Chiharu Shiota, « Living Inside »
au Musée National des Arts Asiatiques Guimet
Chiharu Shiota est née en 1972 à Osaka au Japon, depuis 1999, après des études à Kyoto, elle vit à Berlin où elle a poursuivi ses études auprès de Marina Abramovic.

Elle se considère comme une artiste universelle. L’émotion, l’identité, le foyer, la féminité sont présents dans son travail. Elle était très intéressée au début de sa carrière par les performances autour de la peau, où elle se recouvrait de terre.
Le Musée Guimet lui a offert une carte blanche et cela a donné l’installation incroyable Living Inside.

Chiharu Shihota pense des architectures immersives dans lesquelles le regardeur est invité tout en lui interdisant véritablement de rentrer, les fils faisant barrage. Ces fils sont des espèces de membranes, qu’elle noue et tisse, à la fois protectrices et dangereuses comme lorsqu’elle utilise le fil noir lié aux profondeurs de l’univers, au royaume des rêves et de l’obscurité. Le rouge est sa couleur la plus importante dans sa carrière, elle l’a utilisé à la Biennale de Venise avec son installation The Key in the Hand, lorsqu’elle représentait le Japon en 2015. A Chypre également lorsqu’elle figure à travers A walk through the line, en 2017, “la ligne verte” de démarcation de 180km coupant l’île en deux territoires, la partie nord étant occupée par l’armée turque ; La ligne de Chiharu Shiota était en rouge et exposée sur le site archéologique de Pafos !
C’est un univers matriciel qui représente ce qui nous relie mais aussi ce qui nous sépare. Un monde à la fois violent et protecteur, nous retrouvons toute cette dualité dans son monde.

L’artiste aime beaucoup chiner et pendant le confinement elle a acheté sur internet, sur différents sites comme eBay de nombreux objets et a réfléchi aux interactions entre les personnes. Elle a alors imaginé des mobiliers de poupée, chacun séparé par les fils composant à chaque fois des petits appartements, des cellules de vie, tous à la fois reliés et séparés par des lignes verticales de fil, un peu plus fin que d’habitude car il représente la fragilité de connexion à l’ère des réseaux sociaux, internet.
Tous ces petits éléments ont tous été à un moment dans une de ses installations précédentes, on retrouve la métaphore de la robe symbole de son absence, les pianos, les clefs , les chaises..
Dans cette rotonde, certaines fenêtres selon la volonté de Chiharu Shiota sont restées ouvertes vers la ville de Paris qui s’invite dans l’installation, montrant le gigantisme de la ville en contraste avec ces petits appartements, à l’inverse, à travers les fenêtres des immeubles parisiens, ce sont aussi toutes ces habitations qu’on observe en levant les yeux lorsque l’on se promène dans les rues, surtout le soir quand elles sont éclairées.
Cela a pris dix jours pour installer cette oeuvre. En la regardant, je pense au texte de Bergson qui explique le rôle de l’artiste et qui me semble très à propos devant cette oeuvre.
Quel est l’objet de l’art ? Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l’art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l’unisson de la nature.
Henri Bergson – Le rire.
Living Inside, nous rappelle tristement notre actualité, en regardant cette installation, on ne peut que penser à la vile assiégée, même si ce projet prévu par l’artiste était antérieur. Cela nous rappelle que l’artiste a une telle sensibilité que ses oeuvres dépassent très souvent le temps. C’est aussi pour l’artiste une façon de préserver la mémoire du monde à travers tous ces fils qui se connectent un à un à l’être humain, son environnement, les sentiments, les guerres… Ces fils rouge, étirés et noués entre eux sont aussi tout un symbole d’un autre réseau celui de la vie, on ne peut que penser à l’arbre veineux, au sang qui coule dans nos veines, à celui versé dans les combats.
Ainsi, qu’il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, l’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même.
Henri Bergson – Le rire.
L’oeuvre de l’artiste qui pourrait être juste une installation très photogénique et instagrammable, se transforme petit à petit, et au fur et à mesure que nous entrons à l’intérieur de ces fils, elle nous déstabilise et nous bouleverse.
4 œuvres sont présentées dans les collections du musée, dans la bibliothèque deux boîtes avec des feuilles, partition de musique, autour de Wagner dans l’esprit d’un partage des passions. Deux robes et un mobilier de poupée sont exposés dans les collections japonaises. La signalétique au sol nous indique le parcours à suivre avec 3 fils rouges.

Une autre exposition très intéressante sur un autre thème, le guerrier japonais : le samouraï a été inaugurée ces jours-ci dans le musée.

Carte blanche à l’artiste Chiharu Shiota
jusqu’au 6 juin 2022.
Commissaires :
Sophie Makariou, présidente du MNAAG, commissaire générale
Chiharu Shiota, artiste
Avec la collaboration de la galerie Templon
L’arc et le sabre – Imaginaire guerrier du Japon
Jusqu’au 29 août 2022
Commissariat
Sophie Makariou, présidente du MNAAG, commissaire générale
Vincent Lefèvre, directeur de la conservation et des collections du MNAAG
6, place d’Iéna – 75116 Paris

