Pablo Picasso s’habille en Paul Smith.
Célébration Picasso, La Collection prend des Couleurs !

Par Marie Simon Malet
Rien ne me réjouit plus qu’une association entre mode et art réussie.
Directeur artistique du nouvel accrochage des collections du Musée Picasso, le designer anglais Paul Smith renoue avec les grandes heures des collaborations heureuses entre couturiers et artistes.
Pour célébrer les cinquante ans de la disparition de Pablo Picasso (1881-1973), Cécile Debray, présidente du musée, a confié au couturier britannique Paul Smith la direction artistique de son exposition, Célébration Picasso, la Collection prend des couleurs !
Résultat : une mise en scène chronologique des icônes du maître aussi brillante que jubilatoire.
Paul a pris un plaisir évident à rhabiller Pablo avec son fameux twist dandy.

Le soir du vernissage, cette collab’ « PicassoXPaulSmith » avait l’air d’une collection capsule à ne manquer sous aucun prétexte. Echappés des défilés, les aficionados de la Fashion Week se pressaient à l’Hôtel Salé, curieux de voir comment Paul Smith avait relevé le défi. Les losanges jaunes et bleus de Paul en Arlequin (1924), les pompons blancs en ton sur ton du même en Pierrot (1925) composaient des fonds parfaits pour leurs posts Instagram. En arrivant, je pensais aux pois de l’artiste japonaise Yayoi Kusama -que, par ailleurs, j‘admire- et à ses citrouilles modèles réduits envahissant les boutiques Louis Vuitton (tout comme l’espace médiatique!). Cette véritable Yayoi Kusama-mania me rendait circonspecte. Est-ce que la fameuse rayure Paul Smith -la Signature Stripe– m’emballerait ?
Oui absolument ! Pablo Picasso à la mode de Paul Smith est une exposition pleine de créativité et d’humour. L’air de rien (malgré l’extrême complexité de l’entreprise), elle fait défiler les chefs-d’oeuvre du monstre sacré (peintures, sculptures, céramiques, dessins, lithographies tauromachiques et affiches) sous la bannière du style.

“Le musée Picasso m’a généreusement donné carte blanche pour en proposer une nouvelle interprétation”, explique Paul Smith. “C’est une opportunité fantastique et grande leçon d’humilité.”
Paul Smith
De la rayure à la marinière (immortalisée par la photographie de Doisneau, Pablo Picasso et les petits pains, 1952) il n’y a qu’un fil que Paul Smith a tissé avec malice.
Les rayures se déclinent sous toutes les formes (en bicolore, peinte à main levée, en tapis volant, en bandes de papier-peint vintage). Elles rythment le parcours, s’interrompent avec des aplats monochromes : Le visiteur plonge alors dans « la mélancolie bleue », le rouge Corrida ou le rose terracotta des Demoiselles d’Avignon, les « Pink Ladies » (portraits et études préparatoires).
La couleur est l’un des domaines d’expertise du couturier, lui qui révolutionna le classique costume masculin par l’usage inédit de doublures vives et intenses.
C’est à Paris que Paul présenta sa première collection de prêt-à-porter Homme en 1976, dans l’appartement de l’un des ses amis, rue de Vaugirard. Aujourd’hui, à 76 ans, il est un remarquable homme d’affaires sous ses dehors de trublion fantasque; l’un des derniers créateurs à être à la tête de sa maison. Il dessine 60 collections par an (dont les lignes femme et junior) sans compter les collaborations diverses (Austin Mini).
« Il y a de l’humour et de l’espièglerie partout tout en maintenant le plus grand respect pour l’esprit et le travail inégalés de Picasso. »
Paul Smith

Dès la première salle, Sir Paul prend le taureau par les cornes en installant face à la Tête de taureau (1942) une série très ready-made de selles et de guidons. Un clin d’œil à sa vocation première de coureur cycliste.
Il parsème ensuite des références à la photographie et à la mode :
Les gribouillages de Picasso dans le Vogue de mai 1951 ont droit à une salle réservée. Une paire de Chèvre s (1950) pose sur un fond vert pomme, comme pour un shooting en studio. En écho, la série de Chèvre de profil du photographe André Villers (1930-2016) et les chouettes en céramique de Vallauris leur font de l’œil.
La confrontation avec des œuvres de Guillermo Kuitca, Obi Okigbo, Mickalene Thomas et Chéri Samba participent, s’il en était besoin, de cette même volonté de proposer un regard neuf sur la postérité de l’œuvre de l’artiste.
“C’est surtout un sentiment de jeu et de joie que je voulais transmettre avec ce projet. Après tout, c’est ainsi que j’ai toujours abordé l’art et le design »
Paul Smith
Etonnamment, Paul Smith et Picasso se rejoignent dans leur faculté de jouer avec les couleurs, les associations grinçantes, les compositions graphiques. Paul est aussi photographe, il veille toujours à l’impact visuel des vitrines de ses boutiques. Aussi, son œil met en lumière le génie facétieux de Picasso. Il rend son œuvre plus limpide et accessible. Chaque salle est une surprise, emballée dans du papier kraft ou des rayures berlingot.
Let’s celebrate Picasso with style !
A découvrir au musée Picasso jusqu’au 27août.

NB – La Célébration Picasso 1973-2023 est initiée par le Musée national Picasso-Paris, principal prêteur de l’évènement et coordinateur, et Bernard Picasso, petit-fils de l’artiste et président de la FABA et du musée Picasso de Malaga. Elle s’articule autour d’une cinquantaine d’expositions et de manifestations qui se tiendront dans des institutions culturelles de renom, en Europe et en Amérique du Nord et qui, ensemble, grâce à des relectures et des approches inédites, permettront de dresser un état des études et de la compréhension de l’oeuvre de Picasso. Les gouvernements français et espagnols ont souhaité porter ensemble cet événement transnational d’ampleur, ainsi la commémoration sera rythmée par des temps de célébrations officiels en France et en Espagne et se terminera par un grand symposium international à l’automne 2023, au moment de l’ouverture du Centre d’Études Picasso à Paris.
Célébration Picasso, la collection prend des couleurs !
jusqu’au 27 août 2023.
Musée national Picasso-Paris
5 rue de Thorigny
75003 Paris
Direction artistique : Paul Smith
Commissariat :
Cécile Debray, Présidente du Musée Picasso-Paris
Joanne Snrech, Conservatrice du patrimoine
en collaboration avec François Dareau

