Constance Guisset

Une matinée ensoleillée, une balade dans les rues de Paris, me voilà arrivée à mon rendez-vous devant une jolie façade, face à une église, avec la designer Constance Guisset. Je suis très curieuse de la rencontrer dans son studio car à plusieurs reprises j’avais pu voir son travail lors de son exposition Actio ! au MAD, sa scénographie pour le musée d’art moderne de Fontevraud, sa lampe Auguste comme une sculpture en noyer et métal en l’honneur de Perret ou encore la mise en scène d’un ballet sans oublier ses célèbres suspensions Vertigo devenues iconiques, créées en 2010.

Toujours très amusant de découvrir le studio de l’artiste, se trouver au coeur de l’action, voir les maquettes, échantillons, prototypes … Saisir au vol, inspirations et processus de création et d’une certaine façon être invitée à partager une fraction de cette intimité du créateur.

Le parcours de Constance Guisset est singulier car même si elle voulait devenir ébéniste, c’est vers d’autres études qu’elle se dirige, diplômée de l’ESSEC et de Sciences Po, on aurait pu penser qu’elle choisirait une autre carrière, Sa passion la rattrape, elle a toujours aimé inventer créer, bricoler, elle prend alors la décision de s’inscrire à l’ENSCI.

Lumineuse, à la fois artiste, ingénieur, scénographe, avec elle tout semble très simple. Des éditions limitées ou illimitées, elle s’adapte au projet, tout l’intéresse.

Une nécessité de penser et visualiser le futur objet avant de le dessiner

“Je n’ai pas une pratique du dessin pur permanente qui m’emmène aux formes, j’ai une pratique du dessin qui est liée au projet et qui passe par des formes déjà pensées, à l’inverse, certains designers dessinent beaucoup et de leurs dessins naissent des formes.”

C.G.

A l’origine d’une nouvelle réalisation, il faut ce temps de réflexion, de recherche dans les bibliothèques, musées, puis un dessin, je sais qu’en ce moment Constance est sur la lice pour participer à la conception d’un espace pour un lieu historique parisien, elle est partie plusieurs jours avec ses livres, s’imprégner de l’architecture du lieu, poser son regard sur des détails, des images qui pourraient l’inspirer, de la façon dont elle peut emmener une idée, un message dans un objet. Je croise les doigts pour que ce projet aboutisse !

Une lampe pour Perret

A la demande de Marion Vignal, elle se lance dans la création d’une lampe pour l’appartement paquebot d’Auguste Perret qui domine le jardin de la Maison de Balzac.et qui s’associerait à l’architecture du célèbre architecte du béton. La forme se fond harmonieusement dans le décor avec cette coupole (cercle blanc ) du plafond, le jeu de lumière qu’elle étudie, une lumière changeante douce, qui évolue grâce à un système de vidéo. Un tel projet demande un gros travail sur la cinétique, la réalisation d’une maquette en carton, son adaptation à l’espace, toute sorte de réflexion sur le potentiel de l’objet que ce soit sa technologie ou son esthétique. Ensuite, c’est au tour de l’artisan menuisier de reproduire le modèle. Une seconde lampe de taille différente a ensuite été conçue pour cet appartement niché tout en haut de cet immeuble qui rappelle une cabine de bateau.

Un goût éclectique

Constance Guisset donne cette impression de s’intéresser à de nombreux domaines, toujours avec beaucoup d’enthousiasme que ce soit pour le Grand Paris : la gare Villejuif Louis-Aragon, Où les vents nous portent en tandem avec l’architecte Philippe Gazeau , une résidence au Mexique, une exposition à Milan qui ouvrira ses portes bientôt ou encore des bancs pour l’église Saint Eustache, l’église a cette histoire particulière avec la création contemporaine, de nombreux artistes ont créé des oeuvres pour le lieu comme le triptyque de Keith Haring. Et ainsi pour les bancs, elle a dessiné un modèle très ingénieux, à la fois empilable et réversible permettant de suivre la liturgie ou d’écouter un concert d’orgue, leur fabrication a été confiée à Houssard Mobilier.

Surprise Party à Milan

Montrer à la fois les objets et le travail scénographique

Ces jours-ci, elle est à Milan, dans cette effervescence de la Milano Design Week 2023, nous sommes conviés à la Surprise Party de la designer, dans cet espace de l’institut français entièrement investi par l’artiste, toutes ses créations objets, meubles, sièges, lampes entrent en scène dans une bulle colorée, dans ce décor tout sera accessible, le visiteur sera invité à participer au spectacle en s’appropriant les pièces exposées et à découvrir ainsi la magie du studio de création.

De la fantaisie et des pieds sur terre caractérisent Constance Guisset

Savoir s’adapter, aimer les matières, les connaître

A Fontevraud je remarque les angles des murs arrondis qui donnent cette douceur si singulière et cette harmonie aux salles d’exposition de ce nouveau musée d’art moderne où se trouvent cette collection éclectique de Léon et Martine Cligman.

“Les démarrages architecturaux à angles droits me paraissaient assez agressifs cette nécessité de la douceur est visible dans les objets et les espaces, j’aime bien avoir des effets cinématographiques, j’aime le spectacle”

C.G.

Observer l’espace, le rendre attrayant, stimulant

“Vous êtes une force tranquille…”

“Je traite les espaces à chaque fois indépendamment et à la fois comme un spectacle. La justesse d’une proposition demande une réflexion, du travail, des erreurs… mais c’est passionnant. Quand j’ai réalisé l’entrée de la fondation Lee Ufan à Arles, l’artiste m’a dit une chose qui m’a beaucoup touchée “Vous êtes une force tranquille, il y a peu de choses mais tout est à sa place, cela a transformé l’espace”. Je m’étais insérée dans le lieu, j’ai réglé un problème d’acoustique, j’ai mis juste la chaleur nécessaire, j’ai essayé de faire deux trois choses qui faisaient qu’on se sentait bien et c’est ce que j’aime faire. Tout est source d’inspiration , aller voir une expo, se balader dans la rue, c’est de l’observation. Je n’aime pas l’idée d’avoir des apriori, j’aime penser qu’à partir de n’importe quelle couleur, je pourrais construire un univers. Je pense que la notion de couleur est très relative et que les couleurs sont à marier, très vite, j’ai fait des assemblages jaune/rose par exemple. “

Les artistes qu’elle aime

“J’aime beaucoup Georgia O’Kieffe qui a une expression plastique d’une somptuosité incroyable, son travail de la couleur… une des artistes que je préfère avec les sculptures de Jean Arp, en même temps j’aime l’humour de Castiglioni”

C.G.

De la couleur, toujours

Un dernier point , je remarque ces grandes feuilles au mur avec ces dessins bleus , Constance m’indique cette idée originale de la galerie Desplans qui a choisi d’éditer des dessins de designers et architectes .

Et voilà mon entretien se termine en couleurs celles de la chaise Batchair qui se décline dans toutes les couleurs, une chaise toute simple qui se pose dehors ou dedans, la seule difficulté est de choisir le modèle dans cette grande palette.