William Leawitt, le “Rêve Américain” made in California

  Pour la première fois en Europe, le MAMCO dédie une rétrospective à l’Artiste Californien, William Leawitt. Figure pionnière des mouvements d’Art conceptuel et Narratif, qui émergent au début des années 70, il explore les ressorts  du “rêve Américain” fabriqué par le cinéma Hollywoodien.

Qui est William Leawitt ? Je ne connaissais rien de cet artiste, et me suis rendue à l’exposition avec la curiosité aiguisée de pénétrer en terre inconnue et l’intuition d’une heureuse rencontre.

William Leawitt, Theme Restaurant,1986, courtesy MAMCO

Arrivé à Los Angeles dans les années 60, Leawitt est fasciné par l’influence qu’exerce, sur le monde occidental, le “Rêve Américain” fabriqué par les studios  Hollywoodiens. Il en étudie les codes, les  rouages, qui brouillent si bien les pistes entre la réalité et la fiction. Dans ses oeuvres, Leawitt cherche, à son tour, à créer de toutes pièces “les effets de la vie réelle”, quelque soit le médium qu’il utilise (installation, photographie, peinture, dessin etc..).  Il conçoit des environnements particuliers, où le spectateur se projette dans des stéréotypes “glamourisés” de la famille américaine.

 Leawitt nous conte des Histoires..

“Pour William Leawitt, le processus de création commence par un texte” explique Julien Fronsacq – conservateur en chef du MAMCO. Il emprunte au cinéma l’idée du scénario, la sérialité, l’intrigue, les séquences. Puis il construit minutieusement l’oeuvre correspondant à son récit: un assemblage très précis d’objets du quotidien, qui fera naître, dans l’imaginaire du visiteur, l’impression d’une autre réalité.

William Leawitt, California Patio 1972, ©Thegazeofaparisienne

C’est exactement ce que j’ai ressenti, devant la première pièce de l’exposition: “California Patio“. Elle commence par une feuille écrite, décrivant, à la manière d’un script, le contexte de la scène et ce qui va s’y jouer. Puis l’installation grandeur nature: une baie vitrée entre-ouverte sur un début de patio-jardin, des rideaux bleus et une lumière particulière. En la regardant, j’ai l’impression qu’une personne va entrer chercher une chose oubliée à l’intérieur de la maison, puis ressortir rejoindre les convives dans le jardin…une tranche de vie dans un monde parfaitement organisé, où l’installation fait figure de passage entre deux mondes. Cette même  impression de lieu habité me saisit dans une mise en scène très différente, au curieux décor:”The Small Laboratory“. Au milieu des alambics et des fausses plantes vertes, la présence insolite d’objets quotidiens hétéroclites donne un côté “baba cool” totalement décalé.

William Leawitt, The small laboratory, 2015, ©thegazeofaparisienne

C’est cependant,”Telemetry set” , qui m’a le plus marqué. L’oeuvre présente deux personnages côte à côte devant un film . Chacune de leur tête est un écran ovale sur lequelle est projeté une video spécifique, exprimant les pensées de chacun. Puis durant un court instant, les deux vidéos se mettent au diapason, montrant les mêmes images, avant que leurs pensées ne se “séparent” à nouveau. “C’est comme si les deux personnages entraient en télépathie;  le cinéma, c’est le rêve d’une expérience collective, c’est voir ensemble la même chose, ce qui n’est le cas de l’Art “, commente Julien Fronsacq.

Des oeuvres en séquences pour inciter le spectateur à créer son propre récit..

William Leawitt, Spectral Analysis, 1977, ©thegazeofaparisienne

Les installations Californiennes de Leawitt sont des portes ou des seuils qui s’ouvrent sur le futur; chacun peut créer l’imaginaire de ce qui se passera ensuite, là-bas dans ce lieu proche, que l’on devine. Grand amateur de romans noirs, l’Artiste aime ainsi semer quelques indices pour stimuler nos propres rêves. Il adopte le même principe pour ses photos, peintures ou dessins, composés comme les séquences mystérieuses d’un récit. A nous de les relier, combler les vides, et créer notre histoire.

L’Architecture moderniste et futuriste de L.A  inspire ses créations

William Leawitt, Solvent Molecule, 1995, © MAMCO

Toute l’oeuvre de Leawitt est imprégnée de sa fascination pour l’architecture de la Cité des Anges. Il y trouve sa source d’inspiration et emprunte son imagerie moderne et futuriste. Ainsi le “Theme Restaurant”, sorte d’araignée de métal de l’aéroport de L.A, le “Planetarium Projector“, tiré du film “la fureur de vivre” mais aussi les détails de ses installations- portes coulissantes, patios-jardins, couleurs chaudes etc.. révèlent l’influence formelle de cette ville mythique.

Julien Fronsacq devant California Patio
©thegazeofaparisienne

Des expositions autour de la rétrospective de W.Leawitt

Pour poursuivre le propos de l’Art Narratif, le MAMCO présente simultanément d’autres expositions qui font écho à la rétrospective de Leawitt, comme autant de dialogues aux liens plus ou moins étroits. Avec son installation “The Never Ending Book“, Allen Ruppersberg, lui -même un proche de Leawitt, invite le spectateur à composer son propre livre à l’aide d’éléments ( images et textes), mis à sa disposition. Martha Rosler, artiste militante, introduit des images de guerre  à l’intérieur des foyers américains. Conceptuel, Adrien Piper se crée un “clone” qu’il met en scène. Sont également proposés des ensembles de photographes majeurs du Narrative Art, tels Richard PrinceDonna Lee Phillips, Silvia Kolbowski etc..,et du “Fictional Art”.  

 

L’exposition Leawitt est un voyage au coeur de la culture Californienne . Elle nous dévoile la manière dont, son emblématique industrie cinématographique Hollywoodienne, a donné naissance à un Art Narratif très visuel et scénarisé, peu connu en Europe. Le travail de William Leawitt a ouvert la voie à cette nouvelle représentation artistique, née dans les années 70’s, qui continue à inspirer les générations suivantes d’Artistes Américains.

Caroline d’Esneval 

William Leavitt 

au MAMCO, Genève

jusqu’au 4 février 2018

 10, rue des Vieux-Grenadiers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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