Le regard de Frida Kahlo
Frida Kahlo (1907-1954), ce célèbre regard sombre accentué par cette ligne de sourcils noirs.

« C’est une chose merveilleuse d’avoir des yeux »,
Frida Kahlo
Frida Kahlo ce n’est pas seulement l’icône que nous connaissons tous, son œuvre magnifique c’est aussi une personnalité si vive si belle, captivante. Tous ces souvenirs de toute une vie défilent sous nos yeux au Palais Galliera. Près de 70 ans après sa disparition, ce qui la concerne crée toujours l’évènement et c’est le cas aujourd’hui.
La maison bleue Casa Azul
En 1954, après sa mort le peintre Diego Rivera son mari, épousé à deux reprises, décide de mettre sous scellés les portes de la Casa Azul , là où elle est née et a vécu pratiquement toute sa vie. Tous ces effets personnels s’y trouvent et c’est la première fois que l’on peut voir en France tous ces souvenirs, dessins, lettres, photographies, robes, les corsets orthopédiques, sa collection de statuettes précolombiennes, tous ces ex-votos protecteurs, un trésor découvert 50 ans après sa mort en 2004.


A gauche : Frida Kahlo portant une casquette, 1926
Tirage gélatino-argentique
Collection privée – A droite : Frida Kahlo à 19ans, 1926. Tirage gelatino-argentique. Collection privée.
Cette maison grise au départ avait été construite en 1904 par ses parents Guillermo Kahlo, photographe et sa mère, Matilde Calderón y González, métisse d’origine espagnole et indigène de la région d’Oaxaca. Le couple avait peint en bleu tous ses murs et l’avait décorée d’objets mexicains de l’art populaire . Cette maison était devenue un centre culturel très visité.
Diego Rivera et Frida Kahlo, s’y installent, ils accrocheront sur les murs leur collection de peintures votives sur métal, source d’inspiration pour Frida.
Ce couple est improbable, passionné, ils se sont mariés en 1927, elle est jeune, belle, brillante, lui est très célèbre, elle le compare à un crapaud, ses parents les surnomment “la colombe et l’éléphant”, il est l’amour de sa vie, elle a 20 ans quand elle le rencontre et lui le double de son âge, et pourtant tout en l’aimant et estimant son oeuvre, il la trompe sans vergogne jusqu’à séduire sa propre soeur. Frida en souffre énormément et se venge en ayant de son côté de nombreux amants, dont un certain Léon Trotsky.

« J’ai eu deux accidents graves dans ma vie. L’un dans lequel un tramway m’a renversée. L’autre, ce fut Diego »
Frida Kahlo
Un ruban autour d’une bombe
Mais revenons à la Casa Azul, une maison très connue outre Atlantique où de nombreuses personnalités sont passées , André Breton fin des années 30 est venu, lui et sa femme également artiste entretiendront une grande amitié avec Frida. Il écrira un texte pour sa première exposition à NewYork en 1938 en comparant son œuvre à « un ruban autour d’une bombe » expression que l’artiste n’apprécie pas vraiment.
C’est lui qui l’invite à Paris où elle y fera sa première exposition galerie Renou et Colle appelée « Mexique » c’est un grand succès , Miro la félicite, Picasso, Kandinsky et de nombreuses personnalités aussi…
Paris, c’est la mode Elsa Schiaparelli, les créations de Dali et de Leonor Fini, les rencontres avec les amis Marcel Duchamp, Dora Maar, Jacqueline Lamba femme d’André Breton, elle s’amuse, découvre cette capitale où tout lui réussit.

