Antoine Caron, le maître de la Renaissance à Ecouen

Exposition évènement, on en rêvait depuis des siècles !

Vue du château d’écouen ©FBS TheGazeofaParisienne

Un dimanche au musée de la Renaissance à Ecouen, première visite de ce château qui a appartenu au Connétable Anne de Montmorency sous un beau soleil après l’avoir vu cet hiver. J’ai une passion pour ces lieux enchanteurs à seulement 20 mn de la Gare du Nord, quelques pas dans la forêt et au bout d’une allée derrière une grille, le château d’Ecouen apparaît comme par magie, je ne m’en lasse pas. 

Antoine Caron. Le Carroussel à l’éléphant, fin du XVIe siècle. Huile sur bois. 87 x 129 cm. Paris, collection particulière.

Antoine Caron à l’affiche

Le château d’Ecouen expose les oeuvres de l’artiste des Valois, Antoine Caron (1521-1599), et se transforme le temps de cette exposition en « Théâtre de l’histoire ». Une exposition qui fera j’en suis certaine, date dans l’histoire de l’art, pour avoir d’une part honoré la mémoire de cet artiste qui fut un temps perdu de vue, et d’autre part pour avoir montré dans sa totalité la tenture des Valois, une première depuis 1589.

Manufacture de Bruxelles(Willem de Pannemaker ?) d’après Antoine Caron. Le tournoi de Bayonne. fin des années 1570. Tapisserie de basse-lisse. Laine, soie, or et argent doré. Florenallerie degli Uffizi. Palazzo Pitti, Arazzi 495.

Antoine Caron, oublié et dont la redécouverte est récente au XIXème siècle en tant que dessinateur, grâce aux travaux d’Anatole de Montaiglon (1850), puis les attributions récentes, au XXème siècle, de ses tableaux par Gustave Lebel et Jean Ehrmann, a été le grand artiste du temps des Valois, de Catherine de Médicis jusqu’au début du règne de Henri IV, puisqu’il est mort en 1599. Le plus remarquable dans son itinéraire est que sa célébrité repose moins sur les peintures que sur les dessins, qui ont servi de modèles aux peintures, aux graveurs, aux maîtres-verriers ou aux sculpteurs.

Les peintures attribuées à Antoine Caron sont rares, la plus connue étant le Massacre du triumvirat au musée du Louvre et dont la fragilité n’a pas permis le transport. C’est le seul tableau daté et signé d’Antoine Caron (1566). L’exposition se signale par d’autres tableaux remarquables qui font l’objet de prêts exceptionnels : le Getty Museum a ainsi prêté Denys l’Aréopagite convertissant les philosophe païens (1570), magnifique tableau où face à un soleil perçant au milieu de nuages, rouge et or me faisant penser à Turner, un sens du décor architectural qui se déploie avec un Paris mi-réel mi-antiquisant.

Antoine Caron. Saint Denys l’Aréopagite convertissant les philosophes païens, début des années 1570. Huile sur bois. 92,7 x 72,1 cm. Los Angeles. The J. Paul Getty Museum

Des prêts du Louvre : Auguste et la sibylle de Tibur, (1573) et l’extraordinaire Funérailles de l’amour  (1570), énigmatique dans sa composition et son thème, où des Cupidons turbulents et dissipés, coiffés d’une cagoule noire, conduisent le cortège des funérailles de l’Amour, le tableau est attribué depuis très récemment à Antoine Caron.

Antoine Caron est également un artiste dont on dispose le portait attribué à François Quesnel, un dessin rare exposé, réalisé vers 1571, où la vigueur et les yeux de l’artiste frappent par leur acuité. La célébrité de l’artiste est telle qu’il figure dans la série des portraits des hommes illustres (1601) avec les sculpteur Germain Pilon et le peintre François Clouet.

Antoine Caron. les fuérailles de l’amour, vers 1570. Huile sur toile. 164 x 209 cm. Paris, musée du Louvre. (détail)

Ce “Théâtre de l’histoire” est-il une illusion ou une exposition, tel un magicien l’artiste Antoine Caron en maître de cérémonie dessine cette fête des Valois ? Les multiples talents d’Antoine Caron ne se limitent pas au dessin et à la peinture. Comme tout artiste de la Renaissance, Antoine Caron est polymorphe et maîtrise toutes les disciplines artistiques. A cette maîtrise rend hommage la gravure de Thomas de Leu (1599) en contrepoint du portrait attribué à François Quesnel : les instruments de l’artiste sont représentés aux quatre écoinçons et rappellent ses talents, avec le compas et l’équerre du géomètre, le nécessaire à écrire du dessinateur et la panoplie des instruments du peintre.

