Découverte de La Borne, village de potiers et artistes céramistes contemporains
C’est un petit hameau charmant, en Berry. On y accède par de ravissantes allées bordées de chênes, aux feuilles particulièrement lumineuses à cette époque de l’année. Niché dans la forêt, le long de la route Jacques Coeur, entre les vignobles de Sancerre et ceux de Menetou-Salon , qui pourrait imaginer que ce havre de paix, soit devenu un haut lieu de la création contemporaine en poterie et céramique? Sur les 200 habitants qui y résident aujourd’hui, une centaine sont des artisans et artistes, locaux ou venus de l’étranger, qui ouvrent de temps en temps leurs ateliers aux amateurs. J’y suis allée, poussée par la curiosité de découvrir la grande “ruche” de créateurs dédiés à ce savoir-faire ancestral, aujourd’hui reconnu comme une expression artistique à part entière.


La Borne, village de potiers depuis le XVe siècle
Comme souvent, la nature s’en est mêlée! Le destin potier de La Borne est étroitement lié au filon de grès sur lequel elle s’est bâtie. Dès cette époque, elle devient un lieu incontournable dans la fabrication de pièces et ustensiles du quotidien, et évolue peu à peu vers des objets de céramique plus rares, élaborés. Le début du XXème siècle marque un coup d’arrêt dans le rayonnement de La Borne, l’engouement pour ce matériau naturel traditionnel décline .


La belle endormie se réveille pourtant, dans les années 50’s, grâce à l’impulsion d’artistes passionnés de poterie et de céramique qui viennent s’installer à La Borne. Ils s’appellent Jean et Jacqueline Lerat, André Rozay, Anne Kjaersgaard, Vassil Ivanoff ou encore Jean Linard. Grâce à leur pratique artistique autour du grès , ils redonnent vie au hameau qui devient un centre de création reconnu de cette discipline. Le Musée de la Borne, abrité dans une ancienne église, rappelle les créations de ces maîtres céramistes du XXe siècle qui ont fait, de la Borne, un lieu incontournable de cet artisanat d’art.

D’une histoire locale à un rayonnement international
Aujourd’hui, La Borne attire des artisans et artistes céramistes contemporains de diverses sensibilités, venus du monde entier . Ils y installent leur atelier ou y passent juste quelques temps, inspirés par le lieu et les rencontres qu’ils y font.

Photo ©thegazeofaparisienne
Il fallait aussi à La Borne un lieu d’exposition. C’est chose faite depuis 2010 avec la création du Centre Céramique Contemporaine de La Borne (CCCLB), qui présente les travaux des artistes installés dans la région, mais aussi des créateurs Français ou étrangers, invités en résidence.

C’est par là que commence mon exploration de ce village de potiers, qui a gardé son charme d’antant et son authenticité.
Découverte des artistes céramistes au Centre Céramique Contemporaine de la Borne

Ce qui frappe au premier regard, dans cette exposition, c’est la riche diversité des oeuvres présentées. Elle est un reflet fidèle et très complet du foisonnement artistique de la région. Y sont actuellement montrées les oeuvres d’une cinquantaine de céramistes travaillant à La Borne et dans les alentours, à une seule exception près, l’artiste Elsa Sahal, invitée en Résidence .
Revisiter les objets fonctionnels du quotidien


Je me rends compte que certains céramistes sont toujours très attachés à l’usage fonctionnel des pièces de poterie, qu’ils subliment par leur travail. C’est le cas par exemple de Maya Micenmacher qui présente un séduisant Grand Saladier aux motifs graphiques et à la surface brillante, de Claudie Guillaume Charnoux avec sa ravissante Théière au bonnet et souliers rouges, qui évoque le pays des lutins et des contes, ou encore de Dauphine Scalbert qui propose une quarantaine de créations autour de coupes, jattes, vases, boites et autres contenants, figurant dans la partie de l’exposition Engobes blancs qui lui est dédiée .
Faire jaillir la création artistique de la terre cuite
Pour d’autres, au contraire, la céramique est le médium de prédilection pour exprimer leur univers artistique personnel, loin de toute contingence .

Dès l’entrée de l’exposition, mon regard s’est arrêté sur les deux Demi buste de Nicole Crestou. J’aime son travail de texture brute, poreuse, et usée comme celle des vestiges des temps antiques, ainsi que la mise en scène rapprochant les deux “moitiés” pour former un personnage étrange. Dans un registre régressif, les trois petits chats colorés et espiègles de Labbrigitte appellent le sourire et la tendresse . En particulier son “Chat de voyage à poignée”… que j’aurais volontiers emporté avec moi!!

Les Arbres inspirent les artistes,… et les céramistes ne font pas exception, bien au contraire. Claude Gaget en présentent deux ,dans un style naïf, bourré de charme. Charlotte Poulsen s’y intéresse également, de façon captivante et onirique avec ses sublimes Arbres de Vie. Une des très belles découvertes de cette journée!
Très sensuelles, longuement polies comme des galets, les créations rondes de Dominique Legros offrent un surface très lisse, où viennent s’incruster rainures et craquelures. Il y a quelque chose de mystique et mystérieux dans ces “Perles” dont on ne sait plus si elles de terre cuite ou de pierre.
Elsa Sahal, invitée en résidence à La Borne
La visite de l’exposition de la Borne s’achève avec les œuvres hautes en couleurs de l’artiste Elsa Sahal dans le cadre de sa collaboration avec Dalloun .

Je suis séduite par le dynamisme et l’humour de ses deux guéridons aux couleurs pop , dont les “jambes”, dégoulinantes de rose, jaune, vert et blanc, semblent emportées dans une danse effrénée . Dans le même esprit de teintes vives et de formes organiques, une console murale se compose de deux parties, dont les excroissances tentaculaires se nouent entre elles. En contraste, les bols noirs minimalistes et forts de Dalloun viennent se poser sobrement sur ces éléments de mobilier exubérants.
“La terre est le matériau récurrent de mes réalisations dans le champ de la sculpture et de l’installation. J’interroge ce matériau traditionnel et j’y insuffle une énergie et des préoccupations contemporaines. Tout mon parcours en tant qu’artiste a toujours tendu à mettre en valeur la contemporanéité de la céramique pour la placer au cœur de l’art d’aujourd’hui. C’est un matériau sensible, lié à la sensualité, au toucher.” Elsa Sahal

Le travail d’Elsa Sahal (née en 1975), propose un regard provocateur sur la représentation de la femme , la sexualité, le désir. Elle sculpte la terre en formes organiques , sensuelles parfois outrancières, mais toujours imprégnées de sensibilité et d’humour.
Une journée riche de belles découvertes et de rencontres dans ce hameau devenu un haut lieu de la création céramique contemporaine. A voir absolument.
Caroline d’Esneval
Programme Centre céramique Contemporaine de La Borne:
Exposition actuelle jusqu’au 3 Mai 2022.
Nouvel accrochage dès le 7 Mai avec Yoshimi Futamura, artiste plasticienne Japonaise et Florence Pauliac , artiste céramiste Française résidant en Provence.


Un commentaire
Florence Calvet
Merci Caroline pour cette passionnante découverte, je n’imaginais pas la vitalité de la création contemporaine dans ce village si historique pour les amateurs de poterie !
Florence C