“Yo Picasso”…
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“Yo Picasso” (moi Picasso) , regardez ma vie, lisez mon journal à travers mon oeuvre, déchiffrez les codes, c’est ce que semble nous affirmer l’artiste dans cet autoportrait de 1901…
“Donnez moi un musée et je le remplirai” Picasso

Une oeuvre gigantesque d’un homme qui peignait sa vie au fil des jours, un journal intime qui était montré aux spectateurs. Je pense en particulier à cette année 1969 étalée comme les pages d’un livre à Avignon en 1970 à l’initiative du couple Zervos (Les Cahiers d’Art et catalogue raisonné de Picasso), qui reproduira l’expérience en 1973. 1969 année choc pour les regardeurs à qui se dévoilent 165 peintures et 40 dessins accrochées chronologiquement selon les volontés de l’artiste, incompréhensibles pour certains. Douglas Cooper (1911-1984), critique d’art, le traitera même de vieillard sénile ! Et pourtant c’est un Picasso libre qui revient aux fondements de son art, il est ce tout jeune artiste passionné de tauromachie qui réapparait dans cet autoportrait très émouvant de 1972.
Laurent Le Bon, directeur du musée Picasso, me reçoit afin de me donner quelques éclaircissements sur le vaste sujet du musée, situé dans l’écrin de l’hôtel Salé dans le Marais. Tout d’abord son choix est de présenter “un Picasso humain “.
“Avec cette exposition ¡Picasso ! on a voulu mettre le focus sur ce que j’appelle le continent immergé, c’est à dire les 200 000 pièces d’archives qui forment un peu le quotidien de Picasso…” Laurent Le Bon

©TheGazeofaParisienne
2015, l’année des 30 ans du musée, l’âge adulte et de la maturité, et une exposition anniversaire commencée en octobre qui fête Picasso avec des points d’exclamation à l’espagnole à l’envers et à l’endroit. Ce sont les retours aux fondamentaux – Picasso a choisi la France mais est toujours resté espagnol – Picasso sens dessus dessous, le mystère de la création. C’est aussi un autre anniversaire : celui du “Mystère Picasso” le film d’Henri-Georges Clouzot de 1955, film qui montre le processus créatif de l’artiste. Ses oeuvres présentées dans son atelier comme dans un théâtre deviennent les acteurs du film. 2016 sera aussi l’occasion de rendre hommage à Jacqueline la femme des vingt dernières années de Picasso, décédée en 1986.

“Il y a quelques années j’avais fait une exposition sur le mouvement Dada dont on fête également l’anniversaire, le mouvement Dada a été choisi en 1916, on a voulu montrer un Picasso un peu Dada..” Laurent Le Bon


L’accrochage proposé par la scénographe Jasmin Oezcebi, que nous pouvons voir en ce moment dans le musée dédié à l’artiste à Paris, nous raconte d’une autre manière Picasso. A travers de grands panneaux en verre sont présentés les documents de manière verticale, posés au milieu des salles où sont placés ses papiers personnels, cartes, lettres, presse, factures, tickets de musée…
Ses notes comme celle-ci m’amusent : “Il faut vraiment avoir la trouille pour avoir peur d’une colombe” (à propos de la colombe du Mouvement de la paix, proche du parti communiste, au moment de la guerre de Corée), sur le même ton, Dali qui lui adresse une carte “J’ai une dent contre toi”.
Plus émouvantes sont les lettres et poèmes de Max Jacob, son grand ami qui l’accueille à Paris au début du XXème siècle, celui qu’il ne pourra pas sauver pendant l’Occupation et mourra à Drancy. Max Jacob qui donnera le nom de “Bateau Lavoir” à la maison où s’installe Picasso.

