Salon du dessin 32ème
Samedi matin, rendez-vous au Palais Brongniart avec Patrick de Bayser, expert en dessins anciens bien connu du milieu de l’art, pour une visite décryptage très privilégiée du Salon du dessin qui se termine lundi 25 mars à 18h. Un évènement de renommée internationale très attendu par les collectionneurs à ne pas manquer pour sa qualité. Paris est à l’heure du dessin ! des ventes aux enchères sur ce thème s’organisent, d’autres salons, depuis 17 ans, celui du dessin contemporain Drawing Now Art Fair, DDessin et un dernier Print Art Fair ont lieu aussi cette même semaine, avis aux amateurs !
Le Cabinet de Bayser, une histoire de famille
Le dessin, une histoire de famille chez les Bayser, le grand-père Patrick ouvre une première galerie déjà très spécialisée dans le dessin avec aussi des peintures et sculptures, puis c’est au tour de son fils Bruno qui reprend les rennes dans les années 60 et qui lancera véritablement le marché en faisant venir les collectionneurs d’outre-Atlantique. Négligé en France, le dessin reprend ses lettres de noblesse, Bruno de Bayser est alors appelé par de nombreuses études de commissaires-priseurs afin d’expertiser les dessins trouvés dans les successions et divers, une première vente de l’étude Tillorier fait date celle de la collection Lagrenée en 1977. L’aventure du Salon commence en 1991 sur une idée des marchands Jérôme Fourier, Olivier Aaron, Pascal Zuber, Patrick Perrin rejoints par Blandine de Bayser, la première édition a lieu au George V et depuis 2004 au Palais Brongniart.
Tous ces noms qui défilent sur les cartels sont souvent très célèbres, anciens et modernes se côtoient, Tiepolo, Ingres, Bouchardon, Fragonard, Degas, Cassatt, Kupka, Picasso, Modigliani, Maillol… Dubuffet, la Fondation Dubuffet est l’invitée d’honneur de cette saison. Il est fascinant de constater à quel point l’art du dessin est transversal : bien sûr les peintres le pratiquent, certains le portent à son plus haut degré, comme François Clouet, Maurice-Quentin de La Tour ou Sam Szafran en s’en faisant leur spécialité dans l’art du portrait ou de la représentation, mais les sculpteurs, les graveurs, les écrivains (Victor Hugo dont un panneau rappelle l’entrée dans les collections nationales de Marine Terrace, magnifique dessin qui entrelace les initiales de Victor Hugo et de Juliette Drouet), le pratiquent également. Certains l’utilisent comme technique de transfert en vue d’une matrice, souvent comme une esquisse, une étude préparatoire, ou des feuillets recto-verso, les codex de Léonard de Vinci sont ainsi les plus célèbres. La fragilité du médium participe de sa rareté et de sa faveur retrouvée sur le marché de l’art. En raison de leur sensibilité à la lumière, les dessins ne peuvent être exposés de façon permanente et impliquent des modalités de conservation précautionneuses, ce qui rend d’autant plus appréciable le Salon du Dessin, où le public peut admirer et déambuler à son plaisir devant un spicilège de galeries soigneusement sélectionnées par les organisateurs.
Sur le stand du Cabinet de Bayser, Bruno de Bayser nous montre cette petite esquisse aquarelle très délicate d’Antoine-Louis Barye, représentant une biche dans un paysage, oeuvre rare de l’artiste très connu pour ses bronzes animaliers. J’apprends que Delacroix et lui allaient ensemble au zoo pour croquer les animaux. Bruno de Bayser s’intéresse beaucoup à la nouvelle génération d’artistes et porte un regard sur eux très engagé avec la création en 2005 d’une association « Le Cabinet des amateurs de dessins des Beaux-Arts de Paris » dans le but d’enrichir le Cabinet Jean Bonna qui, depuis 2013, donne un Prix du dessin contemporain récompensant un jeune artiste des Beaux-Arts de Paris dont une œuvre est offerte et vient enrichir à cette occasion le fonds de l’École.
