Albi, Montauban, Beaulieu en Rouergue, les Arques

Une déambulation artistique

Vue des jardins et du Palais de la Berbie, Albi

Voyage en Occitanie, une architecture en briques rouges et un ciel bleu sans un nuage, ces couleurs me fascinent. Après une première étape à Montauban au musée Ingres-Bourdelle, puis le choc d’Albi, c’est un émerveillement assuré par les paysages qui suivent, les villages sur les hauteurs de Bruniquel et la cité médiévale de Saint Antonin Noble Val où se trouve le meilleur glacier à la ronde, des chemins de traverse qui me conduisent au coeur des gorges de l’Aveyron jusqu’à l’Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue. C’est une petite Toscane nichée au coeur de l’Occitanie, des pays de langue d’Oc.

Montauban – Jean-Auguste-Dominique Ingres – Antoine Bourdelle – Anne et Patrick Poirier

Jean-Auguste Dominique Ingres (Montauban, 7/8o – Paris, 3867) Portrait de Mme Moitessier assise (esquisse), vers 1856 Huile et crayon sur toile Legs Ingres, 1867

A Montauban, première visite du Musée Ingres Bourdelle ou le MIB, il a rouvert ses portes après de longs travaux, conduits par la directrice des lieux Florence Viguier- Dutheil, il s’agit du seul musée au monde consacré à Ingres qui a offert à sa ville natale, un premier don important en 1851 puis en legs l’ensemble des oeuvres de son atelier qui contenait une trentaine de peintures et 4500 dessins avec entre-autres Le songe d’Ossian, peinture commandée pour la chambre de Napoléon Ier au Palais du Quirinal et rachetée par Ingres, l’esquisse de Madame Moitessier (étude du décor) pour le portrait chef-d’oeuvre de la National Gallery à Londres. Le MIB a prêté de nombreux dessins à Chantilly pour l’exposition qui se termine bientôt Ingres, l’artiste et ses princes. (cf article précédent)

Le musée a été rebaptisé Ingres-Bourdelle car le sculpteur est également natif de Montauban, auteur du Monument aux morts de la guerre de 1870, installé place Bourdelle dans sa ville natale.

Anne et Patrick Poirier devant leur installation : Les corbeaux du Prince Noir, 2023. Matériaux divers

En ce moment au MIB, deux expositions à voir :

Celle de Anne et Patrick Poirier avec qui je me retrouve à nouveau (cf anciens articles +), le Palais épiscopal des évêques de Montauban est leur nouveau terrain de jeu avec cette nouvelle exposition,  Un miroir du Monde, et en point d’orgue, l’installation de la salle du Prince Noir totalement investie par le couple d’artistes avec un message sans équivoque extrait du texte datant du milieu du 19e siècle écrit par Henry David Thoreau, écrivain philosophe américain, visionnaire sur l’écologie, apôtre de la pauvreté volontaire, de la désobéissance civile et de la décroissance. 

Anne et Patrick Poirier . Un miroir du Monde, 2023. Installation, matériaux divers

Pour ce faire, ils se servent en tout premier lieu d’extraits de livres d’écrivains dont la lecture inlassablement répétée telle celle de la « bible » s’accordent à leur sensibilité, à leur vision du monde.
Grands lecteurs, ils pratiquent également l’exigeant, exercice de l’écriture sous
diverses formes journaux,lettres, carnets, nouvelles qui de fait occupe une place centrale dans leur langage plastique

Laure Martin-Poulet, co-commissaire de l’exposition (extrait du catalogue de l’exposition)
Antoine Bourdelle. Autoportrait sans bras, statuette, 1908 Bronze (fonte Rudier) Paris, musée Bourdelle – Au centre : Albert Harlingue (1879-1964) Antoine Bourdelle à côté de son Autoportrait dans l’atelier, vers 1908 – Reproduction d’après une photographie originale du musée Bourdelle de Paris

Puis c’est au tour de Bourdelle, la mémoire des objets, une visite avec la directrice des lieux Florence Viguier- Dutheil et Ophélie Ferlier-Bouat, directrice du Musée Bourdelle à Paris. Une autre manière de comprendre l’oeuvre du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929) à travers tous ces objets qui l’entouraient , des objets qu’il conservait auprès de lui et qui étaient parfois source d’inspiration, des souvenirs de ses amis, de sa famille de son père , son grand-père chevrier dont il garde cette petite syrinx (flûte de Pan), une ravissante sculpture de sa seconde femme Cléopâtre Sévastos qui fut son élève.

Vue de l’exposition avec au centre :Cercle de Jean-Auguste Dominique Ingres : Amaury-Duval (1808-1885) ? Portrait de jeune femme brune dans un paysage, XIX° siècle. Huile sur toile. Paris, musée Bourdelle. A gauche : Tête chypriote, Ve siècle av.J.-C. Pierre calcaire, musée Bourdelle

Les outils du sculpteur, le compas, il utilise pour dessiner la technique des trois compas. Matériel et divin se croisent à travers tous ces témoignages exposés, dans ses poèmes, l’artiste parle de cette double inspiration créatrice.

L’importance du dessin, pour Antoine Bourdelle, sculpter c’est dessiner en trois dimensions.

Antoine Bourdelle, Femme au compas, 1909. Bronze (fonte Valsuani) Paris, musée Bourdelle.

Bourdelle était aussi collectionneur, dans l’exposition on peut voir un très beau portrait de femme “Mon Ingres” mais peint non pas par le maître mais par un artiste de son entourage. Il possédait des oeuvres de Carpaux, Carrière, Van Gogh, Puvis de Chavanne.. et aussi beaucoup d’oeuvres de toutes époques, antiques ou contemporaines. Il conservait des moulages en plâtre, l’un d’eux est le seul témoignage du “Grand David” de la cathédrale de Rheims.

