Giorgio de Chirico
La peinture métaphysique

« Paul Guillaume, l’un des premiers touchés par la révélation moderne. » André Breton, 1923
Giorgio de Chirico (1888-1978) est le grand absent de la collection du musée de l’Orangerie et c’est une heureuse coÏncidence que ses oeuvres soient présentées aujourd’hui et ceci pour une durée de trois mois dans ce musée. Là où se trouve la collection de son grand marchand Paul Guillaume, le peintre lui avait été présenté très tôt par le poète Apollinaire et sur pratiquement tous les cartels on peut lire : ancienne collection Paul Guillaume. Que s’est il passé avec le marchand, encore un mystère !

A droite : “La sérénité du savant” 1914. New York, The museum of Modern Art, ancienne collection Paul Guillaume
« Être compris, ou ne l’être pas, est un problème d’aujourd’hui. Dans nos œuvres également mourra, un jour, l’apparence de la folie pour les hommes, cette folie qu’ils y voient, car la grande folie, qui est celle qui n’apparaît pas à tout le monde, existera à jamais et continuera de gesticuler et de faire des signes derrière l’écran inexorable de la matière « Giorgio de Chirico, 1919
Giorgio de Chirico est né en Grèce en 1888, il a un jeune frère qui deviendra écrivain et connu sous le nom de Alberto Savinio (1891-1952).
Son père ingénieur ferroviaire, meurt brutalement. Dans l’œuvre de son fils, le train à une place importante et si vous regardez bien les toiles, une locomotive en marche apparait très souvent. Son grand-père, lui, est diplomate. Chirico a ce côté apatride, ni grec ni vraiment italien.

A droite :”Portrait [prémonitoire] de Guillaume Apollinaire” 1914 Huile et fusain sur toile 81,5 x 65 cm – Centre Pompidou – Ancienne collection Apollinaire.
Très vite, il s’intéresse aux philosophes et lit Bocklin, Schopenhauer et Nietzsche.
Été 1909 à Rome et Florence il a ses premières « révélations « qui sont des visions de tableaux. Sur ses premières œuvres, on retrouve les récits de la mythologie, qu’il écoutait enfant.
Apollinaire qualifie sa peinture de “métaphysique ”
J’ai toujours aimé l’idée de l’importance du rêve dans la création artistique. Cette rétrospective de Chirico, l’artiste qui a lancé le mouvement de la peinture métaphysique est un voyage dans une autre dimension. Il comprend que ce qu’on voyait n’était pas forcément la réalité. Mais une chose est sûre impossible de voir l’actualité avec ces grosses lunettes noires !
Chirico est un Peintre qui ne regarde pas mais qui rêve, il ne peut voir le présent avec ses lunettes noires, comme Tobias il est aveugle, Mais il rêve il rêve du passé et du futur les antiques, les signes archéologiques, le train qui passe dans un nuage de fumée. Une peinture qui ressemble à un puzzle dont on essaierait de recoller les fragments pour déchiffrer l’énigme qu’elle recèle.
Une œuvre spéciale où les signes s’imposent à nous.
On connaît si bien ce portrait d’Apollinaire, lunettes noires posées sur le nez de la sculpture, où sur un fond vert se dessine le profil du poète . L’artiste l’avait offert à son ami.
Modernité et antiquité
Le poète devient un mannequin, métaphore de l’aède incapable de voir le présent mais pouvant voir passé et futur, une genèse de la poésie
Ariane personnage de la mythologie lui est proche par sa propre histoire et la lecture du philosophe Nietzsche.
(Cf la recompense du devin, 1915 ancienne coll Paul Guillaume)
Artichauts, régimes de bananes ornent ses peintures ,
« Deux artichauts de fer me regardent …» Giorgio de Chirico, Mélancolie 1913
Les rôles s’inversent, les personnages se transforment en simples silhouettes, les sculptures sont au premier plan et les légumes s’animent, les ombres désobéissantes, le temps qui passe à sa guise , le train en marche
A chacun ce qui lui plait
C’est la « Solitude des signes »

Chirico a découvert la poésie de Rimbaud
« Le Revenant” est rebaptisé par Aragon Le cerveau de l’enfant » cette oeuvre date de 1914, son thème est repris un an après par Picasso un hommage à Chirico, L’Homme au chapeau melon assis dans un fauteuil,. André Breton à un coup de foudre pour cette peinture, il en fait l’acquisition et la gardera jusqu’à sa mort. Le thème de l’artiste voyant, l’homme à les yeux clos, le livre jaune posé sur une table est fermé, une colonne dorique longe le côté gauche de la peinture . Je retrouve ce revenant à la fin de l’exposition (le retour de Napoléon III) , le personnage a les traits de son père et est habillé de la colonne, un mannequin désarticulé en bois sans tête assis sur une chaise, la porte ouverte et un plafond bleu, un ciel ?

A droite : “Il trovatore” (le troubadour) 1917. Huile sur toile. Coll. particulière
Première guerre mondiale
Pendant les années de guerre, il se trouve en Italie à Ferrare, il est confiné chez lui et peint de petits tableaux qui révèlent les atrocités, l’absurdité des situations. Il peint les objets qui l’entourent . Vers la fin de la guerre, réfugié dans un hôpital militaire il peint les prothèses des mutilés.
1917 « le rêve de Tobias » ce tableau Aidel, le thermomètre et l’espace délimité par ces formes géométriques, les arcades,

L’artiste est obsédé par ce poisson de Tobias, toujours l’allusion à l’homme aveugle dans l’impossibilité de voir les choses , cette allusion est d’autant plus forte , que nous sommes en temps de guerre , une guerre interminable, effrayante Un symbole fort qui a dû fortement impressionner Paul Eluard propriétaire de cette œuvre et qui appartient aujourd’hui à The Bluff collection, je ne sais qu’en penser !
Florence Briat Soulié
Musée de l’Orangerie
Giorgio de Chirico. La peinture métaphysique
Exposition du 16 septembre au 14 décembre 2020
Exposition organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, Paris et la Hamburger Kunsthalle, Hambourg
Commissariat
Commissariat général : Paolo Baldacci, président de l’Archivio dell’Arte Metafisica
Commissariat de l’exposition à Paris : Cécile Girardeau, conservatrice au musée de l’Orangerie
Commissariat de l’exposition à Hambourg : Dr. Annabelle Görgen-Lammers, conservatrice à la Hamburger Kunsthalle


