Mucem – Exposition “Lieux Saints partagés”

Marc Chagall Marc Chagall "Moïse devant le buisson ardent" 1960/1966
Marc Chagall
“Moïse devant le buisson ardent” 1960/1966

Exposition « Lieux Saints partagés » du 29 avril au 31 août 2015.

Auteur : Myriam Trefi

En ce moment, et jusqu’à la fin du mois d’août se tient au Mucem, à Marseille, une exposition particulièrement émouvante et en prise directe avec l’actualité « Lieux saints partagés ».

. La Vierge visitée par les anges pendant la fuite en Égypte, Francesco Albani dit L’Albane, Bologne, Italie, deuxième moitié du XVIIe  siècle, huile sur cuivre, 75 x 95 cm, musée-château de Fontainebleau, dépôt du musée du Louvre, département des peintures, Paris © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau)/Gérard Blot
. La Vierge visitée par les anges pendant la fuite en
Égypte, Francesco Albani dit L’Albane, Bologne, Italie,
deuxième moitié du XVIIe
siècle, huile sur cuivre, 75 x
95 cm, musée-château de Fontainebleau, dépôt du musée
du Louvre, département des peintures, Paris
© RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau)/Gérard Blot

Cette exposition, est dans la droite ligne de la vocation muséale du Mucem (un musée de société), un témoignage vivant et contemporain éclairé par des évènements et des œuvres historiques. On y voit les partages et divisions des lieux, des rituels et des saints des 3 religions du livre, dans une zone qui va du Maghreb au Machrek et au-delà (Turquie, Iran).

J’ai la chance d’être guidée dans ma visite, à l’abri de la résille de béton conçue par Rudi Riciotti, par Manoël Pénicaud, commissaire associé de l’exposition qui travaille sur cette exposition depuis 3 ans. Il me rappelle l’une des spécificités du Mucem qui est de mener des enquêtes-collecte sur le terrain faites par ses chercheurs ; des films, des photos, des témoignages et des objets en sont rapportés qui jalonnent notre chemin. Le Mucem se situe dans la lignée des musées des arts et traditions populaires.

Notre Dame qui fait tomber les murs, Manoël Pénicaud, Bethléem, 2014, MuCEM/IDEMEC  ©MuCEM/IDEMEC/Manoël Pénicaud.
Notre Dame qui fait tomber les murs,
Manoël Pénicaud, Bethléem, 2014, MuCEM/IDEMEC
©MuCEM/IDEMEC/Manoël Pénicaud.

A l ‘intérieur de l’exposition, on découvre quelques œuvres d’art contemporain qui ne participent pas du discours scientifique et anthropologique mais qui donnent des temps de respiration et font écho au religieux. Le parcours est conçu comme un pèlerinage, on est accueilli par des vidéo de pèlerins de toutes confessions et on quittera l’exposition sur ces mêmes images. A l’entrée de l’exposition, la première œuvre que l’on voit est contemporaine, c’est un tapis constellé de chaussures de toutes tailles conçues dans la matière du tapis. Tapis de prière, tapis volant, tapis où l’on accueille pour le thé, le charme de l’objet opère, à la fois convivial et dépaysant.

Salvador Dali "St Georges et le Dragon "
Salvador Dali “St Georges et le Dragon “

C’est Abraham, le père des religions qui nous accueille ensuite dans la chênaie de Mamré près d’Hébron, aujourd’hui le tombeau des patriarches est toujours fréquenté par des juifs et des musulmans mais leurs espaces sont séparés.

Naji Kamouche "Caresser l’errance d’un pas oublié" 2005 Collection frac, Alsace, Sélestat
Naji Kamouche “Caresser l’errance d’un pas oublié” 2005 Collection frac, Alsace, Sélestat

Les figures de femmes vénérés sont également très présentes : Rachel, la mère de Joseph, morte en enfantant son cadet Benjamin a toujours été l’objet d’un culte des femmes de toutes religions qui souhaitaient un enfant, car elle a eu ses enfants à un âge très avancé. Aujourd’hui, il a été mis fin au partage de ce lieu de culte avec le mur de séparation entre Israël et la Palestine, mur qui entoure désormais le tombeau dans Bethléem pour une appropriation exclusive du tombeau de Rachel, ce partage est aujourd’hui division.

