Martin Kollar: “Provisional Arrangement “

Le titre nous dit tout. L’incongruité des images, la “poésie de bouts de ficelle” comme la nomme Lydia Dorner, commissaire de l’exposition, les bricolages éphémères, l’introduction impromptue d’éléments perturbateurs au sein d’univers immuables. Ici le permanent s’effrite et se transforme en temporaire. Martin Kollar s’intéresse à cette évolution de notre environnement et à l’adaptation, parfois fantaisiste, de l’homme à ces changements.

Son exposition au Musée de l’Elysée est étonnante, déroutante, pour certains, dérangeante, moi, je l’ai trouvée interpellante et immersive. Je me suis sentie, petit à petit, happée par ces univers bizarres, pourtant fortement ancrés dans la réalité. Une réalité que nous ne connaissons pas ou ne voyons pas. Les images, qu’en tire le photographe, sans aucune mise en scène, incluent toujours un détail singulier, qui en transforme le sens. Ajustements à des changements de son milieu pour répondre à ses besoins , résilience de l’homme ou de la nature face à la désagrégation de ce qui l’entoure. Chacun tissera l’histoire qu’il y lit . Jeux de paradoxes, les images se tendent entre entre le naturel et le fabriqué, le passé et le présent, le fonctionnel et la vie.

©Thegazeofaparisienne
De magnifiques légumes aux couleurs vibrantes, jetés comme des déchets au milieu d’une nature qui les a produit; La froideur technique d’un robot contrastant avec l’image vivante d’un seau d’enfant, dont on se sert, faute de mieux pour tester la précision de la machine; ou, ailleurs, une planche de bois posée sur le dossier d’un fauteuil contre une fenêtre – pour en faire quoi?… la créativité humaine est pleine de surprise! De ces étonnements nait également l’humour, un “comique de situation”, comme ce stade de football pentu, construit à flanc de colline…. qui pourrait y jouer?
L’agencement des images entre elles revêt, ici, un caractère essentiel. Dans le cadre du Prix Elysée 2014-16 qu’il a remporté, le projet de Martin Kollar se bâtit autour d’une exposition organisée au Musée, mais également d’une création éditorial dont la narration se précise au fil des pages. En résulte, la composition d’ensembles de photos qui se répondent et amplifient leur sens les unes au regard des autres.
Le photographe joue avec nous. Ainsi, dans la même salle, l’image d’un oiseau empaillé portant une caméra, ancêtre de nos drônes durant la 1ere guerre mondiale, répond à une autre photo, où la nature est insondable, dissimulée sous des filets de protection près d’une route; cette même route fait écho à une autre image de route, paysage ouvert de nature et de liberté mais où apparait une cage verticale, elle même répondant à l’oiseau précédent… la boucle est bouclée. Les signifiants se valorisent.


Le regard fascinant de Martin Kollar attrape toutes ces situations insolites, construit des relations qui déroulent un sens , sans pour autant nous en donner les clés… il laisse à chacun de nous le soin de composer sa propre histoire .
Caroline d’Esneval

“Provisional Arrangement” de martin Kollar
Martin Kollar
“Provisional Arrangement”
Jusqu’au 31 Décembre 2016
Musée de l’Elysée, lausanne
Commissariat: Lydia Dorner
En savoir plus:
exposition Martin Kollar Musée de l’Elysée: Click

