Des poils, un décolleté et de la pudeur, entretien avec Marie Simon

Marie Simon auteur de "Décolleté" Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde
Marie Simon auteur de “Décolleté” Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde

Des “Poils”, un “décolleté” et, pour finir, la “Pudeur” : tels sont les titres de ces trois volumes de la collection Pictum, aux éditions de la Table Ronde.

"Poils", "Décolleté" et "Pudeur" Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde
“Poils”, “Décolleté” et “Pudeur” Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde

Marie Simon, auteur de “Décolleté”, me reçoit et m’entretient sur le principe de cette collection où, surprise, le lecteur commence par les illustrations de 50 oeuvres d’art. De cette façon, le lecteur peut se contenter de regarder les belles images et, si le désir suggéré par ces images est suffisant, poursuivre sa découverte par la lecture du texte proposé à la fin.

L’idée était de développer une collection autour du corps, légèrement influencée par les études de Georges Vigarello et Alain  Corbin sur l’histoire du corps.

Marie, en 1995, avait écrit Mode et peinture, livre qui se concentrait sur les rapports entre la mode et la peinture au XIXe siècle et,plus précisément ,à partir du second Empire, creuset de la naissance des Grands Magasins, de l’industrialisation, des crinolines et de la révolution picturale du paysage et du réalisme. La mode et la peinture ont alors inauguré ce dialogue constant qui acquiert une grande importance dans le mouvement artistique.

Philippe Thiébault, conservateur général du patrimoine, commissaire de l’exposition “L’impressionnisme et la Mode” au musée d’Orsay et auteur de “Pudeur”, connaissant ce livre, est venu la trouver pour lancer cette collection.

Marie Simon auteur de "Décolleté" Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde
Marie Simon auteur de “Décolleté” Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde

“Je trouvais cela vraiment passionnant de partir de ce que dit le corps et de son importance pour revoir les tableaux, et je pense que je ne l’aurai pas fait  de la même façon il y a quelques années…et donc je trouvais l’idée géniale, et l’occasion aussi de parler du statut du beau livre.

L’idée était de faire un livre différent qui commence par les 50 images comme une visite d’un musée et après le texte. Du coup cela redonnait au texte sa vraie place..”

Tout le monde a une idée du décolleté qui ne sera pas la même que la mienne, l’image du décolleté est omniprésente, dans la rue , les livres, journaux internet. Les yeux des hommes s’illuminent à ce sujet, ils ont leur propre “point de vue”, au sens figuré également !

Les 50 décolletés se découvrent à travers le livre, Marie Antoinette déshabillée ou en Reine de France par Elisabeth Vigée Lebrun (une grande rétrospective est prévue à la fin de l’année au Grand Palais). Quelques pages plus loin un portrait de Madame Grand, ci-devant Mme de Talleyrand (1802), par la même artiste face à une Marilyn Monroe pulpeuse dans Certains l’aiment chaud. (1959) Le très beau décolleté impudique d’Agnès Sorel par l’école de François Clouet (XVIème siècle) ou encore une photographie de Cindy Sherman (1958) impudique agenouillée sur le rebord de sa fenêtre. A la fin du XIXe, John Singer Sargent et Giovanni Boldini nous offrent des décolletés très élégants, au contraire de l’ambiance torride du film La dolce vita entre Marcello Mastroianni et Anita Ekberg. La curiosité et le voyeurisme sont également suggérés avec le fameux “Verrou” de J.H. Fragonard…

Marie Simon auteur de "Décolleté" Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde
Marie Simon auteur de “Décolleté” Coll. Pictum, éditions de la Table Ronde

Ainsi défilent dans ce livre les illustrations de décolletés de face, parfois de dos, choisies par Marie, à travers l’histoire, la peinture et qui reflètent sa perception de cette posture de séduction féminine  : la séduction est-elle dans l’oeil de celui qui regarde ou dans l’attitude de celle qui montre ? Eternelle question que l’ouvrage vous invite à répondre à travers une promenade artistique, esthétique et littéraire.

