Une vie de château design à Rambouillet ! 

The Gaze of Valérie de Saint-Pierre

Quand on pense Président de la République ami des arts et du design, on songe immédiatement à George Pompidou et surtout à Claude, son épouse, installant un fumoir et une salle à manger Pierre Paulin à l’Elysée, dans les années 70. 

Le président Vincent Auriol et sa femme dans leur salon de jardin au château de Rambouillet © DR Archives nationales de France.

Vincent Auriol, premier président de la IV ème République et Michelle, sa femme, eurent eux aussi envie, dès les années 50, de mettre en lumière les meilleurs ensembliers et décorateurs de leur époque. Mais tous deux jettent alors plutôt leur dévolu sur le Château de Rambouillet, alors résidence secondaire plutôt « sympathique » (mais compassée) des Présidents français. Elle restera à la disposition de ces derniers jusqu’à 2009, date de sa sortie de la liste des lieux protocolaires, voulue par Jacques Chirac.

Sous l’impulsion du couple Auriol, le Mobilier National est donc chargé de faire de ce lieu de villégiature prestigieux mais un peu figé une « vitrine de la modernité » (comme on aime à dire alors). L’idée est d’en mettre « plein les yeux » – mais élégamment ! – aux dignitaires étrangers et personnalités politiques de l’époque, invités à des parties de chasse et de pêche, plutôt détendues par ailleurs. 

Château de Rambouillet, façade sur le jardin et façade sur le grand canal © Laurent Gueneau – CMN

Les Auriol, eux, y passeront aussi volontiers du temps en famille. Leur fils Paul -par ailleurs Secrétaire Général adjoint de l’Elysée – et son épouse Jacqueline, aviatrice casse-cou célèbre- ont en effet leurs chambres respectives à demeure.  Les photos d’archives montrent qu’entre deux visites d’Etat, la vie était plutôt douce et tranquille à Rambouillet, avec des déjeuners au soleil fréquents… Un article de quotidien, reproduit sur un cartel, félicite même les Auriol de leur mine « reposée », après une escapade de quelques jours dans cette « maison de campagne » … royale !

La « salle aux marbres », vaste pièce marquetée de marbre du Languedoc rouge et gris, ouvrant sur le jardin, devient vite le lieu d’élection des Auriol. Elle est sans conteste l’un des « chocs » esthétiques de la visite.  Le travail du célèbre décorateur André Arbus (associé à Raymond Subes, maitre-ferronnier) y est en effet soigneusement restitué par le Mobilier National, dans toute sa splendeur inventive. Tapis rappelant les motifs de marbre muraux, canapés à franges vert d’eau, luminaires, jardinières et surtout sublimes fauteuils cannés -transportables à l’extérieur- y ont rêver de diplomatie en costume d’été blanc, genre qui fut florissant sous le septennat de Vincent Auriol… Le lieu va dorénavant demeurer en l’état.  

Salon Médicis 1 © Benjamin Gavaudo – Centre des monuments nationaux

Non loin de là, au 1er étage, le cabinet de travail particulier du Président, là encore meublé -en 1947- par le Mobilier National et tout d’apparat tranquille, est également reconstitué. Un sobre ensemble en merisier vernis de 1945, dû au décorateur Jacques Adnet, y dialogue avec deux spectaculaires tapisseries de Maurice Savin, La Salamandre et la Kermesse, clin d’œil rural coloré aux origines du Président. Cette pièce, temporairement remeublée pour l’exposition « Dans l’intimité d’un Président » (jusqu’au 30 septembre prochain), se visite librement, tout comme le reste des magnifiques appartements d’« Assemblée » , enfilade délicieusement XVIII ème siècle avec ses fraîches tapisseries bucoliques et boiseries raffinées, où se poursuit l’exposition.  Plus loin, la salle à manger officielle des Présidents de la République, à la table dressée comme lors du premier sommet du G6, en novembre 75, amuse par ses réminiscences, cette fois giscardiennes … 

Plus intimes et totalement inédits sont les appartements privés des Auriol et de leurs invités, encore récemment vides mais patiemment remeublés à l’identique, toujours avec le concours du Mobilier National. Ils se visitent depuis le 10 décembre, en petits groupes, à heure fixe. 