Toute sa vie, Antoine Bourdelle restera attaché au territoire de son enfance, le Quercy. J’apprends qu’il teint lui même ses pantalons de ce bleu pastel qui provient de ce petit village au sommet d’une falaise, Cordes-sur-Ciel dont la spécialité est le pastel. Une exposition singulière et attachante qui découvre l’œuvre de l’artiste autrement, en donnant les clés de son art, à ne pas manquer.

UN MIROIR DU MONDE – ANNE ET PATRICK POIRIER

Du 8 juillet 2023 à mai 2024

BOURDELLE, LA MÉMOIRE DES OBJETS

Du 8 juillet au 12 novembre 2023

Musée Ingres Bourdelle

19, rue de l’hôtel de ville – 82000 Montauban

Tél. 05 63 22 12 91

Mention spéciale à la boutique du musée pour ses produits dérivés, je recommande le catalogue de l’exposition des Poirier, très réussi, composé de textes sur papier calque et de cartes postales à 5 € !

Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue – Johan Creten

Abbaye de Beaulieu en Rouergue

L’abbaye cistercienne de Beaulieu en Rouergue du XIIIe siècle est une vraie apparition quand on arrive sur les lieux, en ruines en 1960, elle est sauvée par Geneviève Bonnefoi et Pierre Brache, collectionneurs de l’Ecole de Paris. Ils vendent deux sculptures de Constantin Brancusi, le produit de cette vente leur permet de commencer ces grands travaux de restauration.

Vue du réfectoire. Dessus de cheminée : Ida Karskaya (1905-1990). Sans titre, 1970. Tapisserie en laine

Cette abbaye devient l’écrin de leur collection d’art contemporain avec des œuvres de Hantaï, Dubuffet, Michaux, Vasarely, Veira Da Silva, Degottex et aussi d’autres signatures moins connues comme Ida Karskaya, Odile Mir, le couple transforme l’abbaye en Centre d’art. L’ordre cistercien, dont la particularité est la sobriété sans décorum, et l’art contemporain s’accordent très harmonieusement. L’abbaye est aujourd’hui gérée par le Centre des Monuments Nationaux, le CMN, qui propose régulièrement des cartes blanches à des artistes contemporains.
Jusqu’au 1er octobre on peut y découvrir  Le Cœur qui déborde, carte blanche à Johan Creten 

Abbaye de Beaulieu en Rouergue, le cellier : vue de l’exposition de Johan Creten

« Le travail de Johan Creten parle des tourments intérieurs qui sont en chacun de nous, tout comme les individus mais aussi en tant que société, traitant de sujets tels que la nature, la féminité, pouvoir, politique et spiritualité. » 

Gay Gassmann

JOHAN CRETEN – LE COEUR QUI DÉBORDE

Jusqu’au 1er octobre 2023

Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue

82330 Ginals

De juin à septembre : tous les jours de 10h à 18h

Albi – Henri de Toulouse-Lautrec

Albi, sa cathédrale forteresse et son palais épiscopal, le Palais de la Berbie, demeure des évêques du Midi, en briques rouges et édifiés au XIIIe siècle, surplombant le Tarn. Site unique au monde et classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
A l’intérieur de la cathédrale, le décor est époustouflant, la presque totalité des murs est recouverte de peinture en trompe l’œil de formes géométriques, de loin on hésite à voir un décor de marqueterie de marbres et surtout il y a le Jugement dernier terrifiant du XVe siècle, j’imagine les fidèles devant ces 300m2 de peinture (la plus importante du Moyen-Âge), catéchisme illustré d’autrefois.

Henri de Toulouse-Lautrec. Jane Avril – La mélinite dansant, 1892. Huile sur carton – A droite : Jane Avril de dos, 1893. Huile sur carton. 66,8 x 52,2 cm

La visite du Palais de la Berbie abritant le musée de Toulouse Lautrec est très émouvante, Albi est la ville natale du célèbre artiste, les portraits de sa mère, son intérieur et toutes ces peintures qui se suivent montrent la dextérité de l’artiste, une vie en mouvement et très mouvementée. La visite du Palais se poursuit dans les salles où se trouvent les collections de peintures et objets d’art, en passant par la chambre de l’évêque avec vue sur le jardin à la française.

Musée Toulouse-Lautrec Palais de la Berbie
Place Sainte-Cécile BP 100
81003 Albi cedex

Photographie : la cathédrale d’Albi

Les Arques – Ossip Zadkine

Ossip Zadkine. Diane, 1940. Bois de peuplier polychrome. Dépôt du musée Zadkine de la ville de Paris.

Et si cette escapade se prolongeait encore, à quelques dizaines de kilomètres, toujours dans le Quercy, dans cette partie appelée la Bouriane, où se situe Les Arques , refuge d’un autre sculpteur Ossip Zadkine et de sa femme Valentine Prax, tous les deux étaient tombés sous le charme de ce village. Il a offert plusieurs oeuvres à l’église de Saint Laurent des Arques dont un très beau Christ en orme sculpté en taille directe. A l’intérieur du musée, j’ai adoré sa Diane chasseresse, sculpture polychrome qui me rappelle son Odalisque acquise par le musée Réattu à Arles en 1953. 

Musée Ossip Zadkine, les Arques

46250 Les Arques

Tel : 05 82 11 04 66

museezadkine@lot.fr

Photographie : Les Arques, église de Saint Laurent des Arques, à droite sculture de Ossip Zadkine, Les Lotophages, 1961-1962. Bronze, épreuve 3/6. Dépôt du musée Zadkine de la ville de Paris.

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