Ce petit portrait d’elle de forme ovale dans ce cadre papillon argent peint pour son amie Jacqueline Lamba est de toute beauté. L’artiste a beaucoup peint sur métal, reprenant le support des ex-votos mexicains.
A Paris, c’est la consécration, suite à cette première exposition, l’état français fait l’acquisition de son autoportrait The Frame (le cadre), c’est la première fois qu’une œuvre d’une artiste mexicaine rentre dans les collections françaises.
A Paris elle a une liaison avec le journaliste Michel Petitjean ce qui ne l’empêche pas d’écrire à Diego Rivera des lettres enflammées, elle offre à son amant parisien son « Cœur » une très belle peinture de 1937.
Mais nous sommes en 1939, à la veille de la guerre et toute cette effervescence habituelle de la capitale s’arrête, Paris est sombre , elle préfère ne pas aller à Londres sur l’invitation de Peggy Guggenheim.
L’enfance de Frida
Ces photographies de l’exposition montrent un petite fille rieuse jusqu’à 6 ans, lorsqu’elle contacte la poliomyélite, son sourire disparaît et ses yeux expriment cette intensité inoubliable.
Son corps mutilé par les drames qui la touchent, celui de l’accident dans le bus, du 17 septembre 1925, Frida a 18 ans, elle est avec son petit ami et subit de nombreuses fractures, et est empalée par une tige. Elle est retrouvée nue, statufiée, recouverte d’or par la peinture du peintre qui se trouvait là, les passants s’exclament alors en la voyant « Ballerina ». Immobilisée , subissant de nombreuses opérations, elle commence à peindre dans son lit.
Ses corsets sont des sculptures, parfois elle les peint. A Galliera, ils sont exposées dans une vitrine, c’est très émouvant, Frida Kahlo a subi tant de souffrances, sans compter les fausses-couches où il se faut de peu qu’elle meure, c’est une survivante. Son corps devient son sujet. Son handicap sert sa créativité, les corsets qu’elle doit porter, sa colonne vertébrale brisée, deviennent son œuvre.

Ce corps qu’elle met en scène, qu’elle habille sans ce soucier des convenances, en homme portant un costume 3 pièces, en femme avec ses tenues si reconnaissables.

«Du sexe opposé, j’ai la moustache et le visage en général.»
– Frida Kahlo
Son père la photographie en homme en 1926.
Très tôt Frida avait pris la pose devant son père, grand photographe mexicain puis des grands photographes suivent. De nombreuses femmes et amies la prennent en photo dans son jardin , sa maison . On connaît ses photos si célèbres de Gisèle Freund, ou de Lola Alvarez Bravo…
Son image est parfaitement maitrisée, étudiée, elle fait partie de son oeuvre, l’artiste joue avec ses nombreux miroirs accrochés dans toutes les pièces. Tous ces autoportraits à la fois différents et si identifiables se retrouvent sur ses peintures.

Les Etats-Unis, Gringolandia
Après son mariage elle part avec son terrible séducteur et mari Diego Rivera aux États Unis qu’elle appelle « Gringolandia ».

A San Francisco , elle a 23 ans, elle est d’une grande beauté, elle réfléchit et travaille sur son Look autochtone qui l’a rendue mondialement célèbre.
Les couleurs de ses robes traditionnelles Tehuana qui semblent danser autour de nous, la beauté des tissus des broderies, tout s’éclaire en les voyant, on comprend qu’elle soit si inspirante pour la haute-couture.
Fidèle communiste
Frida et Diego reçoivent Léon Trotski et sa femme qui fuient Staline, toute sa vie, elle restera convaincue du communisme, admirant Staline qu’elle dessine dans une composition avec son autoportrait. Elle a une vision idyllique de l’utopie communiste. Elle n’a pas connaissance de la réalité de ce régime totalitaire, les purges staliniennes ne seront connues qu’après sa mort.
Mais à NewYork au contraire, elle est sur place, elle critique la société de consommation et le racisme ambiant qui sans-doute renforcent ses convictions.
Au delà des apparences, une exposition très touchantes qui nous offre la possibilité de voyager dans le temps et au Mexique chez Frida Kahlo à travers tous ces souvenirs de la maison bleue.

FRIDA KAHLO, AU DELA DES APPARENCES
PALAIS GALLIERA, MUSÉE DE LA MODE DE PARIS
10, avenue Pierre Ier de Serbie, Paris 16e
Jusqu’au 5 mars 2023
COMMISSAIRES :
Circe Henestrosa, conceptrice et commissaire de l’exposition, directrice de l’école de mode LASALLE College of the Arts, Singapour
Miren Arzalluz, directrice du Palais Galliera, assistée de Alice Freudiger Gannit Ankori, conseillère curatoriale, PhD, directrice et conservateur en chef Henry and Lois Foster, Rose Art Museum, Etats-Unis