Les articles de presse qui me retiennent et me rappellent certains épisodes marquants de la vie du Maître : Guernica exposé dans le pavillon espagnol, le portrait de Staline réalisé par le Picasso communiste, à la mort de ce dernier en 1953 ainsi que ce dessin de 1949 “A ta santé Staline”.
Je découvre l’histoire de la Colombe de la Paix, un entretien avec l’artiste Gérard Fromanger, les couvertures de Paris Match, Picasso déjà artiste “people” (à l’époque on disait “Jet-Set”)…je pourrais rester des heures !
Une vie entière de souvenirs, tous conservés dans ses maisons et châteaux. Cette disposition nous permet à la fois de lire sa vie et de regarder ses peintures, de percer un peu son mystère.
“Ce qui est fantastique dans la peinture, c’est que chaque toile est une pièce à conviction d’une profonde recherche et que le peintre lui-même n’est pas capable dans la plupart des cas heureusement de décortiquer cette toile, et de dire voilà pourquoi j’ai fait ça, voilà ce que je pense, au contraire c’est cela qui fait de la peinture un art majeur, c’est un chemin ouvert dans une jungle absolument fantastique d’idées à travers lesquelles le peintre cherche lui-même sa propre détermination, c’est pourquoi d’une toile à l’autre, c’est une espèce de continuation ininterrompue qui fait que quand le peintre parle, toutes les oeuvres sont là… Il s’exprimait avec violence quand il y avait certains moments privilégiés, où il avait envie de parler de peinture avec d’autres et dans ses propres contradictions cherchait une vérité, c’est le mot qu’il prononçait le plus souvent… ” Hélène Parmelin, journaliste, romancière est la femme du peintre Edouard Pignon, le couple était très ami de Picasso.


Chaque étage à un rôle défini, chaque salle a sa propre identité, l’ordre chronologique est respecté comme l’ont décidé les neuf co-commissaires, ainsi le résultat est très pédagogique et aide à comprendre l’homme Picasso.
J’apprends au cours de notre conversation, qu’une exposition fin 2017 en partenariat avec la Tate, sur l’année 1932 est prévue dans le calendrier du musée. 1932 c’est l’année du “Rêve” , Picasso vit une très belle histoire d’amour avec Marie-Thérèse Walter, qu’il a rencontrée près des Grands Magasins, alors qu’elle n’a que 17 ans et lui 45. Marie-Thérèse cachée, car en 1927 lorsqu’il la rencontre, il vit avec Olga, la danseuse russe. Si mystérieuse, qu’il la représente sous forme de code, les trois lettres MTW sont stylisées, à nous de découvrir ce nouvel amour !
1932 c’est aussi l’année de sa première rétrospective à Zurich, 200 tableaux qu’il installe déjà tout seul, exposition qui est un succès. Tout jeune il choisit déjà de peindre sa vie, ses femmes, drames, passions, politique, il avait une exceptionnelle vitalité, un travailleur acharné, un démiurge de la création…
“Il y a toujours un renouvellement, je pense qu’il savait ce qu’il voulait sur le long terme, chaque étape de sa création était comme un petit chapitre d’un grand fleuve, je pense qu’il est déterminé… ” Laurent Lebon

Picasso disait “Cela ne m’intéresse pas du tout de faire quelque chose que je connais”

©TheGazeofaParisienne
Picasso avait un orgueil démesuré tout en doutant. Un jour, il fait une visite au Louvre en apportant des tableaux pour voir ce que cela donne près des grands maîtres. Ce même Louvre qui refusera Les Demoiselles d’Avignon en 1937 lors du legs de la veuve de Jacques Doucet …

«Je ne puis m’empêcher de voir dans Les Demoiselles d’Avignon l’événement capital du début du xxe siècle. Voilà le tableau qu’on promènerait, comme autrefois la Vierge de Cimabue, à travers les rues de notre capitale, si le scepticisme ne l’emportait sur les grandes vertus particulières par lesquelles notre temps accepte d’être, malgré tout » André Breton à Jacques Doucet , 1924
http://www.museepicassoparis.fr/
Catalogue ¡PICASSO! http://www.museepicassoparis.fr/editions/
A l’occasion de ¡PICASSO!, les équipes du Musée ont réalisé un documentaire pendant l’installation de l’exposition.
http://www.moma.org/calendar/exhibitions/1505 Picasso Sculpture MoMA à New York jusqu’au 7 février
http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/picassomania Picassomania jusqu’au 29 février – Paris – Grand Palais
Hélène Parmelin “Voyage en Picasso” Robert Laffont, 1980 – Ed. Bourgeois, 1994


