jeu online.
Ce qui est intéressant c’est la nouvelle perception des oeuvres vues hors échelle, sur l’écran, les peintures, sculptures défilent sans attache, on oublie les dimensions, les proportions disparaissent et parfois ce qu’on imagine petit est grand, même très grand. On intellectualise l’oeuvre.
Ce qu’il faut savoir c’est que cette plateforme avait été conçue pour Hong Kong, indépendamment du confinement, pour permettre aux galeries d’élargir leurs propositions.
La question de la diversité a été posée. De plus en plus, les artistes soutiennent et cultivent ces différences, parties intégrantes de leur expression qui se traduit par l’utilisation d’éléments divers, techniques, écrits…
Nous avons demandé à Denise Vilgrain -Vice-Présidente des amis du Palais de Tokyo et représentante d’Art Basel vip pour la France, Grèce et Monaco – son ressenti sur les changements que l’actualité a imposés au monde de l’Art.
Collectionneuse, elle nous a fait part de ses choix, des artistes qui la touchent, des oeuvres qu’elle aime particulièrement dans cet Art Basel si singulier. Elle a accepté pour The Gaze, de participer à 1 heure / 10 artistes.
1 heure / 10 artistes
par Denise Vilgrain

1 Sheila Hicks (née en 1934)
Delicate Secret , 2019
45 000 $
Sculpture Lin, coton, fibres synthétiques 38,0 x 38,0 x 15,0 (cm)
Sheila Hicks est une artiste très importante, redécouverte en France, il y a quelques années, par Franck Elbaz. Son projet Apprentissage au Musée Carnavalet était magnifique. Ce qui est touchant dans son travail c’est l’utilisation d’un matériau unique : la laine, moyen d’expression premier de la femme. L’image de Pénélope qui tisse. C’est cette rigueur dans son travail qui la rend singulière unique et identifiable. Cette oeuvre, cette grosse pelote est pour moi très achevée à l’inverse d’une oeuvre en expansion, celle-ci est totalement en introspection.

2 Ulla von Brandenburg (née en 1974)
Isabelle Eberhardt , 2019
Travail sur papier
aquarelle sur papier assemblé
120,0 x 60,0 (cm)
Ulla est une artiste de la théâtralité, ce qui est fascinant chez elle, c’est qu’elle arrive à créer des univers venant du monde du théâtre et de la performance. Il y a tout un process musical pour arriver ensuite à un résultat pictural. Ces aquarelles sont le résultat d’un autre travail, des oeuvres à part entière. Ses mélanges de couleurs, le traitement de l’aquarelle, tout est beau. Ses personnages semblent sortir de spectacles qui n’existent plus et ses aquarelles restent un témoignage.
Ce portrait est celui de l’écrivain suisse Isabelle Eberhardt, une aventurière, convertie à l’Islam, on a dit d’elle qu’elle était Rimbaud au féminin.
Elle expose actuellement au Palais de Tokyo Le milieu est bleu, jusqu’au 13 septembre 2020. https://www.palaisdetokyo.com/fr/evenement/ulla-von-brandenburg-0

3 Harold Ancart (né en 1980)
Sans titre , 2018
300 000 $
Bâton à l’huile et crayon sur toile dans un cadre d’artiste
205,7 x 287,0 (cm)
Harold Ancart est un artiste belge, il a fait l’école de La Cambre à Bruxelles où on lui avait dit « la peinture et la sculpture c’est mort ». Après un passage aux Etats-Unis, il revient à la peinture mais par des biais détournés. Il a commencé à faire des installations murales de peinture libre. Ces tableaux sont presque comme des dessins préparatoires, des carnets de dessins. Nouvelle évolution vers l’abstraction dans son travail. Il part d’un point d’horizon très précis qu’il met à grande échelle, lui donnant une autre dimension. Ses oeuvres de taille importante me semblent être les petits formats de grands formats.

4 Shara Hughes. (née en 1981)
Sournois et subtil , 2019
Huile et acrylique sur toile 172,5 x 152,5 (cm)
Sarah Hughes. J”aime son côté classique, un tableau comme mal fini, résurgence du XIXe siècle. A l’opposé des artistes, qui, il y a quelques années, déclaraient que la peinture était morte, on en revient à une peinture très classique, très XIXe siècle qu’on trouvait dans les salons à Paris.

Donna Huanca. Ses peintures sont toujours issues de performances, les corps créent les bases de la peinture laissant la mémoire du corps sur la toile. Body painting, qu’elle retravaille laissant un témoignage de sa performance. J’aime que l’oeuvre n’existe pas seule qu’il y ait ce lien, qu’on parte d’une autre chose et qu’on arrive à ce résultat, j’avais assisté à une de ses performances à Shanghaï.

6 Brent Wadden (né en 1979)
Sans titre , 2016
Peinture Fibres tissées à la main, laine, coton et acrylique sur toile 118,0 x 100,0 (cm)
Brent Wadden. Après avoir utilisé la peinture, il s’est mis à faire du tissage, ce qui est intéressant de la part d’un homme, par opposition à l’idée qu’on se fait d’un savoir faire utilisé par les femmes.

Miriam Cahn est née en 1949, est connue pour ses portraits désincarnés, fantomatiques. Cette fois ci ce sont des arbres traités comme des têtes qui font penser aux portraits sans visage qu’elle fait. Au départ elle travaille le fusain et la craie et ensuite elle utilise la peinture à l’huile d’une manière très particulière comme une aquarelle.

8 Matthew Lutz-Kinoy (né en 1984)
Sans titre , 2020
Peinture acrylique sur toile
225,0 x 280,0 (cm)
Matthew Lutz-Kinoy. Je trouve très beau ce côté classique qui fait référence à Delacroix mais avec une échelle surdimensionnée. Le cheval, personnage unique et principal du tableau devient le héros, contrairement aux sujets classiques, où le cheval fait partie d’une scène . Il est aussi important d’imaginer la taille réelle de l’oeuvre qui mesure plus de 2 mètres.

Alicja Kwade est une artiste polonaise qui est dans la perception et l’illusion des objets qu’elle détourne et qu’elle met en scène en leur donnant une autre dimension. En utilisant le reflet du miroir, elle perturbe l’observation. Elle crée un monde parallèle. Le constructiviste des pays de l’Est inspire l’artiste.

10 Christina Quarles. (née en 1985)
Innocence Lost / In a Sense, Lost , 2020
Peinture acrylique sur toile
157,5 x 139,7 x 5,1 (cm)
Christina Quarles est née en 1985, artiste américaine vivant à Los Angeles. Double sens pour son titre Innocence Lost / In a Sense, Lost. Elle a créé l’oeuvre en réaction à la mort de George Floyd. Une vraie découverte pour moi. Une oeuvre immédiate, peinture de l’actualité, elle vit un évènement et crée un tableau.
Pour finir quelques oeuvres en images
ART BASEL Online Viewing Rooms
19-26 June 2020