Benjamin Boyadjian- "Fantasmagorie d'un drone" Jérusalem, 2015
Benjamin Boyadjian- “Fantasmagorie d’un drone” Jérusalem, 2015

Un dessin d’un artiste palestinien contemporain Benjamin Boyadjian montre une vue aérienne imaginaire de la ville de Bethléem dont le survol est évidemment interdit. Il a pour cela pris des milliers de photos pour reconstituer (aidé en cela par sa formation d’architecte) ce qu’il appelle des « fantasmagories d’un drone » ou une vue aérienne à l’encre de Chine où l’on voit le mur de séparation Israël/territoires entrer dans Bethléem faire le tour du tombeau de Rachel pour ressortir de Bethléem. On découvre aussi avec amusement et effroi des crèches vendues aux touristes à Bethléem où les rois mages venus apporter leurs cadeaux à Jésus sont arrêtés par le mur.

Des douches sonores jalonnent notre chemin dans l’exposition, conçues par des étudiants en son et images, ce sont des mélanges de chants, de prières, de poèmes ou des reconstitutions de dialogues à partir des mémoires de Laurent d’Arvieux au XVIIème siècle.

On redécouvre ensuite Marie, la figure de la vierge Marie qui impressionne les adorateurs chrétiens et musulmans, Marie la chrétienne, Marie la musulmane.

Marie mentionnée plus souvent dans le Coran (34 occurrences) que dans l’ensemble du nouveau testament (19 occurrences). Marie adulée en tant que mère pour sa fécondité et qui fait l’objet de pèlerinages de fidèles musulmans à l’église du St Sépulcre à Jérusalem, à Matarieh en Egypte, et dont les apparitions sont guettées à Zeitoun

A Assiout ou Al-Mynia. Marie est aujourd’hui spontanément dessinée en icône sur le mur de séparation. C’est aussi elle qui veille sur les naufragés, « la vierge de Lampedusa ». Une très belle oeuvre d’art contemporain illustre ce culte de Marie, la sourate de Marie dans le Coran est calligraphiée à la feuille d’or sur 4 panneaux de bois étroits relié entre eux et dont l’agencement peut rappeler la forme d’une croix. De Notre Dame de la Garde à Notre Dame d’Alger la dévotion est identique chez les chrétiennes et les musulmanes qui vont prier Marie.

Pierre Malphettes "Un arbre, un rocher, une source"
Pierre Malphettes
“Un arbre, un rocher, une source”

Un magnifique tableau de Chagall « le Buisson ardent », nous montre Moïse qui tombe à genoux devant le buisson qui brûle sans se consumer, sa mission divine lui est annoncée par un ange flottant au milieu d’un cercle coloré on voit sur la gauche du tableau la sortie d’Egypte et même les tables de la loi.

Vient ensuite la figure de Saint Georges qui rassemble en un pèlerinage annuel en avril, sur une île au large d’Istanbul jusqu’à 100 000 personnes en majorité musulmanes, illustré par une statue de Saint-Georges par Dali.

Notre périple se termine sur deux personnages singuliers et résolument engagés dans le dialogue interreligieux.  Louis Massignon islamologue catholique français à l’origine du pèlerinage islamo-chrétien des 7 dormants qui a lieu tous les ans depuis 1954 en Bretagne et le père Paolo dall’Oglio . L’histoire de ce jésuite italien installé en Syrie au monastère de Marmoussa est aujourd’hui tristement célèbre depuis son enlèvement par Daesh en 2013. L’atmosphère d’accueil, de partage et de recueillement qu’il avait su créer dans ce monastère qu’il avait reconstruit est magnifiquement décrite dans le livre de Camille de Rouvray « quitter Alep en guerre »,. Amoureux de l’islam et croyant en Jésus, c’est malheureusement aujourd’hui un témoin disparu.

Mucem - Lieux Saints partagés "Crèche de Bethléem"
Mucem – Lieux Saints partagés
“Crèche de Bethléem”

Allez voir cette exposition très riche, protéiforme qui mêle histoire, actualité, témoignages et art contemporain, sculpture, peinture, photo et vidéo. Le thème des partages et divisions dans le religieux nous oblige à prendre de la hauteur et à nous arrêter sur le patrimoine commun des peuples et de leurs divisions politiques créées de toutes pièces au nom de la religion.

Myriam Trefi

Lieux saints partagés / Mucem

Camille de Rouvray “Quitter Alep En Guerre” Editions Le Bord de l’eau

Camille de Rouvray - "Quitter Alep en guerre"
Camille de Rouvray – “Quitter Alep en guerre”

Manoël Pénicaud “Le réveil des septdormants, un pèlerinage islamo-chrétien en Bretagne” Editions du Cerf, 2015

Rudy Ricciotti “Le béton en garde à vue : manifeste architectural et théâtral ” édition Lemieux, 2015

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