Dans la galerie bruxelloise Lancz Gallery , ce portrait de femme par Walter Sauer se remarque, l’artiste à la carrière fulgurante était passionné par les arts d’Extrême-Orient et en particulier par les estampes japonaises. Sur ce même stand, les oeuvres de Léon Spillaert, se reconnaissent, avec toujours cette touche de mélancolie, deux expositions ont eu lieu il y a peu de temps à Orsay et à la Royal Academy of Arts à Londres.
Un dessin de Mucha attire mon attention, il s’agit d’un projet pour le magazine Cocorico créé en 1898 par le peintre Paul Bouligny qui souhaite le « journal humoristique le plus artistique et littéraire ». Sur ce même stand se trouve un dessin d’une Vierge à l’enfant par Isaac Oliver, artiste français né à Rouen vers 1560 et qui vécut toute sa vie à Londres et fut le premier maniériste anglais. Galerie Stephen Ongpin Fine Art.
C’est au tour d’un dessin de Tiepolo, une des feuilles du Nouveau Testament, Eric Coatelem, le galeriste nous explique tous ces détails, la soixantaine de nuances de marron utilisée par l’artiste vénitien, la couleur blanche étant celle du papier, ce qui démontre la virtuosité de l’artiste.
Galerie Ditesheim & Maffei Fine Art. je retrouve les grandes perspectives dessinées par Erik Desmazières, artiste à plusieurs casquettes dont celle de diriger le musée Marmottan, je découvre également les oeuvres de Simon Edmonson qui vit à Madrid et s’inspire des Ménines de Vélasquez qu’il interprète à sa manière en les installant ici dans un hôpital.
Galerie Louis & Sack, place à l’Asie avec Hisa Domoto, artiste japonais vivant à Paris dans les années 50, il entrainera les artistes de l’Abstraction lyrique comme Georges Mathieu dans son pays. La galerie s’intéresse également aux artistes coréens contemporains installés en France.
Politique, intimité et religion dans un même dessin
La galerie Ambroise Duchemin nous fait découvrir un dessin de Jean-Auguste-Dominique Ingres en vue de la création des vitraux de la chapelle des Orléans à Dreux. L’histoire dynastique rejoint l’histoire religieuse et l’histoire de France. Ce travail a été conçu en l’honneur de Ferdinand d’Orléans, le fils aîné de Louis-Philippe, héros de la conquête de l’Algérie et très populaire parmi les milieux libéraux. Son accident a constitué un drame national. Ce dessin représente saint Philippe sous les traits du roi Louis-Philippe, avec une larme qui s’écoule sur la joue : la représentation du chagrin privé est plutôt rare chez Ingres qui s’autorise cette liberté artistique pour traiter un sujet familial qui n’a pas manqué de l’émouvoir.
Vu Galerie Didier Aaron, un portrait de M. de Chastellier, très légèrement suffisant par Louis Vigée, père de la célèbre portraitiste de Marie-Antoinette, Elsabeth Vigée-Lebrun.
Un décor pour la mairie du Vème à Paris
La jeune galerie marseillaise Alexis Pentcheff expose un mural de dessins préparatoires d’Henri Martin, peintre postimpressionniste mais également exécuteur de grandes commandes publiques sous la IIIème République. Il s’agit des dessins des panneaux du grande escalier de la mairie du Vème arrondissement, commande de 1935 qui représente le jardin du Luxembourg et son fameux bassin où les enfants s’égaient avec les voiliers miniatures. Le visiteur ne manquera pas d’apprécier le clin d’oeil d’une galerie marseillaise à une scène de la vie parisienne
- A lire : Patrick de Bayser : Le piéton de Drouot, éditions Le Passage, un abécédaire pour les amateurs et les néophytes de la salle des ventes mythique. Nu féminin, éditions Le Passage.
Salon du dessin
du 20 au 25 mars 2024.
Palais Brongniart
Place de la Bourse
75002 Paris