Je redeviens une petite fille devant ces décors de princes et princesses où tout semble irréel comme dans un conte, dans cette grande galerie de Psyché qui présente la série des tapisseries commandées pour les Tuileries par Catherine de Médicis appelée « La tenture des Valois » tissée dans les ateliers de Bruxelles et conservée aux Offices à Florence car elle fut donnée en héritage à sa petite-fille. Car Antoine Caron n’a pas été seulement peintre et dessinateur. Il a été également organisateur de fêtes et de spectacles royaux, dont la fameuse réception des ambassadeurs polonais aux Tuileries (1573), sujet d’une tenture des Valois, et celui du mariage du duc Anne de Joyeuse (1581).

Historique, la Tenture des Valois qui n’avait jamais été montrée dans son ensemble depuis 1589 est exposée dans la galerie de Psyché à Ecouen

Cet ensemble n’avait jamais été montré depuis 1589, année de son arrivée à Florence, c’est un moment exceptionnel de les voir ici réunies.

Fils d’or et d’argent sur les habits de cour, détails des visages, toute la cour se trouve présentée, les personnages sont très idéalisés, on remarquera la taille très fine de la reine ! Cette dernière est omniprésente, portant une robe de couleur noire ou brun sombre, elle porte le deuil de son mari Henri II et elle est la souveraine ! Au centre de toutes les attentions. 

Ci-dessus : Tenture des Valois. Manufacture de Bruxelles(Willem de Pannemaker ?) d’après Antoine Caron. Fin des années 1570. Tapisserie de basse-lisse. Laine, soie, or et argent doré. Florenallerie degli Uffizi. Palazzo Pitti, Arazzi

Sur ces représentations, les visages reconnaissables sont lisses et beaux aucune trace de petite vérole ou autres maladies ne les défigurent. 

Les fêtes somptueuses, le faste de la cour éblouissent les ambassadeurs polonais représentés en spectateurs dans la partie inférieure de la tapisserie et tournant le dos aux regardeurs. 

Les brocarts des costumes, les coiffures ornées de pierres précieuses des hommes comme des femmes. La baleine et les vagues de La Fête nautique me rappellent une estampe d’Hokusai, tous ces détails nous incitent à observer et regarder avec attention ces tapisseries qui se déroulent devant nous comme les séquences d’un film. 

Les noms des lissiers sont brodés sur les bordures.

Tenture des Valois (détail) Manufacture de Bruxelles(Willem de Pannemaker ?) d’après Antoine Caron. Le in des années 1570. Tapisserie de basse-lisse. Laine, soie, or et argent doré. Florenallerie degli Uffizi. Palazzo Pitti, Arazzi 495. ©FBS TheGazeofaParisienne

Antoine Caron excelle pour mettre en scène tous ces acteurs du royaume de France, s’inspirant de l’antiquité, de la mythologie, la religion. Il n’usurpe pas sa réputation de peintre des fêtes et des massacres car chez lui même la représentation métaphorique d’un tournoi ou d’un combat de barrière ne fait pas oublier que son art se déploie au coeur des troubles des guerres de Religion (1562-1598) et du massacre de la saint Barthélémy (1572). La Reine Margot est bien présente sur les tentures des Valois et pas seulement celle fantasmée d’Alexandre Dumas ou de Patrice Chéreau.

Dans ses années de formation, il apprend sur les nombreux chantiers de Fontainebleau en observant les travaux de Rosso Fiorentino, de Primatice mais celui qui l’inspire et qui devient son maître est Niccolò dell’Abate

La transparence des voiles, la grâce d’une main, d’une posture, les personnages dansent sur les toiles. Tragédie et fêtes somptueuses s’enchaînent dans tous ces chefs-d’oeuvre.

Il utilise la perspective des paysages et des architectures pour faire vivre ses personnages.

Vue d’ensemble ©FBS TheGazeofaParisienne

Une longue vie, Antoine Caron a connu cinq rois, il avait tant d’imagination et a su créer ces décors de rêve sans jamais voyager en dehors de la France mais en se documentant dans les livres. 

Sa fille épousera un marchand de tableaux et d’estampes parisien Paul de la Houve, ils commercialiseront de nombreuses gravures d’après Antoine Caron et confieront au graveur Gijsbert van Veen un des derniers dessins du maître, un projet de statue équestre de Henri IV. De nombreux artistes suiveurs continueront d’interpréter ses dessins après sa mort.

Une exposition à voir absolument, qui vaut vraiment le coup d’oeil, une visite à noter dans vos agendas, ne pas prendre le risque d’attendre un demi millénaire avant de revoir la fameuse tenture des Valois roulée et entreposée à nouveau dans les réserves du musée des Offices!

Antoine Caron (1521-1599) en « Théâtre de l’histoire »

Jusqu’au 3 juillet 2023

Commissaire : Matteo Gianeselli, Conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance – château d’Écouen

Musée national de la Renaissance – château d’Écouen 95440 Écouen
Tél :0134383850

Musée ouvert tous les jours sauf le mardi

Horaires
Jusqu’au 15 avril : 
9h30 – 12h45 et 14h– 17h15
16 avril – 30 septembre : 9h30 – 12h45 et 14h– 17h45

Le catalogue est publié par les édition de la RMN-GP
Sous la direction de Matteo Gianeselli

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