Dans la famille Auriol, on demande par exemple la chambre du fils (mobilier en parchemin et merisier de Suzanne Guiguichon, dont une étonnante table-soucoupe volante )…  Puis celle de la bru, imaginée par Jeanne Blanche Klots, dans un style Directoire mâtiné d’art déco, dont la coiffeuse est un bijou de grâce stylisée. 

Appartement présidentiel, chambre d’ami 2 © Benjamin Gavaudo – Centre des monuments nationaux.

Mais les amoureux des « fifties » se pâment surtout dans l’étonnant « Studio-Bureau », une suite de luxe imaginée par Jean Pascaud (qui meubla en partie le Normandie) pour les chefs d’états étrangers. Dans la tour Renaissance -dite François 1er-, les poutres tutélaires se réveillent dans des murs désormais vert anis acidulé, le sol se réchauffe d’une étonnante moquette sapin, cependant qu’un mobilier « rustique chic », en merisier tendu de jaune-vif, invite à une pause sous deux lustres monumentaux de Gilbert Poilerat. Juste à côté, une chambre très féminine, décorée par Genès Babut, séduit par la distinction de son satin gris et mordoré, associé à du sycomore et des boiseries blanches … On se fantasme volontiers en Première Dame venue d’ailleurs, tout en laissant volontiers à l’époux de cette dernière une ultime chambre relookée façon Château de la Loire, certes virile mais nettement plus rude !  

Le long de deux couloirs qui ressemblent à des coursives de paquebot s’alignent enfin des portes closes… Ce sont celles de chambres attendant d’être remeublées, au fil des trouvailles « Auriol » du Mobilier National. Bonne nouvelle, les appartements ainsi reconquis vont rester définitivement ouverts au public et seront même régulièrement enrichis ! A suivre ….

Chaumière aux coquillages © David Bordes – CMN

On profite aussi de sa visite à Rambouillet pour 

Appartement de Napoléon, salle de bains 1 © Benjamin Gavaudo – Centre des monuments nationaux.

-muser dans l’appartement de Napoléon, magnifiquement restauré, un vrai concentré de style Empire pour les aficionados ! 

Domaine de Rambouillet, Laiterie de la reine, rotonde d’entrée © Colombe Clier – CMN.

-méditer dans la Laiterie Royale, majestueux et très marmoréen temple néo-classique, érigé par Louis XVI pour attirer Marie Antoinette à Rambouillet (qu’elle détestait).

– s’émerveiller dans la « Chaumière aux coquillages », ravissante « folie » XVIII ème dûe au duc de Penthièvre, toute de nacre et d’onirisme marin … 

Photo : Détail chaumière aux coquillages © David Bordes – CMN

Rambouillet 1950 – Dans l’intimité du Président

Exposition prolongée jusqu’au 30 septembre 2024

Château de Rambouillet 78120 Rambouillet
01 34 94 28 55 www.chateau-rambouillet.fr

Château de Rambouillet

Exposition en partenariat avec le Mobilier National

COMMISSARIAT SCIENTIFIQUE : Gérald Remy, conservateur du patrimoine, inspecteur des collections au Mobilier national

COMMISSARIAT GÉNÉRAL – Centre des monuments nationaux : Isabelle de Gourcuff, administratrice du château de Rambouillet – Camille Canteloup, référente collections –
Anne-Claire Saunier, responsable du service éducatif et culturel, assistée de Lise Lebœuf

Photo : Château de Rambouillet, façade sur le jardin et façade sur le grand canal © Laurent Gueneau – CMN

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