Les livres “Poils” et “Pudeur” déclinent ces mêmes principes Je voudrais citer dans le volume “Pudeur” de Philippe Thiébaut “Sainte Marie-Madeleine”, sculpture de la Collégiale Notre-Dame d’Ecouis, vers 1311, d’une grande modernité et d’un mouvement sublime ! La” feuille de vigne femelle” de Marcel Duchamp est tout aussi surprenante…

Celui de “Poils” de Marie-France Auzepy, professeur à l’université Paris VIII, nous montre évidemment “L’origine du monde” de Courbet, en commençant par la “tête d’homme barbu” de Picasso, et poursuit avec des choix parfois violents comme “Le viol” de Magritte. Dans ce volume, les hommes y sont à l’honneur avec leurs barbes et leurs perruques et le lecteur pourra constater que les “hipsters” contemporains de nos espaces urbains ne datent pas du XXIème siècle.

Marie Simon est styliste et a écrit sur la mode. Elle collabore régulièrement avec la presse et l’édition spécialisée des beaux livres. Une autre de ses passions est la photographie qu’elle nous fait partager en nous dévoilant dans ce livre “Décolleté” les artistes qu’elle aime.

Prise au jeu je me suis amusée à imaginer ma propre sélection. A votre tour de jouer !

Pour "Pudeur" : Vélasquez "Vénus à son miroir" Grand Palais
Pour “Pudeur” : Vélasquez “Vénus à son miroir”
Grand Palais
Pour "Décolleté" : Niki de Saint Phalle - Grand Palais - 2014-2015 ©Nathalie Mourot
Pour “Décolleté” : Niki de Saint Phalle – Grand Palais – 2014-2015
©Nathalie Mourot
Pour "Poils" : David Altmejd
Pour “Poils” : David Altmejd

Bibliographie (beaux-livres: texte et iconographie) :

Mode et Peinture, éditions Hazan,1995,

une étude des influences réciproques et étonnement fécondes de la mode et de la peinture du second Empire aux années 1910 et du rôle essentiel de la mode dans l’avènement de la modernité.

Les Métiers de l’élégance éditions du Chêne, 1996, en collaboration avec le photographe Jean-Bernard Naudin et la styliste Lydia Fasoli,

un livre témoignage sur les derniers artisans de la haute couture à Paris et sur l’histoire de leurs métiers ancrés dans une géographie précise de la capitale depuis le Moyen-Âge.

Les Dessous, éditions du Chêne, 1998, dans la collection des « Carnets de la mode »,

une histoire de la lingerie féminine faite de rapprochements entre passé et présent, une analyse des transformations physiques et de la perception du corps qu’elle sous-tend.

La Mode enfantine, éditions du Chêne, 1999, dans la même collection,

le premier beau livre français consacré à l’ histoire du costume des enfants. Confrontations entre passé et présent.

Voyageurs, petite histoire du nécessaire et du superflu, éditions Epa, 2004,

une typologie du voyageur, de l’aventurier au dandy en passant par le voyageur immobile, avec une galerie de portraits, une analyse historique et sociologique ponctuée de panoplies, d’équipements, d’objets et d’accessoires attachés aux différentes pérégrinations d’antan et d’aujourd’hui.

La Mode, 1945-1975, éditions de la Martinière, 2009,

les Trente Glorieuses sont une période échantée pour la mode qui connait de grandes révolutions vestimentaires, du new-look aux bas nylon, bikinis ou minijupes, ainsi que la naissance du prêt-à-porter. Ce livre retrace ces bouleversements en s’attachant particulièrerment à la mode quotidienne et en citant des témoignages des acteurs essentiels de l’époque.

Carnets de tendances Kids, la Martinière, 2012,

à la manière d’un cahier de tendances, un panorama de la mode et du design pour enfants, décryptant le phénomène du kidding dans l’histoire de la mode enfantine. Des interviews de designers, créateurs de mode, rédacteurs en chef de magazines… Avec la collaboration de Little Fashion Gallery.

Décolleté, éditions de La Table Ronde, collection Pictum, 2014,

le décolleté est une promesse, un vertige, celui du dévoilement. Sa puissance évocatrice est plus forte que celle du nu. A travers une cinquantaine d’œuvres d’art, ce livre pose un autre regard sur l’histoire de la mode.

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