The gaze of a Mosuliot, Raisan Hameed

Exclusive ITW par Benoît Gausseron (English version 🇬🇧)

Benoît Gausseron : Vous avez été primé lors de la dernière édition de Paris Photo cet hiver. Ce fut l’occasion pour beaucoup de découvrir votre travail. Comment avez-vous vécu cette rencontre avec Paris et le public ?

Raisan : Je suis très honoré d’avoir reçu ce prix Paris Photo 2023. Mon court séjour à Paris a été inoubliable, plein de d’inspirations, de rencontres et d’échanges avec de nombreux artistes. L’atmosphère vibrante de Paris était incroyable pour moi. Un moment rare. J’ai vraiment hâte de revenir.

BG : Vous êtes né à Mossoul en Irak et vous travaillez actuellement à Leipzig en Germany. Quelle a été votre vie à Mossoul jusqu’à votre départ en 2015 ?

Raisan :  Ma vie à Mossoul jusqu’en 2015 était marquée par l’histoire de la ville et sa richesse culturelle. J’y ai étudié les beaux-arts avant de devenir photographe pour des journaux locaux. Mais la situation est vraiment devenue invivable en raison de la guerre. Beaucoup de mes amis sont morts.

BG : Vous avez quitté Mossoul dans des conditions extrêmement difficiles. Quand avez-vous pris la décision de l’exil ?

Raisan : J’ai décidé de quitter Mossoul lorsque la vie sur place est devenue impossible. Je crois que j’ai pris cette décision au tout début de la guerre à Mossoul en 2014. Ce fut un choix terrible de quitter ma ville natale. Mais j’aspirais à vivre en paix.

BG : Les migrants sont souvent silencieux sur leurs périples vers l’Europe. Le chemin de l’exil à travers la Turquie et la Grèce vers l’Allemagne occupe une place importante dans votre travail de photographe. Pourquoi ?

Raisan : Le périple vers l’Europe est un aspect essentiel de mon travail de photographe. C’est un témoignage de l’histoire plus large des migrations des hommes. Ces images témoignent de l’aspiration à une vie meilleure. En accordant au chemin de l’exil toute sa place dans mon travail artistique, je cherche à mettre en lumière les défis et les expériences de tous les migrants. Cette perspective est trop peu présente dans l’art contemporain. Les images parfois difficiles peuvent être publiées sans pour autant être dégradantes pour les migrants. 

BG : Avez-vous pris beaucoup de photos avec votre téléphone ?

Raisan : Oui bien sûr. J’ai pris des images sur le chemin entre la Turquie et l’Allemagne avec mon I-Phone. Mais je ne savais pas ce qu’il adviendrait de ces photos. En 2020, j’ai publié un livre avec ces images.

BG : Mossoul, depuis la cité de Ninive jusqu’à l’occupation de Daech, est une ville emblématique aux yeux du monde entier, combinant le meilleur et le pire de l’histoire de l’humanité. Que signifie Mossoul pour vous ?

Raisan : Mossoul porte une histoire et une culture millénaires. La ville, c’est à la fois Ninive, la beauté et le tragique, et c’est le cœur de mon travail d’artiste.

BG : Vous combinez dans vos photos la carte de Mossoul et votre propre peau. Quels rapports entre le corps, la chair, le sang et la ville ?

Raisan : La connexion entre la carte de ma ville natale et la peau de mon corps symbolise l’interdépendance entre mon identité personnelle et les racines géographiques de ma ville. Cela dépasse les éléments physiques tels que la chair, la peau ou le sang. Il s’agit d’explorer les liens entre un individu et son lieu d’origine et d’interroger la question de l’identité. Ce travail reflète un rêve que j’ai fait de voler au-dessus de la ville. Une incroyable sensation de liberté et d’ancrage. Mon travail a une part d’abstraction et j’essaie de faire en sorte que mon langage photographique laisse place la libre interprétation.

BG : Sur quoi portent vos travaux actuellement et quels sont vos projets d’exposition ?

Raisan : Je travaille actuellement sur de nombreux projets et quelques expositions à venir en Allemagne. Je prépare notamment une exposition en solo pour mon diplôme de master à l’académie des Beaux Arts de Leipzig.

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