Bijoux d’artistes de Max Ernst à Pablo Picasso
Chefs-d’oeuvre des Ateliers Hugo
PAR CHARLOTTE LE GRIX DE LA SALLE
C’est un secret trop bien gardé !

Pensez… Hugo, Picasso, Cocteau, Ernst, Arp, Matta, tous ces noms réunis là, nichés au cœur du Marais…

Un piège s’est glissé dans cette liste. Il ne s’agit pas de Victor mais de François. François Hugo. Arrière-petit-fils (1899-1982).
Un homme qui aurait pu se contenter de vivre de son nom. Il ne s’en ai pas privé, jeunesse insouciante et dorée, il aime les « virées », il aime la bohème, il aime s’entourer d’artistes.
Mais pour faire quoi ?
S’il est un fil rouge dans sa vie, c’est travailler de ses mains.
Menuisier, graveur, relieur, et même éleveur de moutons, il s’essaie à tout. Quand en 1923, il monte un atelier et qu’on lui demande : « un atelier de quoi ? », il répond : « un atelier de rien ».
François Hugo aime fabriquer, à commencer par ses outils.

Pendant un temps, il façonne les boutons qui ornent les vêtements de Gabrielle Chanel (ce ne sont pas encore des pièces haute-couture, mais chaque vêtement, avec ses boutons, est unique). La maison s’appelle « Hugo Chanel », avouez que ça a de la gueule !
L’entre-deux guerres est la période bénie où se forgent de belles amitiés, dont celle, indestructible, avec Max Ernst. Jean Cocteau, Picasso, ils sont tous dans le Sud. Aix, Vallauris.

1955, un certain Pablo Picasso cherche quelqu’un pour venir à bout d’une de ses « lubies » : fabriquer des plats en argent. Il lui confie des poteries, les « pâtes blanches », à partie desquelles François exécute 24 plats au total, selon la technique du « repoussé » et « martelé ». Des milliers de gestes pour chaque pièce, parfois jusqu’à 20 000 coups de marteau.

Les Ateliers Hugo
Picasso les garde pour lui ! Il les cache même. Il faudra l’intelligence et l’obstination de Jacqueline, la femme de François, pour le convaincre de diffuser et commercialiser ces pièces uniques. C’est la naissance des Ateliers Hugo, qui existent encore aujourd’hui, aussi fameux que secrets, le seul atelier au monde à produire : les bijoux d’artistes.
Oh il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de série, 12, 18 pièces tout au plus. Tout n’est pas transférable dans l’argent ou dans l’or, question de taille, d’échelle. Tout est affaire de collaboration entre l’artiste et l’artisan.
François doit plusieurs fois abandonner devant Picasso : « ce n’est pas possible ». Alors, c’est Picasso qui exécute spécialement pour Hugo quatre grands dessins pour des plats sur pieds appelés les « compotiers ».


Photo dédicacée de Picasso à François Hugo & Compotier en argent
Picasso qui tient compte du futur travail de l’orfèvre, deux techniques mariées et respectées, une nouvelle habileté, une nouvelle forme d’art, et au final un objet, qui est davantage que le mariage de deux arts : le fruit d’une intense amitié. S’effacer devant sa maîtrise et son ego pour le beau.


Evidemment, Ernst, l’ami de toujours, suit. Lui préfère l’or. Cocteau, Derain, Dorothea Tanning, Arp, Matta. Les artistes apportent leurs plâtres, leurs dessins, des plombs, des terres cuites. On discute, on imagine comment cela ne peut pas prendre forme ou prendre forme. Et naissent ce pièces rares mais portables, atemporelles.
Parce ce sont des bijoux, peut-être parce que ce sont ces cadeaux pour leur amour, ces artistes osent. François ne fait que les suivre tout en leur disant ce qu’il pourra en faire, puis martèle, des heures durant. Ses descendants continuent de le faire, dans le plus grand secret, fabriquant, recherchant, rachetant et revendant ces « bijoux d’artistes » au charme unique.

Il est très émouvant de retrouver, au milieu de ces bijoux, les innombrables lettres échangées entre Picasso, Cocteau, Derain, Ernst et François Hugo. Au-delà des objets, ces liens si riches, si profonds si solides entres artistes où la créativité n’est rien sans le savoir-faire.

INFORMATIONS :
Jean ARP
Jean COCTEAU
André DERAIN
Max ERNST
Roberto MATTA
Pablo PICASSO
Dorothea TANNING
Sacha Floch Poliakoff a dessiné pour l’exposition une galerie de portraits de ces artistes iconiques.
Exposition jusqu’au 12 février 2022
du mardi au samedi de 11h à 19h
GALERIE PIERRE-ALAIN CHALLIER
8, rue Debelleyme
75003 Paris


